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N° 4077

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

visant à faire du français l’unique langue de travail
de l’Union européenne,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par Mesdames et Messieurs

Julien AUBERT, Yves HEMEDINGER, JeanLuc REITZER, Stéphane VIRY, Guy TEISSIER, Édith AUDIBERT, Nathalie BASSIRE, Philippe BENASSAYA, Pascal BRINDEAU, Fabrice BRUN, JeanClaude BOUCHET, Bernard BOULEY, Annie CHAPELIER, JeanCharles COLASROY, Josiane CORNELOUP, Fabien DI FILIPPO, Nicolas DUPONTAIGNAN, JeanJacques GAULTIER, Mansour KAMARDINE, Bastien LACHAUD, Marc LE FUR, MarieFrance LORHO, Véronique LOUWAGIE, Emmanuel MAQUET, Sereine MAUBORGNE, Emmanuelle MÉNARD, Philippe MEYER, Jérôme NURY, Éric PAUGET, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, Raphaël SCHELLENBERGER, Robert THERRY, Agnès THILL, Laurence TRASTOURISNART, Isabelle VALENTIN, Michel VIALAY,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 23 juin 2016 une majorité de citoyens britanniques se prononçait pour le retrait de leur pays de l’Union européenne. Le Royaume‑Uni a ainsi quitté officiellement cette organisation le 1er février 2020, avant que ne s’ouvre une période de transition qui a pour sa part pris fin le 30 décembre 2020.

Ce retrait a emporté de nombreuses conséquences sur les relations politiques et économiques entre les États membres de l’Union européenne, et entre ceux‑ci et le Royaume‑Uni. À cet égard, cette sortie ne peut pas être neutre non plus sur la manière dont les institutions européennes organisent leur travail et leurs échanges.

Cette sortie du Royaume‑Uni a en effet une première conséquence visible très importante : l’anglais n’est désormais la langue maternelle que de 1 % de la population de l’Union, là où le français peut s’enorgueillir d’être la deuxième langue maternelle en nombre de locuteurs, après l’allemand, et la langue étrangère la plus pratiquée, hors anglais.

Le régime actuel au sein de l’Union européenne est celui de la diversité linguistique (article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et article 3 du traité sur l’Union européenne). Ainsi, les vingt‑quatre langues considérées comme officielles dans les États membres de l’Union européenne ont également le statut de langues officielles de l’Union. Ceci a par exemple pour conséquence concrète que chaque habitant d’un État membre de l’Union européenne doit pouvoir accéder aux documents émanant des institutions dans sa langue maternelle si celle‑ci est l’une de ces vingt‑quatre langues officielles de l’Union.

Toutefois, à côté de ces langues officielles, il existe des langues de travail, qui sont au nombre de trois : l’anglais, le français, et l’allemand. Or ces dernières années, à la faveur de la mondialisation dominée par la culture anglo‑saxonne, l’anglais a eu tendance à prendre le pas sur les deux autres langues de travail, qui sont pourtant celles de deux pays fondateurs de l’Union européenne. Ainsi, selon un rapport de novembre 2019 de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, 84 % des documents de travail de la Commission pour lesquels une traduction était demandée étaient initialement rédigés en anglais en 2017, contre environ 2 % pour le français comme l’allemand. En 1996, le français représentait encore 38 % des documents, et l’anglais 46 %. Au sein même de notre pays, ceci s’est traduit dernièrement par l’édition de nouvelles cartes nationales d’identité, actuellement en expérimentation dans le département de l’Oise, qui ne sont plus uniquement en français mais font apparaître désormais un bilinguisme en traduisant chaque mention en anglais.

La sortie du Royaume‑Uni de l’Union européenne constitue une opportunité unique d’inverser cette tendance.

