Description : LOGO

N° 4282

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 juin 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Mme Valérie RABAULT et les membres du groupe Socialistes (1) et apparentés (2),

députés.

____________________________________

(1) Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Joël Aviragnet, Marie‑Noëlle Battistel, Gisèle Biémouret, Jean‑Louis Bricout, Alain David, Laurence Dumont, Lamia El Aaraje, Olivier Faure, Guillaume Garot, David Habib, Chantal Jourdan, Marietta Karamanli, Jérôme Lambert, Gérard Leseul, Philippe Naillet, Christine Pires Beaune, Dominique Potier, Valérie Rabault, Claudia Rouaux, Isabelle Santiago, Hervé Saulignac, Sylvie Tolmont, Cécile Untermaier, Hélène Vainqueur‑Christophe, Boris Vallaud, Michèle Victory.

 

(2) MM. Christian Hutin, Régis Juanico, Serge Letchimy, Mme Josette Manin.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La pandémie de covid‑19 a mis au jour les faiblesses de notre système de santé pour faire face à une crise sanitaire majeure, qu’il s’agisse des capacités en lits de réanimation ou de l’approvisionnement de certains équipements de protections individuels des personnels de santé, matériels médicaux et molécules ou produits nécessaires au traitement d’un nombre exceptionnel de patients.

Derrière ces faiblesses, qui n’ont heureusement jamais atteint le point de rupture, apparaissent également celles de notre tissu industriel. Ainsi, la France ne disposait pas sur son sol des capacités industrielles suffisantes pour produire l’essentiel des équipements et matériels précités ou de certains composés entrant dans la fabrication de médicaments et autres produits à usage médical. Nous nous sommes retrouvés dépendants d’autres pays, qui, eux‑mêmes, ont pu connaître des défaillances, amplifiant plus encore la gravité de notre situation.

Les images de ponts aériens depuis la Chine ou la Turquie ont mis en lumière de manière crue la perte de souveraineté de la France dans des domaines industriels stratégiques. L’échec de Sanofi à produire un vaccin efficace contre le covid‑19 juxtaposé aux succès d’autres industriels européens n’ont fait qu’amplifier ce sentiment.

Au‑delà de ces seuls domaines, c’est l’ensemble du tissu industriel de la France qui apparaît aujourd’hui fragilisé.

D’après l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’industrie représente 13,5 % du PIB en France, dont 11 % pour l’industrie manufacturière (loin sous la moyenne européenne de 15,9 %). Le poids de cette dernière dans l’économie a ainsi été divisé par deux en 50 ans (il était de 22,3 % en 1970). À titre de comparaison, l’industrie compte pour 25,8 % du PIB allemand, dont 21,1 % pour l’industrie manufacturière.

Si cette évolution s’explique en partie par des gains de productivité deux fois plus rapides dans l’industrie manufacturière que dans l’ensemble de l’économie, d’autres données montrent bien un décrochage de l’industrie française par rapport à nos voisins européens.

Ainsi et selon Eurostat, entre 2000 et 2018 la valeur ajoutée de l’industrie en France n’a progressé que de 12 % contre 57,6 % en Allemagne ou encore 60,3 % en Espagne. Sur la même période, l’emploi salarié hors intérim de l’industrie manufacturière a diminué de 25,5 %.

La force des secteurs industriels de certains de nos voisins ont transformé ces pays en puissances exportatrices. Ainsi, le niveau des exportations représente 38,5 % du PIB allemand, contre 21 % en France, et celui des importations, 32 %, contre 24 % chez nous. En résulte une balance commerciale largement excédentaire en Allemagne, 228 milliards d’euros en 2019, soit 6,6 % du PIB, tandis que la balance commerciale française accusait un déficit de 74 milliards d’euros la même année, soit 3 % du PIB.

Autrement dit, la demande de biens qui s’adresse, notamment, à l’industrie allemande, est dynamisée par la demande internationale, européenne et notamment française, tandis que les débouchés s’amoindrissent pour les produits français.

