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N° 4109

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale 3 mai 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête
chargée de rechercher d’éventuels dysfonctionnements
de la justice et de la police dans l’affaire dite Sarah Halimi
et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant
leur renouvellement,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Meyer HABIB, Constance LE GRIP, Julien AUBERT, Édith AUDIBERT, Olivier BECHT, Thierry BENOIT, Bruno BILDE, Sandrine BOËLLE, Émilie BONNIVARD, Ian BOUCARD, JeanClaude BOUCHET, Marine BRENIER, Xavier BRETON, Guy BRICOUT, Pascal BRINDEAU, Fabrice BRUN, Jacques CATTIN, Sébastien CHENU, Gérard CHERPION, Francis CHOUAT, Éric CIOTTI, Josiane CORNELOUP, Bernard DEFLESSELLES, Béatrice DESCAMPS, Jennifer DE TEMMERMAN, Fabien DI FILIPPO, Julien DIVE, Frédérique DUMAS, Philippe DUNOYER, Yannick FAVENNECBÉCOT, JeanJacques FERRARA, Claude de GANAY, Annie GENEVARD, M’jid EL GUERRAB, Philippe GOMÈS, Philippe GOSSELIN, Yves HEMEDINGER, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, François JOLIVET, Mansour KAMARDINE, Brigitte KUSTER, Grégory LABILLE, JeanChristophe LAGARDE, Marine LE PEN, Richard LIOGER, Emmanuel MAQUET, Nicolas MEIZONNET, Emmanuelle MÉNARD, Gérard MENUEL, Maxime MINOT, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Christophe NAEGELEN, Éric PAUGET, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, François PUPPONI, Didier QUENTIN, Robin REDA, Frédéric REISS, JeanLuc REITZER, Bernard REYNÈS, Nicole SANQUER, Nathalie SERRE, Valérie SIX, Sira SYLLA, Michèle TABAROT, Guy TEISSIER, Stéphane TESTÉ, Agnès THILL, Laurence TRASTOURISNART, Frédérique TUFFNELL, Arnaud VIALA, Michel VIALAY, André VILLIERS, Stéphane VIRY, Michel ZUMKELLER,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Une justice impartiale et efficace est une fonction cardinale de notre société.

Il appartient à tous, mais en premier lieu à la Représentation nationale, d’évaluer son fonctionnement pour en pointer les potentielles failles et suggérer d’éventuelles adaptations.

Or, les récents développements et la conclusion du dossier judiciaire de l’affaire Sarah Halimi ont révélé d’abord des failles de notre droit. C’est ce régime qui a été dénoncé par le Président de la République lui‑même, je cite : « décider de prendre des stupéfiants et devenir alors “comme fou” ne devrait pas à mes yeux supprimer votre responsabilité pénale. Sur ce sujet, je souhaite que le garde des Sceaux présente au plus vite un changement de la loi ».

Selon le docteur Daniel Zagury, éminent expert psychiatre, il est d’autant plus nécessaire de procéder à cette réforme qu’aujourd’hui l’orientation vers l’irresponsabilisation ou vers la responsabilisation s’est faite en l’espèce, et se fait en général, en fonction de facteurs très aléatoires, qui tiennent à la position d’un juge, à la sensibilité d’un expert, ou aux hasards des interventions des uns ou des autres.

Mais au‑delà du débat juridique, le traitement de l’affaire dite Sarah Halimi laisse à penser que des dysfonctionnements ont eu lieu, sur lesquels il est essentiel que l’Assemblée nationale fasse la lumière.

C’est à l’évidence une réflexion sur le fonctionnement de l’institution judiciaire mais aussi peut‑être policière qui devra être engagée.

Face à la barbarie du crime commis cette nuit du 4 avril 2017, dans le 11ème arrondissement de Paris, où Sarah Halimi, juive orthodoxe, médecin puis directrice de crèche à la retraite, a été frappée à poings nus pendant près de quarante minutes aux cris d’Allah Akbar puis défenestrée par son bourreau, l’absence de renvoi devant la cour d’assises laisse des questions sans réponses.

Pas d’investigations quant à l’absence d’intervention des neuf policiers présents très vite sur les lieux, pas de questions posées par les avocats de la partie civile sur les zones d’ombre de l’enquête judiciaire, pas d’interrogations sur la place laissée aux appréciations des experts judiciaires…

Des actes essentiels et habituellement effectués dans le déroulé d’enquêtes criminelles n’auront pas été réalisés durant l’instruction : aucune reconstitution du crime n’a eu lieu, certains voisins n’ont pas été interrogés, les avocats de la partie civile n’ont pas été reçus malgré leurs innombrables demandes, le téléphone de l’assassin n’a pas été investigué, etc.

Depuis les premières heures du crime, de multiples manquements au respect des règles de la procédure pénale, du contradictoire et des formes ont été dénoncés.

Cette affaire suscite émotion et incompréhension dans tout le pays, sous le mot d’ordre « sans justice, pas de République ». Dimanche 25 avril, lors des manifestations à Paris, dans toute la France et à l’étranger, ce n’est pas une foule haineuse qui a réclamé vengeance mais le peuple qui a demandé justice.

Il aura d’abord fallu plusieurs mois pour que, malgré la demande du parquet, le caractère antisémite du crime soit retenu.

Et par la suite, les juges d’instruction chargés de l’enquête ont estimé le 12 juillet 2019 qu’il y avait « des raisons plausibles » de conclure à l’irresponsabilité pénale de Kobili Traoré, qui aurait été pris d’une « bouffée délirante aigüe » notamment provoquée par sa très forte consommation de cannabis.

La cour d’appel de Paris a confirmé cette décision le 19 décembre 2019 après avoir été saisie d’un appel du parquet.

Le 14 avril 2021, la Cour de cassation mettait fin à tout espoir de procès en France pour la famille en rendant un arrêt confirmant la décision de la cour d’appel.

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Le 13 janvier 2020, dans un papier intitulé Le temps du déshonneur, la magistrate Danielle Khayat rappelait « qu’il était absurde et inconvenant de se contenter de se draper dans la vérité judiciaire en guise de réponse définitive à des interrogations, qu’elles soient ou non fondées sur autre chose que la légitime émotion non seulement des proches de la victime, mais de nombreuses personnes étrangères à ce cercle familial ».

Dans ce contexte, il appartient aujourd’hui à la Représentation nationale de faire la lumière sur les éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l’affaire dite Sarah Halimi, afin de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement le cas échéant, et ce, dans le strict respect de l’indépendance de la magistrature et sans constituer en aucune manière un troisième degré de juridiction procédant à une remise en cause de telle ou telle décision juridictionnelle.

Si l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires interdit la constitution des commissions d’enquête sur faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que des poursuites sont en cours, il en va différemment une fois la procédure achevée.

Il est donc dans le rôle et les attributions de l’Assemblée nationale de mettre en place une commission d’enquête sur les éventuels dysfonctionnements de l’affaire dite Sarah Halimi.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée de rechercher les éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l’affaire dite Sarah Halimi et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement le cas échéant.