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N° 3729

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale 12 janvier 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à annuler les contrats de concessions autoroutières, sans indemnité de rupture, sur la base de leurs graves irrégularités,

 

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume PELTIER, Fabrice BRUN, Julien RAVIER, Stéphane VIRY, Didier QUENTIN, Bernard BOULEY, Gérard MENUEL, Jacques CATTIN, Claude de GANAY, JeanYves BONY,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le rapport parlementaire « Concessions autoroutières : des profits futurs à partager équitablement avec l’État et les usagers » du sénateur Vincent Delahaye, déposé le 16 septembre 2020, confirme hélas ce que chacun pressentait : la privatisation des autoroutes en 2006 est un fardeau pour le contribuable, mais une « poule aux œufs d’or » pour les concessionnaires autoroutiers.

En effet, selon ce rapport parlementaire, des sommes toujours plus considérables seront demain captées par des sociétés privées au détriment de l’État : « Audelà de 2022, les dividendes versés atteindraient environ 40 milliards d’euros, dont 32 milliards pour Vinci et Eiffage » (alors même que ces sociétés  ont déboursé 22,5 milliards d’euros pour acquérir les concessions autoroutières).

Ce rapport parlementaire pointe également « le péché originel d’un transfert mal préparé » : non seulement le choix du transfert des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) au secteur privé en deux phases (ouverture du capital en 2002 et privatisation en 2006) a entrainé une perte de recettes de 6,5 milliards pour l’État, mais en plus la cession des SCA elle‑même n’a pas fait l’objet d’une révision des contrats de concession ou d’une définition de l’équilibre économique et financier des concessions.

Alors que la France fait face à la plus dramatique récession de son Histoire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il ne peut être toléré par nos compatriotes, qui souffrent de la crise et font des sacrifices au quotidien, que quelques sociétés privées bénéficient d’une rente aussi démesurée, d’un privilège digne de l’Ancien régime.

Par ailleurs, selon la revue « La semaine Juridique », dans son édition du 30 novembre 2020, les contrats de concessions autoroutières seraient viciés par de nombreuses irrégularités, ce qui pourrait permettre de les annuler sans verser la moindre indemnité aux concessionnaires, en raison des trop‑perçus versés à ces derniers durant les 15 dernières années.

En effet, les auteurs MM. Jean‑Baptiste Vila et Yann Wels, spécialistes en droit public des concessions, soulèvent que ces contrats ont prévu une indexation des tarifs autoroutiers sur l’inflation, alors même que de telles clauses sont interdites aux termes de l’article L. 112‑1 du code monétaire et financier.

Par ailleurs, toujours selon eux, les contrats de concessions autoroutières méconnaissent la règle de l’équilibre financier du contrat, pourtant primordiale en matière de délégation de service public. Selon cette règle, toute augmentation de tarifs par une des parties au contrat doit être justifiée : soit par des charges supplémentaires, comme des charges courantes d’entretien ou d’exploitation, soit par de nouveaux investissements. Or, selon les auteurs, qui s’appuient également sur les travaux du rapport parlementaire cité ci‑dessus, les sociétés concessionnaires ont toujours été dans l’incapacité de justifier l’évolution de leurs charges.

Les auteurs dénoncent également le plan de relance de 2015, à l’instar de la Cour des Comptes dans un référé du 18 avril 2019, aux termes duquel les sociétés concessionnaires ont récupéré près de 15 milliards d’euros supplémentaires, grâce à des durées de concessions plus longues, contre seulement 3,2 milliards d’euros d’investissements autoroutiers. Ces surcompensations, douteuses, pourraient être assimilées à des aides d’État illégales, et entraîner une procédure contentieuse auprès du juge administratif ou une procédure en manquement auprès de la Commission européenne.

Enfin, ces derniers fustigent les dotations aux amortissements et les provisions pour renouvellement des sociétés concessionnaires, pratiques qui seraient illégales et à l’origine de très importantes déductions fiscales.

Ainsi, M. Jean‑Baptiste Vila explique dans un entretien auprès du journal « Marianne » : « Au terme d’une évaluation plus raisonnable, l’indemnité due au titre de la rupture des contrats minorée des tropperçus pourrait être proche de 0 ».

Pour ces raisons nous vous demandons, Mesdames, Messieurs les députés, de bien vouloir adopter la proposition de résolution suivante.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que selon le rapport parlementaire du sénateur Vincent Delahaye, déposé le 16 septembre 2020, les dividendes versés aux sociétés de concessions d’autoroutes pourraient atteindre 40 milliards d’euros au‑delà de 2022, au détriment de l’État ;

Considérant que le transfert des sociétés concessionnaires d’autoroutes a été mal préparé, entraînant une perte de recettes de 6,5 milliards d’euros pour l’État, sans révision des contrats de concessions ou définition de l’équilibre économique et financier des concessions ;

Considérant que les contrats de concessions autoroutières seraient viciés par de nombreuses irrégularités, selon MM. Jean‑Baptiste Vila et Yann Wels, spécialistes en droit public des concessions, telles qu’une indexation des tarifs autoroutiers sur l’inflation, ou l’absence d’équilibre financier du contrat ;

Considérant que le plan de relance de 2015, les dotations aux amortissements et les provisions pour renouvellement, sont autant de profits jugés indus pour les sociétés concessionnaires, selon les auteurs précités ;

Invite le Gouvernement à annuler les contrats de concessions autoroutières, sans indemnité de rupture, sur la base de leurs graves irrégularités.