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N° 4421

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 août 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

appelant à la création d’une exception agricole et alimentaire dans les accords de libreéchange signés par l’Union européenne, ainsi qu’à la reconstruction d’une souveraineté alimentaire française et européenne,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par Mesdames et Messieurs

Annie CHAPELIER, Luc LAMIRAULT, Lise MAGNIER, Max MATHIASIN, Yves DANIEL, Fabien GOUTTEFARDE, Yannick HAURY, Michel LAUZZANA, Jacqueline MAQUET, Laëtitia ROMEIRO DIAS, Philippe BENASSAYA, JeanLuc BOURGEAUX, Victor HABERTDASSAULT, JeanLuc REITZER, Yves HEMEDINGER, Gérard MENUEL, Jennifer DE TEMMERMAN, Frédérique DUMAS, Paul MOLAC, Martine WONNER, Benoit SIMIAN, Matthieu ORPHELIN, MarieNoëlle BATTISTEL, Christine PIRES BEAUNE, Dominique POTIER, Thierry BENOIT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Ces dernières années, l’Union européenne a cherché à élargir le nombre de ses partenaires commerciaux par le biais de traités de libre‑échange négociés en marge de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), fragilisée par l’échec du cycle de négociations multilatérales, dit « Cycle de Doha », entamé en 2001.

Depuis la création du GATT jusqu’aux dernières négociations commerciales, l’agriculture a toujours constitué le point d’achoppement de la levée des freins au libre‑échange. Les négociations actuellement en cours avec le Japon, Singapour, le Vietnam, le Mexique, le MERCOSUR (regroupant l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay), le Chili et l’Australie et la Nouvelle‑Zélande, ne font pas exception.

Dans le domaine de la culture, les pays sont souverains auprès de l’OMC et bénéficient d’une « exception culturelle ». Celle‑ci, arrachée par la France en 1994 après d’âpres négociations et défendue de manière transpartisane par la droite comme la gauche française, est fondée sur l’idée que la création culturelle ne constitue pas un bien marchand comme les autres. Parce que la production culturelle est le vecteur de la ou des cultures auxquelles elle se rattache, nous considérons que son commerce doit être protégé de la seule loi de marché.

Les biens agricoles et alimentaires, parce qu’ils conditionnent la survie de chaque individu et société dans leur ensemble, ne sont pas non plus des objets comme les autres. À l’heure où la lutte pour les prix les plus bas ralentit la transition agroécologique et où beaucoup d’agriculteurs français et européens peinent à se constituer des marges nécessaires pour vivre dignement, il est urgent de tout faire pour relocaliser notre production et notre alimentation. L’exception agricole et alimentaire en est un des outils.

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Première politique commune de l’Union Européenne, la PAC symbolise l’ambition des pays européens de prendre en main leur souveraineté alimentaire. À sa création en 1962, l’Europe est encore exsangue de la guerre. Aujourd’hui, la famine ne revêt pas la même réalité, bien que la faim subsiste sur notre continent, renforcée par la crise sanitaire.

On observe une détérioration préoccupante de la souveraineté alimentaire construite par nos aïeux : depuis 2000, « les importations ont été presque doublées en France (+ 87 %) tandis que les exportations, dans le même temps, augmentaient de 55 % », d’après le rapport d’information n° 528 (2018‑2019) du sénateur Laurent Duplomb. La France importe environ 20 % de son alimentation, un fruit et légume sur deux, et connaîtra dès 2023 son premier déficit commercial. Les chiffres sont clairs, la France perd progressivement sa capacité à subvenir localement à l’un de ses besoins élémentaires : se nourrir.

C’est l’une des leçons de la crise sanitaire : l’agriculture et l’alimentation sont au cœur de notre indépendance et de notre sécurité. Le Président l’a récemment rappelé : « Déléguer notre alimentation à d’autres est une folie ». Il ne s’agit pas de biens « comme les autres », puisqu’ils sont la condition même de la survie de la population.

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Une folie d’autant plus problématique que le respect des normes environnementales et sociales européennes des produits importés est difficilement contrôlable. Le taux de contrôle physique des marchandises oscille entre 3 et 7 % alors que l’on estime que 10 à 25 % des produits importés ne respectent pas les normes minimales environnementales et sanitaires. Ces normes, garantes de notre sécurité sanitaire et d’une plus grande durabilité pour notre système alimentaire, représentent à la fois un coût et une perte de revenus pour nos agriculteurs, tenus de les respecter.

