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N° 4175

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mai 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

portant sur la levée temporaire des brevets sur les vaccins, l’augmentation des capacités de production et les transferts de technologie dans le cadre de la lutte contre la pandémie mondiale
de covid19,

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean François MBAYE, Valérie THOMAS, Hervé BERVILLE, Hugues RENSON, AmalAmélia LAKRAFI, Liliana TANGUY, Sira SYLLA, Aude AMADOU, Denis MASSÉGLIA, Yves DANIEL, Adrien MORENAS, Patrice PERROT, Brigitte LISO, Michèle PEYRON, Laurianne ROSSI, Sonia KRIMI, Jacques MAIRE, Mustapha LAABID, Laurence VANCEUNEBROCK, JeanLouis TOURAINE, Sylvain TEMPLIER, Frédéric BARBIER, Claire BOUCHET, Didier MARTIN, JeanCharles COLASROY, Alain PEREA, Stéphane CLAIREAUX, Stéphane TESTÉ, Cathy RACONBOUZON, Philippe CHALUMEAU, Martine LEGUILLEBALLOY,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’analyse des données sur les vaccinations dans le monde montre qu’en l’état actuel des choses il sera impossible de vacciner 70 % de la population mondiale d’ici 2021, seuil à atteindre afin d’assurer la santé de tous. Neuf personnes sur dix dans les pays pauvres n’auront pas accès aux vaccins d’ici la fin de l’année. Dans le même temps, le virus continue de circuler et de muter, sapant les sacrifices consentis par les populations et les efforts engagés par les gouvernements. Ce constat alarmant fait craindre des millions de morts supplémentaires, sur l’ensemble des continents.

La question de la mise à disposition de vaccins auprès des populations les plus défavorisées se pose aujourd’hui avec d’autant plus de force que certains pays font désormais face à une situation sanitaire particulièrement alarmante, à l’instar du Brésil et de l’Inde, où plusieurs centaines de milliers de contaminations et des milliers de décès surviennent désormais chaque jour.

Il est urgent de faire plus et sans attendre afin d’assurer la production de vaccins en quantités suffisantes pour couvrir les besoins mondiaux. Dès lors, tout obstacle de nature à empêcher une distribution effective et équitable des vaccins apparaît non seulement comme préjudiciable pour les populations les plus précaires, mais encore pour les efforts collectifs consentis afin de mettre fin à cette pandémie. En effet, il s’agit d’un défi d’ampleur mondiale, et la victoire sur le covid‑19 sera mondiale ou ne sera pas.

Dans ce contexte, la facilité COVAX, partie intégrante du dispositif Access to covid19 tools accelerator (ACT‑A), participe pleinement à la distribution de doses de vaccin au bénéfice du plus grand nombre, partout dans le monde. Tant par son apport personnel sous la forme de dons de doses de vaccin que par le travail entrepris par elle afin d’inciter ses partenaires européens ainsi que les pays membres du G7 à apporter leur soutien à COVAX, la France contribue à faire du vaccin un bien public mondial, dans le droit prolongement des déclarations effectuées en ce sens par Président de la République Emmanuel Macron.

La facilité COVAX a permis de préempter deux milliards de doses. Celles‑ci sont aujourd’hui en cours de distribution. En l’occurrence, chaque État prélève des doses sur ses propres contingents, notamment au bénéfice des soignants des différents pays concernés. Il convient de souligner qu’en ce qui concerne les dons, la France a été au rendez‑vous. À cet égard, les États‑Unis n’ont autorisé à ce jour ni l’exportation de leur propre production vaccinale ni celle des intrants pour la fabrication des vaccins. Tel n’a pas été le cas de l’Union européenne, qui exporte des doses et des intrants de manière significative.

Il convient néanmoins de souligner que si ces dons sont indispensables, ils ne sauraient permettre à eux‑seuls d’atteindre cet objectif. À cet égard, la production des doses de vaccin doit être rapprochée autant que faire se peut des populations auxquelles elles sont destinées, notamment au sein des pays en développement et plus particulièrement en Afrique. Il s’agit d’un travail au long cours ayant vocation à s’inscrire dans le cadre d’ACT‑A et qui nécessitera de recourir à des transferts de technologie et de savoir‑faire et des accords de licence volontaires entre les laboratoires et des unités de production dans les pays tiers.

Dans le temps long, la levée temporaire des dispositifs de protection de la propriété intellectuelle, dès lors que ceux‑ci peuvent constituer un frein à l’accessibilité des produits de santé nécessaires afin de lutter contre la pandémie, doit également être envisagée.

Sur ce point, Katherine Tai, United States trade representative (« Ambassadrice pour le commerce des États‑Unis »), a exprimé le 5 mai 2021 la volonté de l’administration du Président Joe Biden de soutenir toute initiative de nature à permettre la levée des brevets sur les vaccins contre la covid‑19. La position exprimée par l’ambassadrice pour le commerce des États‑Unis constitue un changement de cap pour ce pays qui s’est longuement opposé à toute initiative multilatérale en la matière. En effet, les États‑Unis n’ont autorisé à ce jour ni l’exportation de leur propre production vaccinale ni celle des intrants pour la fabrication des vaccins. Tel n’a pas été le cas de l’Union européenne, qui exporte des doses et des intrants de manière significative.

Dans le prolongement de cette déclaration, ainsi que de l’appel adressé par l’Organisation mondiale de la santé aux pays membres du G7 afin d’accentuer les mesures de solidarité prises en faveur des pays les moins favorisés, la France, de même que la Commission européenne, se sont déclarées favorables à l’ouverture de discussions autour d’une telle initiative.

