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N° 3715

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

portant sur la nécessité de renforcer le rôle de la France dans la région du Caucase du Sud pour contribuer à la paix et au développement régional,

 

 

présentée par

MM. Jérôme LAMBERT, JeanLuc REITZER, Michel VIALAY,
M’jid EL GUERRAB, André VILLIERS, Mme Frédérique DUMAS,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Après 30 années d’un conflit gelé, entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, le 27 septembre dernier la région du Caucase de Sud s’est retrouvée confrontée à une nouvelle guerre meurtrière, où plus de 5 000 personnes, arméniens et azéris, ont perdu la vie, dont au total près de 150 civils, essentiellement victimes,  de part et d’autre, de bombardements sur des zones résidentielles.

La signature d’un accord de cessez‑le feu tripartite entre la Russie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie, le 10 novembre 2020 a marqué un véritable tournant dans le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Cet accord rétablit pratiquement une situation qui existait avant la guerre, il y a plus de trente ans. En effet, c’est à partir de 1987 que le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie a commencé lorsque 250 000 civils azerbaidjanais ont été expulsés de l’Arménie soviétique. En 1993, à l’issue de ce conflit armé, qui a causé la mort de plus de 30 000 hommes, femmes et enfants, et a provoqué au total l’exode de plus de 700 000 azéris, le Haut‑Karabakh, est passé d’un territoire azéri pluriethniques et pluri culturel, à un territoire sous contrôle de l’Arménie dans un système mono ethnique.

La France, jusqu’alors, a travaillé aux côtés de la Russie et des États‑Unis dans le cadre du « groupe de Minsk », créé par l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe le 24 mars 1992, pour trouver une solution durable à ce conflit.

En sa qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, la France a voté les quatre résolutions traitant du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan‑ les résolutions 822, 853, 874 et 884, adoptées en 1993. Ces résolutions confirment que la région du Haut‑Karabagh, ainsi que tous les territoires occupés par l’Arménie depuis le début des années 1990, font partie de l’Azerbaïdjan. Ces résolutions exigeaient le retrait immédiat, complet et inconditionnel, des forces d’occupation arméniennes de tous les territoires occupés de l’Azerbaïdjan. Ces résolutions réaffirment le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et de l’inviolabilité de ses frontières internationalement reconnues.

En acceptant la coprésidence du Groupe de Minsk, la France s’est engagée conformément au mandat en date du 23 mars 1995 : « les Coprésidents du Groupe de Minsk devraient être guidés dans leurs activités par les principes et normes de l’OSCE, la Charte de l’ONU et les résolutions correspondantes du Conseil de Sécurité de l’ONU ».

En 2008, l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté la résolution 62/243 qui appelle à « respecter et soutenir la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République d’Azerbaïdjan à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues », exige « le retrait immédiat, complet et inconditionnel de toutes les forces arméniennes des territoires occupés de la République d’Azerbaïdjan » et réaffirme « le droit inaliénable des personnes expulsées de ces territoires occupés de retourner chez elles, soulignant la nécessité de créer les conditions propices à leur retour ».

Par ailleurs, le Parlement Européen rappelle de manière constante sa position sur le règlement du conflit dans ses résolutions du 20 mai 2010, du 18 avril 2012, du 23 octobre 2013 et du 9 juillet 2015, qui condamnent cette occupation militaire, soutiennent la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, et appellent à une solution immédiate du conflit sur la base des résolutions du Conseil de Sécurité.

De même, par sa résolution du 15 janvier 2020 sur le « Rapport Annuel sur la mise en œuvre de la Politique étrangère et de sécurité commune » (2019/2136/INI)), le Parlement Européen a aussi rappelé son engagement « à soutenir la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de tous les pays du partenariat oriental dans leurs frontières internationalement reconnues, conformément au droit, aux normes et aux principes internationaux ».

La diplomatie française, à l’œuvre dans cette région du monde sait que seul le respect strict du droit international et l’application de la volonté exprimée par toutes les institutions politiques, permettront d’instaurer la paix et la sécurité dans la région du Caucase du Sud en garantissant sa croissance économique dans la poursuite et le développement des relations avec tous les pays de la région.

Un renversement de nos principes diplomatiques, conduirait notre pays à être en contradiction avec le droit international et le priverait aussi d’opportunités économiques considérables dans la région. En effet, en 2019, plus de 60 % du commerce entre la France et l’ensemble des pays du Caucase est réalisé avec l’Azerbaïdjan. Les marchés pour nos entreprises sont estimés à plus de 2,1 milliards de dollars et la diversification de nos sources d’approvisionnement en gaz est permise grâce à l’Azerbaïdjan. Les liens entre la France et l’Azerbaïdjan sont de multiples natures, tant sur le plan culturel et patrimonial, que sur le plan des relations universitaires, en particulier dans les domaines des sciences et technologies.

La France, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, a le devoir de faire appliquer la lettre et l’esprit des décisions des Nations Unies. La France doit aussi penser à développer ses intérêts.

