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N° 3499

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 octobre 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à améliorer la condition des personnes en situation de handicap,

 

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre MORELÀL’HUISSIER, JeanChristophe LAGARDE, Sophie AUCONIE, Christophe NAEGELEN, Pascal BRINDEAU, Valérie SIX, Agnès THILL, Nicole SANQUER, Meyer HABIB, Grégory LABILLE, Guy BRICOUT, Michel ZUMKELLER, Philippe GOSSELIN, Isabelle VALENTIN, Paul CHRISTOPHE, Frédérique DUMAS, Yolaine de COURSON, MarieFrance LORHO, Didier LE GAC, Bruno BILDE, Philippe LATOMBE, Fabrice BRUN, FrançoisMichel LAMBERT, Constance LE GRIP, Patrice ANATO, Moetai BROTHERSON, Sandrine JOSSO, Maina SAGE, Arnaud VIALA, Olivier GAILLARD, Sylvain BRIAL, Ludovic PAJOT, Sira SYLLA, Sonia KRIMI, Philippe VIGIER, Philippe MEYER, JeanLuc POUDROUX, Nicolas DUPONTAIGNAN, JeanLuc REITZER, Danielle BRULEBOIS, Loïc DOMBREVAL, JeanClaude LECLABART, Sébastien CHENU, AnneFrance BRUNET, Maud PETIT, Nathalie PORTE, Olivier FALORNI, JeanPaul DUFRÈGNE, Nicolas MEIZONNET, Martine LEGUILLEBALLOY, PierreYves BOURNAZEL,

député.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Selon un rapport sur les droits des personnes handicapées du Conseil des droits de l’homme de l’ONU rendu public en mars 2019, la situation de la condition des personnes en situation de handicap est décrite comme alarmante en France. Il s’agit aujourd’hui de la principale cause de discrimination : 12 millions de Français sont concernés, soit 1 Français sur 6.

En 2018, les Défenseurs des droits recensent plus de 23 % de Français ayant été victimes de discrimination au travail en raison de leur handicap. Or, Seul 2,2 % du PIB français est alloué aux personnes handicapées. À titre de comparaison, c’est deux fois moins que le Danemark. Au‑delà de la question budgétaire, il s’agit d’efficience de nos dépenses sociales : les efforts actuels de l’État pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap sont insuffisants et ne permettent pas de transformer en profondeur la vision du handicap dans la société. Selon le baromètre de la confiance 2019 d’AFP France Handicap, 90 % des personnes en situation de handicap sont mécontentes vis‑à‑vis des politiques menées ces dernières années.

L’objet de cette résolution est de garantir à toutes les personnes en situation de handicap des services fiables, une aide de proximité accessible et si possible inclusive. En définitif, il s’agit d’améliorer la condition des personnes en situation de handicap dans toutes les sphères où il est possible de le faire, pour une société plus juste. Il est essentiel que chacun puisse trouver sa place au sein de notre société, sans distinction, aucune.

Au 1er mai 2016, sur plus d’un million d’infrastructures publiques et privées ouvertes au public, seules 300 000 étaient pleinement accessibles à tous. Les transports publics témoignent eux aussi de ces risques.

L’accessibilité universelle ne se résume pas au cadre du bâti et aux transports. À l’instar de l’accessibilité universelle aux bâtiments, la conception universelle de l’information est un défi de taille : l’information accessible à tous ne bénéficie pas uniquement aux personnes en situation de handicap mais aussi plus largement à ceux qui achoppent sur des textes trop complexes, maîtrisant mal la langue.

Par ailleurs, la scolarisation des enfants en situation de handicap est souvent un long périple jonché d’obstacles. Au‑delà du manque d’infrastructures adaptées, ce sont les formations insuffisantes des personnels scolaires non préparés à accueillir ces enfants. L’accompagnement et la formation de nos professeurs pour une école plus adaptée à tous est un impératif social aujourd’hui. L’inclusion des enfants handicapés doit être une priorité pour le Gouvernement mais elle ne doit pas se faire de manière irraisonnée. L’environnement scolaire, inadapté à ces enfants, est trop souvent synonyme de souffrance pour eux.

La situation est aussi préoccupante en matière d’accès à l’emploi. Le taux de chômage des personnes handicapées est particulièrement élevé (19 %) et représente deux fois le taux de chômage moyen. Les demandeurs d’emplois en situation de handicap ont accès aux emplois moins rémunérés et nécessitant moins de compétences. La situation est d’autant plus grave que la crise sanitaire, défavorise encore plus que les autres les personnes en situation de handicap dans l’accès à l’emploi.

La protection sociale est aussi très incomplète envers les personnes en situation de handicap. L’État ne rembourse pas entièrement tous les coûts liés au traitement du handicap. Ces coûts parfois très élevés poussent les personnes en situation de handicap à choisir des solutions moins adaptées à leur quotidien mais plus économiques. Nous ne pouvons laisser cela perdurer dans notre pays au XXIe siècle.

En matière de santé, de nombreux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés ont un moins bon accès aux services de médecine générale et aux soins dentaires que le reste de la population.

Environ 100 000 enfants et 200 000 adultes sont placés dans des centres spécialisés. Si de nombreux centres proposent un mode de vie adéquat, le manque de directives gouvernementales, d’encadrement et de formation mènent bien trop souvent à des situations de détresse et de sensation d’internement. Les personnes en situation de handicap étant parfois traitées comme des patients et non comme des résidents.

Aussi, le ministère de la justice révélait qu’en 2015, plus de 385 800 personnes en situation de handicap étaient placées sous tutelle, 360 000 sous curatelle. Les personnes sous tutelle ne sont plus habilitées à exercer leurs droits et ne peuvent pas accomplir d’actes civils sans être représentées par leur tuteur. Les personnes sous curatelle restent quant à elles habilitées à exercer la plupart de leurs droits mais doivent bénéficier de l’assistance ou de l’autorisation d’une tierce personne pour accomplir certains actes civils. La reconnaissance de la capacité juridique des personnes en situation de handicap dans des conditions d’égalité est une obligation fondamentale imposée par l’article 12 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Convention que la France se doit de respecter.

Initions, un remaniement profond de la vision du handicap en France. Faisons de cette question un défi national pour faire en sorte que chacun puisse trouver sa place dans notre République.

Nous devons faire plus et mieux, de façon constante. Avec ces nouvelles normes, nos politiques publiques et nos travaux législatifs doivent, à présent, prendre systématiquement en compte le handicap. Tel est l’objectif de la présente résolution.


proposition de rÉsolution

Article unique

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la loi n° 2005‑102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées,

Vu l’article R. 262‑11 du code de l’action sociale et des familles,

Considérant que la solidarité envers les personnes en situation de handicap est une cause nationale majeure ;

Considérant les nombreux dysfonctionnements de la politique de prise en charge du handicap ;

Considérant les importantes disparités entre les départements pour l’ouverture des droits à prestation et la durée d’instruction des dossiers ;

Considérant le non‑respect par l’État de l’obligation de mise en accessibilité des bâtiments publics et des transports dans un délai maximum de dix ans, inscrite dans la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap ;

Considérant les discriminations auxquelles font face les personnes handicapées sur le marché du travail et pour la formation ;

Considérant la revalorisation de l’allocation adulte handicapé à un rythme inférieur à celui de l’inflation en 2020, et la perte de pouvoir d’achat qui en résulte ;

Considérant la nécessité de mettre en place une politique de prévention des handicaps efficace, comprenant notamment des dépistages obligatoires dès le plus jeune âge ;

Considérant la présence de seulement 30 000 étudiants en situation de handicap dans les établissements publics d’enseignement supérieur, soit 1,6 % de la population étudiante ;

Considérant la diminution de 29 % en trois ans des crédits dédiés à la formation des accompagnants des élèves en situation de handicap et des assistants de vie scolaire, malgré la hausse du nombre de postes ;

Considérant que beaucoup d’allocataires de l’allocation adulte handicapé vivant avec un conjoint se sont vu supprimer leur aide personnalisée au logement avec le cumul des ressources ;

Considérant que tous les enfants doivent être, dès le plus jeune âge, au contact de la différence et du handicap ;

Considérant le manque criant de professionnels de santé en milieu scolaire aujourd’hui ;

Invite le Gouvernement à indexer l’allocation aux adultes handicapés sur l’inflation et qu’elle reste indépendante du revenu universel d’activité.

Invite le Gouvernement à relancer un service public de médecine scolaire en visant une augmentation du budget, du nombre de médecins, en revalorisant la grille salariale des médecins et des infirmières scolaires, en créant un module de santé scolaire pour tous les étudiants en médecine ainsi qu’en offrant aux médecins scolaires des possibilités de reconversion et de mobilité.

Invite le Gouvernement à rendre obligatoire la présentation d’une attestation de réalisation d’un bilan médical à deux ans pour l’inscription à l’école.

Invite le Gouvernement à créer une formation diplômante reconnue par l’État des accompagnants d’élèves en situation de handicap pour mettre fin aux disparités territoriales et où les nouveaux accompagnants à l’inclusion scolaire relèveront du droit commun applicable à la fonction publique.

Invite le Gouvernement à créer un statut unique d’accompagnant à l’inclusion scolaire, remplaçant tous les statuts actuels, afin de simplifier et de revaloriser cette fonction essentielle.

Invite le Gouvernement à exiger l’exemplarité des administrations publiques d’ici 2030, notamment en ce qui concerne l’Éducation nationale, dans le respect de l’obligation légale d’au moins 6 % de personnes en situation de handicap dans les effectifs.

Invite le Gouvernement à sensibiliser les Français, notamment les jeunes, sur la question des handicaps invisibles au moyen d’une campagne de communication nationale sur le handicap.

Invite le Gouvernement à développer des plans de formation dans l’optique d’une meilleure intégration des personnes en situation de handicap dans le corps médical, dans les entreprises et dans les services publics.

Invite le Gouvernement à limiter à deux mois du délai d’instruction des dossiers des personnes en situation de handicap.

Invite le Gouvernement à organiser une conférence nationale des maisons départementales des personnes handicapées afin de définir une charte nationale commune permettant de refonder leurs missions et leur financement.

Invite le Gouvernement à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation adulte handicapé.

Invite le Gouvernement à assouplir le cumul de l’allocation adulte handicapé avec les revenus du travail, en augmentant le plafond de 30 % à 50 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour pouvoir bénéficier de l’abattement de 80 %.

Invite le Gouvernement à assurer une meilleure articulation entre la scolarisation en milieu ordinaire et celle en milieu protégé afin de tenir compte de la réalité du handicap, seule réponse en matière d’inclusion effective.

Invite le Gouvernement à mettre en place des « accompagnants à l’insertion professionnelle » pour aider les personnes en situation de handicap souhaitant s’insérer dans l’emploi, et à leur donner les clés pour développer leur potentiel sur leur lieu de travail.

Invite le Gouvernement à simplifier radicalement les aides de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées et du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et à faire de l’accompagnement humain la finalité de leurs missions plutôt que l’accompagnement matériel.

Invite le Gouvernement à faire des maisons départementales des personnes handicapées le seul destinataire des demandes relatives au handicap.

Invite le Gouvernement à instaurer un droit à la formation pour les parents d’enfant en situation de handicap.

Invite le Gouvernement à créer un véritable congé pour les aidants familiaux, pris en charge par la solidarité nationale, et à leur garantir un accompagnement médical et psychologique.

Invite le Gouvernement à revoir le cadre juridique relatif aux soins psychiatriques sans consentement, pour que tous les soins de santé soient prodigués sur la base du consentement libre et éclairé.

Invite le Gouvernement à augmenter de cent euros par mois le montant de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé de base, pour compenser l’impact de la crise sanitaire sur les ressources des familles.

Invite le Gouvernement à assouplir les conditions de réduction de l’activité professionnelle pour le calcul des droits à l’allocation éducation enfant handicapé et à la prestation de compensation du handicap, pour les parents qui prennent en charge chaque jour leur enfant ou adulte en situation de handicap.

Invite le Gouvernement à élargir le bénéfice de l’aide exceptionnelle à tous les bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé, et non pas seulement ceux qui bénéficient de l’aide personnalisée au logement et qui ont un enfant.

Invite le Gouvernement à permettre le cumul entre prestation de compensation du handicap et revenu de solidarité active, comme cela avait été annoncé lors de la Conférence nationale du handicap, fin février 2020, et comme le prévoit le 6° de l’article R. 262‑11 du code de l’action sociale et des familles, et à en informer les caisses d’allocations familiales, afin de l’appliquer rapidement.

Invite le Gouvernement à assurer une consultation significative et une participation active des personnes handicapées et des organisations les représentant à tous les stades de la réponse et des efforts de relèvement.

Invite le Gouvernement à assurer l’intégration du handicap dans toutes les réponses et efforts de relèvement avec des actions ciblées.

Invite le Gouvernement à assurer l’accessibilité des informations, des services et des programmes dans le cadre de la réponse au covid‑19.

Invite le Gouvernement à établir des mécanismes de responsabilité pour s’assurer de l’inclusion du handicap dans la réponse au covid‑19.

Encourage le Gouvernement à passer de l’approche individuelle appliquée actuellement, qui veut que les enfants handicapés s’adaptent au système scolaire, à une approche générale visant à transformer le système d’enseignement de sorte qu’il accueille, dans une démarche inclusive, les enfants en situation de handicap.

Invite le Gouvernement à établir et partager un recueil de bonnes pratiques et un bilan critique des dispositions matérielles mises en place dans les établissements d’enseignements en cas d’incendie ou de situation de crise.

Invite le Gouvernement à vérifier l’effectivité de la préparation et de l’entrainement à l’évacuation ou à la mise en abri des élèves et des personnels concernés par un handicap en cas d’incendie ou de situation de crise.

Souhaite que le Gouvernement prenne chaque décision afin que chaque personne en situation de handicap puisse s’y reconnaitre et se sentir inclus.