Il revient d’organiser désormais le cadre général. À ce titre, une réunion se tiendra prochainement à l’OMS, afin de débloquer toutes les formes de restriction existantes, afin que les chaînes d’approvisionnement mondiales puissent librement fonctionner. Cette volonté, qui est en grande partie celle de la France de longue date, est désormais largement partagée.

Eu égard à l’urgence et au caractère particulièrement exceptionnel de la pandémie à laquelle doivent faire face tous les pays du globe, il apparaît dès lors indispensable que la France use de son influence à l’occasion des négociations en cours au sein de l’Organisation mondiale du commerce autour de la proposition formulée par l’Inde et l’Afrique du Sud de déroger temporairement aux accords dits « ADPIC » (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce). Si l’ADPIC autorise déjà, en cas de pandémie, le partage de la propriété intellectuelle à des pays qui souhaitent produire des vaccins localement, sur le long terme, ces discussions doivent également permettre de déterminer les obstacles susceptibles de bloquer la mise en œuvre de ces accords– notamment par le biais des licences obligatoires – dans l’objectif d’optimiser le cadre multilatéral dans la perspective de crises sanitaires futures.

Enfin, et en complément de cette levée temporaire des brevets, il convient également de soutenir l’ensemble des autres mesures permettant d’augmenter le nombre de doses de vaccins produites à l’échelle mondiale : la construction de sites de production dans les pays les moins favorisés (des initiatives en ce sens étant déjà en cours d’élaboration par l’Agence française de développement et sa filiale Proparco), la formation de personnel qualifié et la levée des obstacles à l’exportation de produits de santé et de leurs composants (notamment en Inde et aux États‑Unis). Les signataires se félicitent de l’aide apportée par la France dans la réalisation d’unités de production, notamment en Afrique du Sud. La délocalisation des productions dans les pays et sur les continents qui en ont le plus besoin, en particulier à l’Afrique, est un impératif d’urgence qui guide l’action de la diplomatie de santé de notre pays.

Il est de la responsabilité des États de ne pas laisser l’histoire se répéter en laissant fleurir une confrontation ouverte entre ceux qui soutiennent les droits de propriété intellectuelle sur les médicaments et ceux qui exigeraient l’accès à des médicaments moins chers pour sauver des vies, comme cela a été le cas pour le sida. Il aura fallu dix ans pour que les médicaments antirétroviraux, qui étaient alors disponibles dans les pays développés depuis 1996, atteignent les pays à faible revenu à un prix abordable pour tous.

Pour l’ensemble de ces raisons, les signataires de la présente résolution entendent encourager le renforcement de l’approche holistique adoptée par la France, que ce soit par la levée temporaire des mesures de protection de propriété intellectuelle portant sur les vaccins contre la covid‑19, l’augmentation effective des capacités de production mondiale et l’incitation à procéder à l’ensemble des transferts de technologie nécessaires afin de permettre à un plus grand nombre de pays de produire et bénéficier de ces vaccins.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant la persistance dans le temps et le caractère universel de la pandémie de covid‑19 ;

Considérant le caractère indispensable d’une action globale et solidaire à l’échelle mondiale afin de permettre l’éradication du virus de la covid‑19 ;

Considérant les conséquences humaines dramatiques d’une reprise importante de l’épidémie dans certains pays amis de la France ;

Considérant l’efficacité avérée du recours aux vaccins dans le cadre des différentes stratégies nationales mises en place afin de lutter contre la pandémie de covid‑19 ;

Considérant la nécessité de compléter les dispositifs de distribution équitable des vaccins auprès des pays et des populations les plus vulnérables ;

Considérant l’action diplomatique de la France dans le cadre des dispositifs multilatéraux permettant un accès effectif et rapide à la vaccination, aux traitements et aux diagnostics partout dans le monde et en particulier dans les pays qui en ont le plus besoin ;

Considérant l’apparition d’un consensus international autour de la nécessité d’augmenter massivement le nombre de doses produites et de permettre leur accès à des prix adaptés à la richesse de chaque pays bénéficiaire ;

1. Souhaite que la France se déclare sans réserve en faveur de la levée immédiate et temporaire des protections de propriété intellectuelle portant sur les vaccins contre la covid‑19.

2. Appelle la France à participer activement aux négociations susceptibles d’avoir lieu au sein de l’Organisation mondiale de la santé s’agissant de la levée de ces protections.

3. Appelle la France à promouvoir la levée de ces protections auprès de ses partenaires internationaux et notamment européens.

4. Appelle la France à soutenir le partage du savoir‑faire technologique nécessaire à la production de vaccin en grande quantité en direction des pays les plus vulnérables.

5. Appelle la France à soutenir toute dérogation temporaire à certaines obligations de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce pour amplifier les capacités de diagnostic, de traitement et de vaccins au niveau mondial.

6. Encourage la France à poursuivre son action dans le cadre des initiatives multilatérales existantes en matière de production et distribution des vaccins, notamment COVAX, notamment en appelant à des dons effectifs de vaccins de la part des pays développés, aux premiers rangs desquels les États‑Unis.

7. Appelle la France à soutenir toute initiative de nature à permettre une augmentation de la production des doses de vaccins contre la covid‑19 et la baisse des coûts d’accès à ces vaccins en faveur des pays les plus vulnérables ou dont la situation sanitaire est gravement dégradée.

8. Appelle la France, notamment par le biais de l’Agence française de développement et de sa filiale Proparco, à poursuivre les initiatives entreprises afin de permettre la construction de sites de production de vaccins au sein des pays les plus vulnérables, notamment en Afrique.

9. Appelle la France à contribuer à la levée de tout obstacle, à l’échelle mondiale, susceptible d’empêcher l’exportation de doses de vaccins contre la covid‑19 de même que celle de leurs composants, dans l’objectif de pourvoir aux besoins immédiats.