L’Accord économique et commercial global (CETA) établi entre le Canada et l’Union européenne, souvent mis en avant comme étant l’un des meilleurs accords jamais signé par l’Union européenne, il nous paraît particulièrement pertinent de l’utiliser comme référence. Si, en visant l’abaissement des barrières non‑tarifaires, il vise à une harmonisation normative, celle‑ci tend à s’effectuer par le bas. Le CETA interdit l’importation de bœuf traité aux hormones et de porc traité à la ractopamine, mais ne dit rien sur l’utilisation de certaines farines animales, sur le bien‑être animal ou encore sur les antibiotiques promoteurs de croissance, interdits depuis les années 1990 en Europe au motif de leur contribution à l’antibiorésistance générale.

Le Canada, comme de nombreux autres pays hors UE, ne reconnaît pas non plus le principe de précaution, pourtant au cœur de la conception européenne de santé environnementale. Le Canada a déjà multiplié, auprès de l’OMC, les procédures visant à contourner la législation européenne, voire à la faire régresser. D’autres pays ont suivi le Canada dans l’exécution de cette même stratégie et la Commission européenne s’était, en 2019, inquiétée d’un « risque élevé de différends formels à l’OMC ».

Le CETA prévoit, dans le domaine agricole, un abaissement sinon une annulation des droits de douanes sur les produits agricoles, compensée par l’ouverture de contingents visant à protéger certains produits « sensibles », tels que les produits laitiers ou la viande bovine et porcine. Le contingent ouvert sur la viande bovine de haute qualité représente 50 000 tonnes, soit jusqu’à 15 % de la production de viande de haute qualité dans l’Union européenne, pour le seul accord avec le Canada. Dans le cas de l’accord avec le MERCOSUR, il est question de contingents de 99 000 tonnes pour la viande bovine. Mis bout à bout, les impacts sur le marché intérieur sont loin d’être négligeables.

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La concurrence accrue vis‑à‑vis de l’international entraîne d’abord une pression à la baisse des prix. La Commission européenne avait estimé, en 2016, que les effets cumulés de tous les accords commerciaux pourraient entraîner une baisse de 15 % des prix payés aux producteurs. Si les traités de libre‑échange ne sont pas l’unique cause de la perte de souveraineté de l’agriculture française ou des problèmes économiques dont souffrent les agriculteurs, ils participent à l’amplification de ces difficultés.

Une pression sur les prix qui a des conséquences sur les moyens de subsistance déjà limités de beaucoup d’agriculteurs. Rappelons qu’en France, pour les exploitations dirigées par un chef d’exploitation âgé de moins de 40 ans, l’endettement s’élève en moyenne à près de 200 000 euros. En outre, la baisse des prix des produits alimentaires et de la part de l’alimentation dans le budget des ménages depuis plusieurs décennies occulte leurs coûts sociaux et environnementaux. Nous considérons que nous ne pouvons, en toute décence, demander aux agriculteurs de séquestrer du carbone dans leurs sols, d’entretenir le paysage, d’absorber le surplus d’eau que les zones artificialisées ne sont plus capables de retenir, de protéger la biodiversité, etc., alors qu’ils sont déjà poussés à vendre leur production à perte. Si nous souhaitons réellement la mise en place d’un système alimentaire durable, nous devons accepter de redonner à la nourriture sa juste valeur. Cela demande, aussi, d’accompagner les Français et européens vulnérables dans leur accès à une alimentation de meilleure qualité.

Ce différentiel de compétitivité ne pénalise pas toujours la France. Nous ne pouvons ignorer les difficultés que connaissent, depuis des décennies, les pays en développement à valoriser leur production et à développer une réelle souveraineté, face à des produits agricoles subventionnés ou produits plus intensivement, en provenance de l’extérieur. C’est aussi le cas du Canada, moins compétitif que l’Europe en ce qui concerne les produits laitiers : à la suite de l’ouverture de contingents sur les fromages AOP européens, plus compétitifs que les fromages canadiens, le Canada s’est vu obligé de créer une enveloppe visant à venir en aide aux producteurs laitiers canadiens.

