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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 2 décembre 2020, le troisième président de la Ve République, Valéry Giscard d’Estaing, « a quitté le pays qu’il a aimé et le peuple qu’il a servi ([1]) ». Grand homme d’État, il a porté des réformes sociétales majeures qui ont façonné la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Comme a pu le dire le président de la République, Emmanuel Macron, dans son hommage à Valéry Giscard d’Estaing, le 3 décembre 2020, « la défense des femmes et leur promotion à de hautes responsabilités, le divorce par consentement mutuel, la majorité civile à 18 ans, l’interruption volontaire de grossesse, l’intégration de ceux des nôtres qui sont en situation de handicap », c’est à l’ancien chef de l’État que nous le devons. Mais aussi l’élargissement des droits de l’opposition au Parlement, la suppression de l’Office de radiodiffusion‑télévision française (ORTF). « Si notre société s’est modernisée, ouverte, si nos vies sont plus libres, c’est aussi à son courage et à son audace que nous le devons ». « Si notre continent est plus uni, plus fort, c’est aussi à sa passion européenne que nous le devons » avec notamment « l’élection du Parlement européen au suffrage universel, l’instauration du Conseil européen, les prémisses de la monnaie unique, le couple franco‑allemand », etc.

Malheureusement, près de quarante ans après la fin de de son septennat, le nom de Valéry Giscard d’Estaing n’est presque jamais plus associé à ses réformes qui ont fait passer notre République du noir et blanc à la couleur.

Ce surdoué de la vie politique était doté d’une grande sensibilité. Celle‑ci s’est, notamment, exprimée à travers son intérêt pour la préservation du patrimoine alliée à la création. Homme de profonde culture, passionné par les arts et la littérature du XIXe siècle, le Président aura assis une partie de sa politique culturelle sur la réhabilitation de plusieurs bâtiments.

La création du musée Picasso est décidée en 1974 afin d’accueillir et de gérer les œuvres du célèbre peintre venues enrichir, après son décès, les collections de l’État français. Sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, la décision est ainsi prise d’acquérir et de rénover un hôtel particulier dans le quartier du Marais à Paris, l’hôtel Salé. En 1976, un concours désigne Roland Simounet pour aménager le musée dans l’hôtel historique entièrement restauré ([2]). Le musée est inauguré en 1985 par le Président François Mitterrand.

Le musée de la Renaissance d’Écouen est inauguré en 1977, après de lourds travaux de restauration. Le président de la République Valéry Giscard d’Estaing en avait fait un élément de sa politique culturelle entendant ainsi satisfaire la demande du public pour la culture et le développement culturel de la France ([3]).

Valéry Giscard d’Estaing est également le premier à envisager la création d’un organisme qui créerait un pont entre l’Orient et l’Occident et apaiserait ainsi les tensions du moment. L’ancien chef de l’État souhaitait permettre des « collaborations créatrices au lendemain de la première crise pétrolière » ([4]). Pour ce faire, il ambitionnait de « favoriser la connaissance de la culture et de la civilisation arabes par le peuple français ([5]) » à travers un lieu culturel, basé à Paris, qui y serait spécialement dédié. Après plusieurs années de maturation, l’acte de fondation du monde arabe est signé le 28 février 1980 ente la France et les ambassadeurs de dix‑neuf États, tous membres de la Ligue arabe : l’Algérie, l’Arabie saoudite, le Bahreïn, Djibouti, les Émirats arabes unis, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le Liban, la Mauritanie, le Maroc, l’Oman, le Qatar, la Somalie, le Soudan, la Syrie, la Tunisie, le Yémen arabe et le Yémen démocratique populaire.

Outre ces projets culturels déjà marquants pour le septennat de l’ancien président de la République, un de ses gros chantiers dans le domaine de la culture aura été « la métamorphose du quartier parisien de La Villette. Les abattoirs existants depuis la fin du XIXe siècle ferment définitivement en 1974 » ([6]). En 1977, Valéry Giscard d’Estaing demande une étude pour la réalisation d’un musée des sciences et de l’industrie ainsi que pour l’aménagement du parc. Cinq ans plus tard, en 1979, les grandes lignes du futur projet sont arrêtées : La Villette devra englober trois créations majeures, un musée des Sciences et des techniques, un auditorium dédié à la musique et à la danse, un parc urbain ouvert sur le quartier ([7]). Baptisé Parc de La Villette, il ouvre ses portes au public en 1987 », sous la présidence de François Mitterrand.

Mais un des plus importants succès de la politique culturelle française est certainement la transformation de la gare d’Orsay en musée. C’est grâce à la décision du Président Valéry Giscard d’Estaing qu’est entrepris ce geste patrimonial, architectural et culturel majeur, « mêlant préservation d’un monument historique et sa transformation en musée ([8]) », ainsi qu’un projet scientifique et culturel du nouveau musée marqué d’une particulière modernité.

La conception de ce nouveau musée, dans une gare classée monument historique entièrement « reconvertie » et « réhabilité » aura nécessité de trouver un équilibre entre le respect du patrimoine monumental et les contraintes de la présentation muséographique ([9]).