La question n’est d’ailleurs pas seulement celle de la commodité d’usage d’une langue, il faut aussi prendre en compte les valeurs et la culture juridique qu’elle véhicule. En devenant une langue de travail prédominante, l’anglais avait ainsi imprimé dans les institutions européennes une certaine approche qui est propre à la culture dont il est issu. La notion de service d’intérêt économique général, qui a triomphé au détriment de la notion de service public à la française constitue à cet égard un parfait exemple. À l’inverse, plusieurs juristes estiment que le français permet d’appréhender plus facilement que l’anglais des concepts juridiques que l’on observe dans les autres pays du continent, en reprenant la distinction entre le droit romain et la common law anglo‑saxonne.

L’enjeu autour de la langue de travail est donc également un enjeu d’indépendance économique, juridique et culturelle vis‑à‑vis d’une mondialisation marquée par une teinte anglo‑saxonne. Dès lors que le Royaume‑Uni a quitté l’Union européenne, il n’y a plus aucune raison que les institutions de l’Union soient autant imprégnées de la culture anglo‑saxonne.

Dans une conversation avec le général de Gaulle à la veille du débarquement Churchill lançait « Sachezle, général ! Chaque fois qu’il nous faudra choisir entre l’Europe et le grand large, nous serons toujours pour le grand large. »

L’Europe doit tirer les conséquences de cette réalité géopolitique et historique, et proposer comme langue de travail unique une langue continentale. Compte tenu de son prestige et de son utilisation abondante seul le français est à‑même de remplir cette condition. En effet, le français est largement pratiqué dans de nombreuses organisations internationales : il est l’une des deux langues de travail de l’ONU, ainsi que l’une de ses six langues officielles. Il est aussi la langue officielle des Jeux Olympiques et de la Croix rouge. Même au sein des institutions européennes celui‑ci peut avoir une place privilégiée avec par exemple les délibérés de la Cour de justice de l’Union européenne qui se font en français.

On pourra nous objecter que l’allemand est aujourd’hui dans l’Union européenne la langue disposant du plus grand nombre de locuteurs dont il s’agit de la langue maternelle. Avancer un tel argument consisterait à oublier pourtant que l’allemand ne dispose pas du même statut international que le français, et qu’il s’agit d’une langue qui n’est pas autant enseignée, ni pratiquée, que le français dans les autres pays de l’Union. En effet, si l’allemand dispose d’un peu plus de locuteurs s’agissant de la langue maternelle, le français est bien plus répandu en tant que langue étrangère dans les divers pays de l’Union.

Compte tenu de tous ces éléments, le français semble aujourd’hui être la seule langue capable, à côté des vingt‑quatre langues officielles de l’Union européenne, de devenir une langue de travail permettant de redonner à l’Europe son indépendance culturelle, politique, juridique et économique.

En conséquence, la présente proposition de résolution européenne vise donc à inviter le Gouvernement à engager des négociations avec les membres du Conseil européen pour accorder au français le statut d’unique langue de travail de l’Union européenne, conformément aux dispositions de l’article 342 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.


proposition de résolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 342 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Considérant qu’en quittant l’Union européenne, le Royaume‑Uni a entraîné la sortie de la population européenne de la majorité des personnes dont la langue maternelle est l’anglais ;

Considérant que cet acte de retrait, qui constitue une rupture politique vis‑à‑vis de l’Union, ne pourrait pas ne pas être suivi de conséquences sur la manière dont l’Union européenne organise son travail, notamment concernant les langues utilisées pour les échanges entre les institutions et les États membres ;

Considérant que la langue est non seulement un outil de communication, mais aussi un vecteur de valeurs, de culture juridique, politique et économique ;

Considérant que le français est une langue d’échanges privilégiée au sein de l’Union européenne et dans de nombreuses instances internationales ;

Considérant que le français est la deuxième langue étrangère la plus enseignée et la plus parlée au sein de l’Union européenne ;

Considérant que pour ces différentes raisons, le français est la seule langue officielle de l’Union européenne capable de remplacer l’usage de l’anglais comme langue de travail dans les institutions européennes ;

Invite le Gouvernement à engager des négociations avec les membres du Conseil européen pour accorder au français le statut d’unique langue de travail de l’Union européenne.