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Les conséquences sur le tissu agricole français sont réelles. Les installations agricoles capables d’économies d’échelle sont automatiquement favorisées par la lutte pour les prix les plus bas, au détriment des plus petites. Alors que le nombre d’exploitations agricoles est en chute libre (450 mille environ en 2013 contre 1,1 million en 1988), que le nombre d’exploitants diminue rapidement (passant de 966 300 en 2015 à 885 400 en 2010), en particulier dans les filières d’élevage, c’est la revalorisation des métiers agricoles, au même titre que la transition agroécologique et la lutte contre l’artificialisation des sols, qui doit être prioritaire.

La facilitation des importations est en contradiction immédiate avec les objectifs de la transition agroécologique. Ce sont pourtant les petites et moyennes exploitations qui entretiennent les paysages, qui constituent à la fois l’identité de nos territoires, ainsi que la garantie de leurs fonctionnalités écologiques. Alors qu’au Canada, les fermes de mille vaches sont davantage la règle que l’exception, les exploitations françaises se limitent plus souvent à une centaine de têtes, au bénéfice des prairies dans les zones de grandes cultures comme dans les zones de montagne. Atout majeur de l’attractivité touristique de la France, nos paysages sont modelés par les spécialités agricoles de nos régions et façonnent l’identité française. Ces paysages relient le passé et l’avenir de la France et conditionnent ses capacités de résilience face aux changements climatiques et au déclin de la biodiversité, accéléré par l’agriculture intensive, l’artificialisation et le manque de connectivité des espaces. C’est donc sa capacité à stocker le carbone, mais également l’eau, qui se joue dans nos campagnes alors que les sécheresses se multiplient.

En encourageant la montée en gamme et la transition des systèmes agricoles, nous demandons aux agriculteurs plus que de nous nourrir : nous attendons d’eux qu’ils préservent la qualité de l’eau et de la terre, ainsi que la diversité des espèces vivantes végétales et animales qui doivent nous permettre de survivre dans un contexte de changement climatique et d’effondrement de la biodiversité. Nous leur demandons, en outre, de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) issues du secteur agricole d’ici 2030. Comment, alors, justifier le fait de favoriser des importations sur des produits qui pourraient être nationaux, contribuant à fournir de l’emploi local, sans l’émission de GES liés au transport ?

Signé par 195 États ainsi que par l’Union européenne, l’Accord de Paris nous contraint à limiter à 2°C d’ici à 2100 le réchauffement climatique par rapport aux températures préindustrielles. Il reconnaît en outre, la place de l’agriculture et de la forêt dans la lutte contre le changement climatique. Selon un rapport de l’I4CE, la demande alimentaire mondiale génère de 22 % à 37 % des rejets de gaz à effet de serre, tous secteurs confondus. Les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation de nourriture sont rejetées avant la sortie du produit de la ferme, et c’est pour cela que la transition agroécologique, freinée par la concurrence internationale, s’impose. La transformation et le transport comptent quant à eux pour 20 %, soit un cinquième des émissions liées à l’alimentation.

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Depuis la fin des années 1980, l’Europe et la France ont été à l’origine de grandes avancées, telles que la Directive nitrates, la mise en place de l’éco‑conditionnalité des aides, ou celle des Mesures AgroEnvironnementales. Beaucoup reste à faire pour que notre alimentation soit à la hauteur des enjeux du siècle, alors que de nombreux pays du monde n’en sont pas encore là. Le Canada, par exemple, continue d’utiliser 46 substances interdites en Union européenne et n’a pas mis en place d’écoconditionnalité, pas plus que des exigences suffisantes en matière de résidus de pesticides.

La prise en compte du bien‑être animal, bien que largement imparfaite, est également rarement autant développée qu’au sein de l’Union européenne. L’article 13 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) impose aux États membres de tenir compte des « exigences du bienêtre des animaux en tant qu’êtres sensibles ». Ces exigences ne s’appliquent cependant pas à la politique commerciale extérieure, et donc aux traités de libre‑échange. Lorsqu’il est envisagé dans les négociations internationales, le bien‑être animal n’est considéré que sous l’angle purement sanitaire et vétérinaire. Dans les systèmes de production bovine d’Amérique du Nord comme du Sud, la stabulation reste la règle plutôt que l’exception, et les vaches passent l’essentiel sinon la totalité de leur vie sans voir la lumière du jour. En Nouvelle‑Zélande, ce sont des cheptels de 3 000 têtes ovines qui permettent d’assurer un prix, en moyenne, 1,5 à 2 fois inférieurs au prix français, malgré les 18 000 kilomètres de transport réfrigéré qui les séparent des étalages français.

