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N° 4223

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juin 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

visant à favoriser l’utilisation de la langue française dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne de janvier à juin 2022,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par Mesdames et Messieurs

Fabrice BRUN, Julien AUBERT, Thibault BAZIN, Valérie BAZINMALGRAS, Valérie BEAUVAIS, Philippe BENASSAYA, AnneLaure BLIN, Émilie BONNIVARD, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Vincent DESCOEUR, Fabien DI FILIPPO, Marianne DUBOIS, JeanJacques FERRARA, Nicolas FORISSIER, Yves HEMEDINGER, Michel HERBILLON, Mansour KAMARDINE, Brigitte KUSTER, Marc LE FUR, Constance LE GRIP, Emmanuel MAQUET, Philippe MEYER, Jérôme NURY, JeanFrançois PARIGI, Éric PAUGET, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, JeanLuc REITZER, Vincent ROLLAND, JeanMarie SERMIER, Robert THERRY, Laurence TRASTOURISNART, Pierre VATIN, Michel VIALAY, Stéphane VIRY,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Présidence de l’Union européenne est une échéance majeure pour la France. En effet, la France présidera le Conseil de l’Union européenne de janvier à juin 2022, et prendra la suite de la Présidence Slovène. À ce titre, notre Gouvernement sera l’interlocuteur privilégié de la Commission européenne pour décider de l’orientation stratégique de l’ensemble des politiques publiques de l’UE, et prendra la tête du Conseil de l’Union européenne. Cette Présidence représente l’opportunité de montrer à nos partenaires européens que nous sommes à la hauteur des enjeux mondiaux qui nous font face : organiser la sortie de crise sanitaire ; assurer la souveraineté industrielle de l’Union européenne sur des secteurs stratégiques ‑ agroalimentaire et médicaments notamment ‑ ; poursuivre le déploiement du plan de relance européen Next Generation EU, à hauteur de 1 800 milliards d’euros.

Le Gouvernement, à travers la mise en place d’un Secrétariat général de la présidence française de l’Union européenne (SGPFUE) placé auprès du Premier ministre, a résumé, à travers une formule, l’ambition française de cette Présidence, « relance, puissance, appartenance ».

Cependant, la puissance politique ne peut être consentie, et donc effective, sans un sentiment d’appartenance. L’Union européenne depuis la sortie du Royaume‑Uni, décidée à la suite du référendum de 23 juin 2016, fait face à une crise d’identité majeure. Cet évènement politique est inédit dans l’histoire de l’intégration européenne, et vient questionner la légitimité, et même l’identité de l’Union européenne : qui sommes‑nous ? À cet égard, cette sortie ne peut pas être neutre non plus sur la manière dont les institutions européennes organisent leur travail et leurs échanges. La généralisation de l’anglais comme langue de référence, alors même que le Royaume‑Uni n’est plus un État‑membre de l’UE, met bien en exergue cette crise d’identité à laquelle nous sommes confrontés.

On constate ces dernières années une prédominance très forte de l’utilisation de la langue anglaise, venant bousculer, si ce n’est remplacer la langue française. Un rapport de l’Assemblée nationale de 2004 ([1]) étudiait déjà ce déclin soudain et précipité de l’utilisation du français dans les institutions européennes, lié manifestement aux élargissements successifs de l’Union européenne aux pays de l’Est. Il souligne qu’en 1997, 42 % des documents législatifs émanant du Conseil était rédigé en français, alors qu’en 2002 ce chiffre chute à 18 %. Sur la même période, les documents rédigés en langue anglaise passent de 41 % à 73 %, marquant l’acceptation tacite d’une culture de travail anglo‑saxonne au sein des institutions européennes.

Par ailleurs, la langue française est un élément‑clé pour le développement de l’influence française à l’étranger et le rayonnement international de notre pays. Notre langue bénéficie d’un statut non‑négligeable dans l’ensemble des organisations internationales (ONU, OCDE, UE, etc.), considérée comme une langue de travail. En 2021, on ne compte pas moins de 300 millions de locuteurs francophones, ce qui place la langue française au sixième rang du classement linguistique international. La Francophonie est un espace linguistique immense, qui s’étend de l’Océanie aux Amériques, en passant par l’Afrique et l’Europe occidentale. Le français est, par conséquent, la seule langue mondiale, avec l’anglais, qui est utilisée sur les cinq continents.

La langue française représente, en outre, un atout géopolitique considérable dans les relations internationales, et affirme la puissance culturelle de la France dans le monde. Selon l’Organisation des Nations‑Unies, on comptera près de 800 millions de locuteurs francophones dans le monde à horizon 2050, faisant passer le français de la sixième à la deuxième place du classement mondial.

Pour l’ensemble de ces raisons, la Présidence française de l’Union européenne représente une occasion exceptionnelle permettant de refaire du français la langue de travail la plus utilisée dans les institutions européennes. C’est dans l’intérêt à la fois de la France, mais aussi de nos partenaires européens, compte tenu des perspectives linguistiques mentionnées auparavant.

En conséquence, la présente proposition de résolution européenne vise à inviter le Gouvernement à s’engager en faveur de l’utilisation systématique, généralisée et constante de la langue française dans le cadre des réunions ainsi que de la rédaction des actes législatifs au niveau du Conseil, dans le cadre de la prochaine Présidence française de l’Union européenne à partir de janvier 2022.


proposition de résolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 342 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Considérant qu’en quittant l’Union européenne, le Royaume‑Uni a entraîné la sortie de la population européenne de la majorité des personnes dont la langue maternelle est l’anglais ;

Considérant que cet acte de retrait, qui constitue une rupture politique vis‑à‑vis de l’Union, ne pourrait pas ne pas être suivi de conséquences sur la manière dont l’Union européenne organise son travail, notamment concernant les langues utilisées pour les échanges entre les institutions et les États membres ;

Considérant que la langue est non seulement un outil de communication, mais aussi un vecteur de valeurs, de culture juridique, politique et économique au sein des institutions européennes ;

Considérant que le français est une langue d’échanges privilégiée au sein de l’Union européenne, et bénéficiant d’un statut spécifique assurant son utilisation dans de nombreuses organisations internationales ;

Considérant que le français est la deuxième langue étrangère la plus parlée et la plus enseignée au sein de l’Union européenne ;

Considérant que pour ces différentes raisons, il est dans l’intérêt fondamental de la France de promouvoir le plus possible sa langue lors de sa présidence du Conseil de l’Union européenne à venir ;

Invite le Gouvernement à s’engager à promouvoir l’utilisation systématique, généralisée et constante de la langue française lors de la rédaction des actes législatifs émanant des réunions du Conseil de l’Union européenne, dans le cadre de la prochaine présidence française de l’Union européenne à partir de janvier 2022.


([1]) Rapport d’information n° 1594 du 12 avril 2004 présenté par le député Jacques Floch, sur la présence et l’influence de la France dans les institutions européennes.