Aujourd’hui, la France est aussi attendue, en tant que puissance neutre pour faire respecter le cessez‑le‑feu, et la protection des populations.

Par ailleurs, en sa qualité de co‑Présidente du Groupe de Minsk, la France a une chance historique de concourir à une paix durable dans la Caucase du Sud.

Au siècle dernier, après de nombreux conflits particulièrement meurtriers sur son territoire, notre pays est parvenu à surmonter les affres du passé pour construire avec ses voisins une Europe de paix.

Forte de cette expérience, qui s’est notamment appuyée sur un développement économique partagé et sur la multiplication des échanges entre les hommes, et entre les jeunes en particulier, dans les domaines culturels et patrimoniaux ainsi que dans la découverte réciproque, la France doit s’impliquer dans la reconstruction des relations à tous les niveaux entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

En développant notamment une présence active dans le Haut‑Karabagh, la France doit ainsi concourir à un développement durable des relations économiques entre les deux pays, et favoriser les initiatives de rapprochement entre les hommes.

Tel est le sens de la présente proposition de résolution.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 de son Règlement,

Guidée par les objectifs, les principes et les dispositions énoncés dans la Charte des Nations unies, notamment à l’article 25 de son chapitre 5, selon lequel « Les membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité » ;

Rappelant que la France a voté, en 1993, en faveur des quatre résolutions, n° 822, 853, 874 et 884, du Conseil de sécurité des Nations unies, soulignant la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur tous les territoires occupés par l’Arménie (jusqu’à l’accord de cessez‑le‑feu, signé le 10 novembre 2020) y compris la région du Haut‑Karabagh ;

Rappelant l’article 2 du Traité d’amitié, d’entente et de coopération signé entre la République d’Azerbaïdjan et la République française, le 20 décembre 1993, selon lequel les deux Parties sont convenues de ce qu« elles unissent leurs efforts en vue d’assurer la sécurité internationale, de prévenir les conflits et de garantir la primauté du droit international dans les relations entre États, respectant le principe de l’inviolabilité des frontières » ;

Rappelant que la diplomatie française est impliquée directement dans la recherche d’une solution négociée au conflit du Haut‑Karabagh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, dans le cadre du groupe de Minsk dont elle assure la co‑présidence aux côtés de la Russie et des États‑Unis sur la base d’un mandat daté du 23 mars 1995 selon lequel « les Coprésidents du groupe de Minsk devraient être guidés dans leurs activités par les principes et normes de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, la Charte de l’Organisation des Nations unies et les résolutions correspondantes du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies » ;

Affirmant le rôle important de l’Azerbaïdjan en tant que facteur de stabilité et de développement dans la région du Caucase du Sud et de la sécurité de l’approvisionnement l’énergétique de l’Union européenne ;

Considérant l’importance de la Présidence de l’Azerbaïdjan, pour les années 2019‑2022, au sein du mouvement des non‑alignés, qui regroupant 120 États du monde est ainsi la deuxième enceinte internationale, la plus large, après l’Organisation des Nations unies ;

Vu l’importance de l’accord de cessez‑le‑feu tripartite signé le 10 novembre 2020 et la mise en œuvre de ses dispositions pour la paix et la sécurité de la région du Caucase du Sud ;

Rappelant que la France et l’Azerbaïdjan entretiennent de longue date des relations amicales sur le plan politique et fructueuses sur le plan économique, et soulignant l’importance de leur sauvegarde et de leur poursuite, regrettant de ce fait que le Parlement azerbaïdjanais ait appelé récemment son Gouvernement à s’adresser à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe afin de retirer la France de la coprésidence du groupe de Minsk, et appelle à réviser profondément les relations politiques et économiques franco‑azerbaïdjanaises pouvant entrainer de lourdes conséquences sur les relations bilatérales et sur le rôle de la France dans la région du Caucase du Sud ;

Considérant que la France doit s’efforcer de conserver sa place et son influence dans la région du Caucase du Sud ;

1. Invite le Gouvernement à apporter son appui à la mise en œuvre de l’accord de cessez‑le‑feu tripartite du 10 novembre dernier comme étant une base importante pour l’instauration de la paix durable, de la sécurité, de la coopération dans la région du Caucase du Sud.

2. Invite le Gouvernement à intensifier ses efforts de médiateur dans le cadre du groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe sur la base de son mandat fondé sur les principes et normes de cette organisation, la Charte de l’Organisation des Nations unies et les résolutions correspondantes du Conseil de sécurité adoptées en 1993.

3. Invite le Gouvernement à prendre des mesures nécessaires pour reconsolider les relations avec l’Azerbaïdjan sur la base des principes qui ont toujours été défendus par la France et d’envoyer à cette fin le plus vite possible une mission en Azerbaïdjan.

4. Invite le Gouvernement à assurer une présence forte de la France dans le Caucase du Sud, visant à soutenir activement l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans la construction d’une paix durable assise sur le développement des relations entre ces deux nations amies de la France.