Depuis trop longtemps, l’Europe compte sur ses échanges avec l’extérieur pour écouler ses surplus à bas prix sur le marché international. La PAC doit aujourd’hui s’adapter et rompre avec le quantitativisme. Tout comme en 1962, l’agriculture a aujourd’hui le potentiel de réaffirmer la profonde actualité du projet européen, et de montrer à l’ensemble des peuples qui composent l’Union européenne que celle‑ci est protectrice vis‑à‑vis des bouleversements économiques, environnementaux et climatiques, et ainsi, de renforcer sa cohésion. Pour cela, les doubles discours doivent être abandonnés.

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La France s’est battue et a obtenu de nombreuses avancées en faveur de la transition agroécologique à l’échelle européenne. Récemment, le Président a annoncé vouloir prendre de nouvelles « décisions de rupture » dans le sens de la souveraineté alimentaire, affirmant également que nos modes de production et de consommation devaient évoluer, « fortement et rapidement, pour limiter les risques de déséquilibre systémique, qu’il s’agisse de notre santé, du réchauffement climatique, du recul de la biodiversité ».

Le Plan protéines végétales, annoncé à la rentrée 2020, se fixe comme objectif de doubler les surfaces en légumineuses et de compenser la dépendance de l’Europe vis‑à‑vis de la production américaine, souvent issues de variétés génétiquement modifiées pourtant interdites de production en Europe. Cette annonce va dans le bon sens, puisque l’Europe est dépendante des importations de soja pour couvrir 70 % des besoins des éleveurs, mais la problématique de la souveraineté alimentaire française et européenne dépasse largement le cadre des protéines végétales. La reconquête des marchés nationaux et européens concerne en effet, comme le montrent les chiffres cités plus haut, la production de biens agricoles dans son ensemble.

L’utilisation des produits agricoles pour des usages non‑alimentaires s’accroît et se diversifie : on observe l’utilisation d’une plus grande quantité de produits agricoles et de biomasse pour la production de textiles, de biocarburants, de produits oléo‑chimiques ou de polymères, en remplacement des produits d’origine fossile. Dans l’Union européenne, la production non‑alimentaire d’origine biologique représente 2,7 millions d’emplois. La bioéconomie peut stimuler les communautés rurales par l’installation d’industries locales, ouvrir de nouveaux marchés pour les agriculteurs et réduire à la fois notre dépendance aux énergies fossiles ainsi que nos émissions de GES. La FAO le rappelait en 2018 : « Si conçue correctement, c’est à dire en collaboration avec les agriculteurs familiaux et en pensant d’abord à eux, une bioéconomie peut contribuer aux efforts visant à lutter contre des questions pressantes d’intérêt mondial telles que la faim, la pauvreté et le changement climatique ». La transition agroécologique et la souveraineté européenne de ce secteur d’avenir doit donc être assurée, au même titre que pour les biens alimentaires.

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Les agriculteurs conservent une place particulière dans l’imaginaire de toutes et tous. Connaissant les difficiles conditions dans lesquelles ils exercent leur métier et leur trop faible rémunération, chacun peut se trouver légitimement indigné lorsque de nouvelles difficultés structurelles leurs sont imposées.

Dans un contexte de méfiance vis‑à‑vis des institutions, et d’une prise en compte jugée insuffisante des effets négatifs du libre‑échange, le fait de faciliter l’importation de biens alimentaires pouvant être produits sur place ne fait qu’attiser l’incompréhension et la frustration des Européens. Ces accords visant principalement à ouvrir de nouveaux marchés aux grandes entreprises européennes et utilisant les biens agricoles comme concessions ne rendent pas service à la cohésion européenne.

Alors que les stratégies « Farm to Fork » et « Green Deal » visent à encourager une meilleure répartition de la valeur au profit des paysans, un régime alimentaire plus sain, un usage réduit des produits de synthèse, ou la diminution des émissions de GES et de la pression sur les ressources naturelles, la conclusion d’accords de libre‑échange sur les produits agricoles, qui plus est avec des puissances agricoles productivistes, n’apparaît pas cohérente. Les discours sont contredits par les actes, en particulier lorsqu’ils sont travaillés dans l’opacité. Rappelons à ce sujet qu’en pleine crise de la covid‑19, la Commission européenne a donné son feu vert définitif à l’accord commercial entre l’Union européenne et le Vietnam. La défiance trouve son terreau dans l’impression que les institutions européennes ont plus à cœur l’ouverture de nouveaux marchés que la protection de leurs citoyens. C’est, à notre sens, une bien plus grande source de repli sur soi que celle que l’on oppose à la volonté de protéger davantage la production locale de biens indispensables à la vie.