Plus largement, l’insuffisance de la demande extérieure adressée à la France, a un impact négatif sur l’activité économique des industries françaises, et donc sur les finances publiques et la capacité d’action de l’État, mais aussi sur l’emploi, ce qui diminue en retour la demande intérieure, dans un cercle vicieux.

C’est un des facteurs qui grippe l’économie française, et donc sa croissance, sans que le déficit de compétitivité ne puisse uniquement s’expliquer par une question de coût du travail, qui est le même en Allemagne qu’en France, soit respectivement 37 euros et 37,5 euros de l’heure de travail.

Si cette tendance, démarrée au début des années 2000, sert nos voisins, elle constitue de plus en plus une spirale négative pour notre pays : tandis que l’industrie allemande devient de plus en plus florissante, un nombre croissant d’entreprises industrielles françaises sont en difficulté... accentuant le déclin industriel de la France.

Or l’industrie est un secteur essentiel de notre économie : représentant 80 % de la recherche et développement en France et 74 % de nos exportations en 2019.

La France dispose d’un niveau de qualification de ses ingénieurs parmi les plus élevés au monde, du fait notamment du format des CPGE et écoles d’ingénieurs, favorisant la pluridisciplinarité et les parcours d’excellence au sein d’établissements prestigieux comme l’école Polytechnique, l’École des Mines ou encore AgroParisTech.

Les capacités des entreprises industrielles en matière de recherche et développement et de conception sont donc riches mais la production est trop souvent délocalisée.

Ainsi les ouvriers qualifiés de l’industrie, qui étaient au nombre de 1,52 million en 1982, ne sont plus que 1,07 million. Ajoutés aux destructions d’emplois non qualifiés, cela fait près de 1,6 million d’emplois d’ouvriers manufacturiers détruits en trente‑huit ans.

Selon l’Insee, l’emploi ouvrier s’est très nettement replié dans la filière industrielle depuis cette date, surtout pour les emplois non qualifiés. Ainsi, la part d’ouvriers industriels dans l’emploi en France est passée de 15 % à 7 % (‑ 45 %), celle d’ouvriers qualifiés industriels de 7 % à 4 % (‑ 30 %), et celle d’ouvriers non qualifiés industriels de 9 % à 3 % (‑ 67 %).

Cette perte d’emplois est également dans certains secteurs une perte de savoir‑faire parfois irrémédiable. Les difficultés rencontrées par EDF et Orano pour la réalisation de soudures complexes sur les installations nucléaires ou le déclin de l’industrie sidérurgique et des savoirs techniques dans la production d’acier de haute technologie en sont des exemples frappants. Notre industrie est de plus en plus une industrie de laboratoires et de bureaux d’études.

L’avantage comparatif de l’industrie française en matière de R&D et de conception n’est pourtant pas non plus à l’abri du déclin. Les difficultés rencontrées en matière de débouchés à l’étranger ont entraîné des transferts de technologie consentis au profit de pays qui viennent désormais nous concurrencer sur les produits haut de gamme et de pointe à forte valeur ajoutée.

L’industrie du médicament est un bon exemple d’un secteur stratégique où seule la recherche fondamentale est encore réalisée sur notre territoire.

La production des composés et molécules entrant dans la fabrication de médicaments et vaccins, même s’agissant de composés très complexes, se fait désormais en Inde, en Chine ou dans d’autres pays d’Asie. Seul l’assemblage final est ainsi parfois réalisé en France mais avec une dépendance totale aux pays producteurs de ces matières premières.

Ainsi dans le processus de distribution du vaccin Pfizer/BioNTech, l’industrie pharmaceutique française s’occupe de la mise en fioles du produit final.

Il est donc essentiel d’identifier les facteurs qui ont conduit à cette désindustrialisation et à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir ensuite les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament, dont l’intérêt stratégique pour la Nation a été récemment douloureusement rappelé.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament.