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N° 3588

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 novembre 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à la création d’une commission d’enquête sur l’activité
du syndicat Avenir lycéen, ses liens avec le pouvoir exécutif
et les actions de contrôle du ministère de l’éducation nationale
sur ses membres et son action,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Michel LARIVE, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, JeanLuc MÉLENCHON, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Caroline FIAT, Bastien LACHAUD, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE, Alain BRUNEEL, MarieGeorge BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, JeanPaul DUFRÈGNE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, JeanPaul LECOQ, Stéphane PEU, Hubert WULFRANC, Régis JUANICO,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le syndicat « Avenir lycéen » a fait l’objet de deux enquêtes menées par le journal Mediapart et le journal Libération.

Dans son enquête parue le 8 novembre 2020, Mediapart pointe la nature des dépenses du syndicat Avenir lycéen, le contrat d’objectifs qui le lie au ministère, son contrôle, et les liens de proximité politique entre le pouvoir exécutif et les lycéens.

Mediapart révèle des dépenses astronomiques réalisées par des responsables du syndicat Avenir lycéen sous forme de retraits DAB, notes de restaurants et d’hôtels, achat de matériel informatique,... En 2019, le syndicat a bénéficié de 65 000 euros de subventions et en 2020 de 30 000 euros supplémentaires. Deux tiers de la subvention de 2019 devait servir à l’organisation d’un congrès fondateur d’après la convention d’objectifs signée avec le ministère de l’éducation nationale. Cet événement n’a pas eu lieu, mais une grande partie des fonds publics auraient tout de même été dépensés. Parmi ces dépenses, on retrouve des retraits à des heures nocturnes, 500 euros de dépenses en trois jours dans un hôtel parisien près de la gare Montparnasse ou encore près de 8 500 euros dans une boutique de la marque Apple.

Le contrat signé entre le ministère et le syndicat dispose d’un contrôle strict des dépenses par le ministère. S’agissant du congrès budgété à 40 000 euros, il est prévu qu’en cas « d’inexécution, de modification substantielle ou de retard dans la mise en œuvre de la convention », l’association est tenue d’en informer le ministère « sans délai » par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette procédure n’aurait pas été dûment exécutée, d’après Mediapart. Parmi les obligations de l’association, on compte aussi celle de fournir au ministère un « compte rendu financier », ses « états financiers », et son « rapport d’activité ». Le ministère assure avoir reçu ces documents et qu’il « n’y a eu aucun laxisme [...] dans le contrôle financier de cette association comme pour les autres ».

Pourtant, il semble n’y avoir aucune trace du « contrôle financier » qu’évoque le ministère. En effet, le service chargé dudit contrôle n’est d’autre que la Direction générale de l’enseignement scolaire, dont le directeur de l’époque, nommé selon les affinités du ministre, serait, selon Libération, à l’origine même de la création du syndicat Avenir lycéen. Le ministre de l’éducation aurait lui‑même sollicité le DGESCO ainsi que plusieurs hauts fonctionnaires de son administration pour qu’ils rassemblent des lycéens favorables aux politiques éducatives du ministre Jean‑Michel Blanquer, de manière à qu’ils se constituent en association et mettent à disposition du ministre un plaidoyer lycéen qui lui soit favorable. Ces hauts‑fonctionnaires auraient piloté la création de l’association, de l’écriture des statuts à la nomination des responsables associatifs. Certains lycéens qui ont témoigné décrivent « une emprise [...] sur leur engagement ». Le syndicat aurait ensuite été surfinancé, dans le but de charger les membres du syndicat de faire la publicité des réformes politiques du ministère. Si la mainmise du ministre sur cette association était confirmée, il pourrait alors s’agir d’un abus d’autorité et d’une mise en péril de mineurs.

Par exemple, plusieurs dirigeants d’Avenir lycéen sont membres des « Jeunes avec Macron », d’après Mediapart. L’article nous apprend que ces dirigeants invitent à « partager la dernière communication de Jean‑Michel Blanquer sur l’évolution du protocole sanitaire dans les lycées » sur une boucle Telegram syndicale. Le ministre de l’éducation nationale partage également sur ses réseaux sociaux les projets du syndicat, à l’instar du think tank « Avenir éducation ».

Les enquêtes révèlent que le ministère aurait été alerté par un écrit rédigé par un ancien responsable associatif, adressé directement au ministre, relatant ces dépenses exorbitantes réalisées par les responsables du syndicat. Le ministère ne serait pas intervenu. S’il est avéré qu’un ministre a organisé en association des lycéens mineurs avec de l’argent public dans le but de faire le soutien et la publicité de ses politiques éducatives, que cette association utilise d’importants fonds publics pour des dépenses somptuaires et purement personnelles, le tout dans l’inaction totale du ministre, alors on ne pourrait écarter l’hypothèse d’un trafic d’influence.

Enfin, les enquêtes révèlent une inégalité de traitement entre les différents syndicats lycéens. Contrairement à Avenir lycéen, les syndicats d’opposition subiraient des refus ou des baisses de subventions. Le Mouvement national lycéen (MNL, ex‑UNL‑SD) affirme ne pas avoir eu de réponse à la suite de leur sollicitation du ministère en 2019 et un refus en 2020. Quant à l’Union nationale lycéenne (UNL), leur subvention est passée de 80 000 euros en 2018, à 40 000 euros en 2019 et 20 000 euros pour 2020.

Suite aux révélations des deux journaux, Jean‑Michel Blanquer a ouvert une enquête administrative au sein du ministère de l’éducation nationale. Cependant, cette enquête a été confiée à la DGESCO, le même service soupçonné par les deux journaux d’avoir créé avec diligence le syndicat Avenir lycéen. Comment ce service du ministère de l’éducation nationale peut‑il impartialement mener une enquête administrative au sujet des dépenses de l’association ? C’est la raison pour laquelle la représentation nationale doit conduire une enquête parlementaire sur ces faits afin de faire toute la lumière sur l’activité du syndicat Avenir lycéen, ses liens avec le pouvoir exécutif et les actions de contrôle du ministère de l’éducation nationale sur ses membres et son action.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée de contrôler l’action du syndicat Avenir lycéen, d’établir ses liens avec le pouvoir exécutif et d’analyser le contrôle effectif du ministère de l’éducation nationale sur les dépenses du syndicat.