En 1980, dans une interview accordée à « Connaissance des arts », au sujet de la création du musée du XIXe siècle dans l’ancienne gare d’Orsay, le Président Valéry Giscard d’Estaing expliquait :

« Ce nouveau musée occupera une place essentielle dans la politique d’organisation des musées nationaux. C’est en fait la prolongation du musée du Louvre, décidée pour la première fois depuis cent cinquante ans. La vraie raison de cette création, à laquelle je pense depuis dix ans, alors que le sort des attributions ministérielles me faisait résider dans une partie du Louvre, est le besoin d’une organisation continue des musées nationaux, accompagnée du relogement du jeu de paume « musée ». Cette idée s’est développée pour donner naissance au projet de musée du XIXe siècle. (…) Ce musée va modifier l’image que nous nous faisons de ce siècle. Il entrainera de nouvelles appréciations et comparaisons. Il permettra de sensibiliser à cette tension permanente, tout au long du siècle, entre l’art officiel et l’art en rupture de Manet à Cézanne. Il permettra de déceler des convergences trop longtemps ignorées qui se révèlent par exemple dans la période symboliste. Pour la première fois, apparaitront au grand public les "correspondances" entre la peinture, la littérature et la musique, entre Monet, Mallarmé, Proust et Debussy, par exemple. (…) Pour la première fois, il ne s’agit pas de concevoir seulement un musée de peinture, mais de présenter aussi les arts décoratifs, la sculpture, si brillante, l’architecture, la littérature, notamment l’admirable œuvre romanesque, la musique, et d’évoquer ainsi l’évolution de la culture en France au XIXe siècle ».

Le Président Valéry Giscard d’Estaing s’est particulièrement impliqué dans la naissance de ce musée. Il l’a rêvé, l’a porté, l’a voulu beau et accessible à tous les Français. « J’ai souvent exprimé le souhait que le musée du XIXe siècle soit un “beau musée” », expliquait l’ancien chef de l’État au moment du lancement effectif des travaux d’aménagement de l’ancienne gare d’Orsay. Pour y parvenir, « l’État a mis en place les moyens administratifs et financiers nécessaires ». Des solutions nouvelles ont été adoptées » et la réalisation du musée du XIXe siècle s’est inscrite dans la loi‑programme pour les musées, votée par le Parlement au mois de mai 1978. Cette loi a individualisé les crédits affectés à l’opération d’Orsay et a garanti « l’échelonnement des crédits nécessaires sur les années 1979 à 1983. L’enveloppe financière prévue (363 millions de francs) qui a pu apparaitre à certains comme excessive, devait permettre de répondre à l’importance des surfaces à aménager (55 000 m2), à la complexité technique de l’ouvrage, et à la nécessaire qualité de la présentation de ce qui doit être un des plus beaux musées du monde ([10]) ».

Le musée d’Orsay a été inauguré en 1986 par le Président François Mitterrand. En 2019, il a réalisé « un record de fréquentation, au contraire de beaucoup de ses concurrents qui ont enregistré moins de visiteurs. (…) Avec plus de 3,65 millions d’entrées (11 % de plus qu’en 2018), le musée (…) dépasse le chiffre de 2012 (3,60 millions) qui était la meilleure fréquentation depuis l’ouverture de l’ancienne gare en musée en 1986. Au total, en 2019, l’Établissement public qui regroupe les musées d’Orsay et de l’Orangerie a accueilli 4,68 millions de visiteurs, soit une augmentation de sa fréquentation de 9% ([11]) ».

Trente‑quatre après l’inauguration du musée, que reste‑t‑il dans la mémoire populaire de l’histoire de la renaissance du bâtiment de l’ancienne gare d’Orsay ? Combien savent que sans la volonté et l’acharnement d’un chef d’État profondément imprégné de culture, ce musée qui fait rayonner la France à l’étranger n’aurait pas vu le jour ?

« Notre République est transmission », nous a confié le Président Emmanuel Macron lors de son adresse aux Français le 3 décembre dernier. « Aussi, au moment où se tourne, avec la mort du Président Giscard d’Estaing, une page de l’Histoire de notre pays », continuons de « faire vivre cette flamme du progrès », de la culture, du patrimoine et de la création, qui n’a cessé d’animer l’ancien chef de l’État.

proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que l’ancien chef de l’État, Valéry Giscard d’Estaing, a été une figure centrale de l’histoire de notre République qu’il a présidée de 1974 à 1981 ;

Considérant l’apport essentiel de l’ancien chef de l’État, Valéry Giscard d’Estaing, à la réhabilitation du patrimoine architectural français ;

Considérant l’apport essentiel de l’ancien chef de l’État, Valéry Giscard d’Estaing, à la promotion de la création ;

Considérant l’apport essentiel de l’ancien chef de l’État, Valéry Giscard d’Estaing, à la diffusion culturelle en France ;

Considérant l’apport essentiel de l’ancien chef de l’État, Valéry Giscard d’Estaing, au rayonnement culturel français à l’étranger ;

Considérant l’apport essentiel de l’ancien chef de l’État, Valéry Giscard d’Estaing, à la redécouverte de la diversité et de la richesse de la production artistique du XIXe siècle ;

Considérant l’apport essentiel de l’ancien chef de l’État, Valéry Giscard d’Estaing, à la réhabilitation de l’ancienne gare d’Orsay, à la préservation de ce monument historique et à sa transformation en musée ;

Considérant l’engouement populaire pour l’un des plus beaux musées du monde qu’est l’établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie ;

Considérant la légitimité qu’il y a à associer publiquement, officiellement et de manière visible le nom de Valéry Giscard d’Estaing au musée d’Orsay ;

Invite le Gouvernement à examiner l’ajout du nom de l’ancien président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, au nom du musée d’Orsay.

([2]) France archives. Musée national Picasso. Inventaire ‑ 20111084/1‑20111084/333. https ://francearchives.fr/findingaid/9e63b6172dfb831e0d61588fa5d7ed347e79a5f7.

([5]) Hypothèses. Chronologie sur l’Institut du monde arabe. https ://gtc.hypotheses.org/12162.