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N° 4046

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 avril 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à la création d’une commission d’enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d’accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la France,

(Renvoyée à la commission des étrangères, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Sébastien NADOT, JeanMichel CLÉMENT, Bertrand PANCHER, JeanFélix ACQUAVIVA, Michel CASTELLANI, PaulAndré COLOMBANI, Jennifer DE TEMMERMAN, Jeanine DUBIÉ, Frédérique DUMAS, Olivier FALORNI, FrançoisMichel LAMBERT, Jean LASSALLE, Paul MOLAC, Sylvia PINEL, Benoit SIMIAN, Martine WONNER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Conséquences de la guerre, de la répression politique, de la pauvreté, de la faim, de la dégradation de l’environnement ou de crises sanitaires, les migrations sont un sujet d’urgence, d’actualité et d’avenir : un sujet majeur pour nos sociétés du XXIe siècle, à commencer par la France.

Les migrations et les conditions de vie des migrants renvoient immanquablement au respect du droit, c’est‑à‑dire aux engagements qu’une société prend vis‑à‑vis d’elle‑même concernant les valeurs et les principes d’humanité qu’elle souhaite honorer. Elles nous confrontent à la mise en œuvre effective des traités internationaux, des règles européennes et des lois nationales. Et il y a peu de domaines où le sentiment d’un écart entre les textes et la réalité vécue n’est aussi grand.

Une multitude d’acteurs agissent dans la cacophonie avec une évidente dilution des responsabilités : acteurs étatiques, collectivités territoriales, institutions internationales et européennes, organisations non‑gouvernementales, mais également associations locales dans les pays de départ et d’arrivée.

Il y a peu de sujets qui croisent avec autant d’intensité la dimension internationale et la dimension nationale, qui articulent autant géographie, économie, relations internationales – et maintenant biosphère – avec la complexité de la société française et de son histoire.

La problématique des migrations nourrit depuis des décennies un nombre vertigineux de travaux de recherche, de rapports d’expertise, de résolutions et de projets de loi. Pour autant, les questions migratoires sont de plus en plus abordées avec de mauvais reflexes, qui en font aujourd’hui un sujet polémique quasi permanent.

La crise de l’accueil des migrants, des réfugiés et des apatrides en France est devenue une crise de la dignité humaine. Et l’urgence se fait plus pressante chaque jour, alors que les problèmes ne datent pas d’hier.

La crise sanitaire du Covid‑19 complique encore les difficultés rencontrées par les migrants, jusque dans ce qui devrait être de simples démarches administratives.

Or, une société ne peut détourner indéfiniment son regard des atteintes à la dignité humaine sans en subir directement ou insidieusement les maux. Il ne s’agit pas seulement de coût économique, social ou sécuritaire, mais également d’un prix moral, aux conséquences plus profondes.

La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie visait un triple objectif de réduction des délais d’instruction de la demande d’asile, de renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière et d’amélioration de l’accueil des étrangers admis au séjour pour leurs compétences et leurs talents. Aujourd’hui, pour cette loi comme pour les autres textes, la réalité semble contredire le droit.

Confronter l’état de notre droit à la réalité vécue par les migrants, les réfugiés et les apatrides en France suppose de donner la parole aux principaux intéressés, non pas seulement au travers de documentaires ou de reportages, mais dans le cadre de notre démocratie parlementaire et de ses institutions. Il s’agit de retracer la réalité du parcours des migrants au temps du Covid‑19, d’ouvrir un espace d’accueil de la parole des migrants et de la confronter à notre politique migratoire, avec cette question : quel est l’état de l’accès au droit sur notre territoire pour un étranger ?

De Calais à Menton, de Briançon aux Pyrénées jusqu’à Mayotte, quelles sont les premières confrontations directes des migrants avec l’état de notre droit ? Dans quelles conditions les personnes venues de l’étranger sont‑elles prises en charge par notre administration une fois sur le sol français ?

L’Union européenne (UE), son action au travers de l’agence Frontex en particulier, doit également être questionnée. Comment se fait‑il que seuls des bateaux d’organisations non‑gouvernementales sillonnent la Méditerranée quand le sauvetage des migrants en mer devrait être assuré par l’UE ? Le jeu de la France au sein des institutions européennes constitue une dimension essentielle du questionnement en matière de règles intra‑communautaires et d’actions européennes relatives aux chemins des migrations et des principales voies et portes d’accès à l’Europe.

Par ailleurs, nos choix démocratiques ne peuvent s’exonérer d’analyser les facteurs générateurs des migrations. L’action ou l’inaction de la France dans les pays d’émigration contribue à résorber ou au contraire amplifie les phénomènes migratoires. Prenons le seul exemple de la Guinée, où la démocratie et l’État de droit sombrent : elle figure comme le premier pays d’origine des mineurs étrangers isolés en France.

Il s’agit là d’aborder l’action de la France et de l’Union européenne au regard des épicentres des phénomènes migratoires : accords internationaux contractés par la France et l’Union européenne vis‑à‑vis des pays d’origine des migrations et leurs conséquences (accords migratoires spécifiques, bilatéraux et tout autre accord incluant des clauses sur l’immigration).

Il s’agit également de mesurer les conséquences réelles de la politique d’aide publique au développement de la France dans ces pays de départ, et d’interroger par exemple la définition et l’application de la notion de pays sûr.

Enfin, une attention particulière doit être portée aux causes écologiques des migrations, avec l’enjeu de la concrétisation de la déclaration du Président de la République français aux Nations unies du 23 février 2021 à Paris sur la question climatique et les relations internationales. De même, un suivi des travaux de la France relatifs au chapitre spécifique dédié aux migrations en relation avec les changements environnementaux dans le cadre de la COP26 qui se tiendra à Glasgow du 1er au 12 novembre 2021 est nécessaire.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d’accès au droit des migrants, des réfugiés et des apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la France. Cette commission d’enquête :

1° A pour mission d’évaluer, en retraçant le parcours des migrants, la réalité des conditions d’accueil et d’accès au droit, notamment à nos frontières, des migrants, réfugiés et apatrides en France au regard du droit international, européen et national.

2° Examine l’action de la France et de l’Union européenne quant aux chemins des migrations.

3° Examine l’action de la France et de l’Union européenne dans les pays d’origine des migrations, en matière d’accords internationaux comme de politique d’aide au développement.