Les échanges matériels et immatériels, trouvent également leur place dans d’autres types d’accords internationaux, plus justes, dans des domaines aussi larges que la politique étrangère et la sécurité, la justice, la liberté, les migrations, la fiscalité, la gestion des finances publiques, la science et la technologie, l’éducation et la société de l’information… L’accès réciproque aux marchés concernent des biens et des services suffisamment vastes pour faire vivre le « doux commerce ».

Depuis plusieurs décennies, la France défend l’exception culturelle en tant que combat d’avenir, et non comme repli sur soi. C’est la cohérence avec plusieurs décennies de politique en faveur de la diversité culturelle qui est défendue ici avec le combat pour la transition et l’adaptation de notre production à l’évolution rapide des enjeux, prôné comme les valeurs d’aujourd’hui et de demain d’une France écologique et riche de sa culture.


proposition de résolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime,

Vu la Stratégie nationale bas‑carbone,

Vu l’article 44 de la loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous,

Vu l’Accord de Paris sur le climat adopté le 12 décembre 2015,

Vu la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale signée le 13 novembre 1996,

Vu la Convention sur la diversité biologique adoptée le 22 mai 1992,

Vu la Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 17 décembre 2018,

Vu le rapport d’information n° 528 (2018‑2019) du 28 mai 2019, de M. Laurent Duplomb, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, sur le thème : « La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ? »,

Vu le rapport d’information n° 511 (2018‑2019) du 16 mai 2019, de MM. Ronan Dantec et Jean‑Yves Roux, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, sur l’adaptation de la France aux dérèglements climatiques à l’horizon 2050,

Vu le rapport de la commission d’experts indépendants en charge de l’évaluation de l’impact attendu de l’entrée en vigueur de l’accord commercial entre l’UE et le Canada (CETA) sur l’environnement, le climat et la santé, publié le 8 septembre 2017,

Vu le rapport d’information n° 504 (2011‑2012) du 18 avril 2012, de M. Yvon Collin, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, sur le défi alimentaire à l’horizon 2050,

Vu le rapport : « Le dangereux déclin de la nature » de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) publié en mai 2019,

Vu le rapport : « Estimer les émissions de gaz à effet de serre de la consommation alimentaire : méthodes et résultats » de l’Institute for Climate Economics publié en février 2019,

Vu la communication de la Commission du 20 mai 2020 « une stratégie “de la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement », COM(2020) 381 final,

Considérant que le déclin de la souveraineté alimentaire française et européenne, dans un contexte de changement climatique, de crises géopolitiques et d’interdépendance sanitaire pose de nouveaux risques de pénuries alimentaires ;

Considérant que les biens agricoles et alimentaires, par essence indispensables à la vie, ne peuvent être échangés dans le commerce mondial comme de simples marchandises ;

Considérant qu’il est du devoir de la France et de l’Europe de tout faire pour réduire rapidement l’empreinte carbone liée à l’alimentation de ses citoyens ;

Considérant que les prévisions climatiques et le déclin de la biodiversité sont alarmants et qu’ils doivent nous pousser à une transition rapide, ambitieuse et durable du système alimentaire français, européen et international ;

Considérant que cette transition agroécologique doit s’appuyer sur la résilience des milieux agricoles et naturels, la diversification des cultures, la revalorisation des métiers agricoles, le développement de l’alimentation en circuit‑court, le respect du bien‑être animal, la préservation de la biodiversité, la restauration de la qualité de nos sols, un recours minimal aux intrants et ressources fossiles, la préservation du foncier agricole et la lutte contre l’artificialisation des sols ;

Considérant que les exigences sanitaires et environnementales imposées par le régulateur français et européen sur les biens agricoles et alimentaires produits dans leurs frontières sont souvent supérieures à celles en vigueur à l’étranger, protégeant davantage les producteurs et consommateurs de ces biens mais entraînant également un différentiel de compétitivité vis‑à‑vis de l’international ;

Considérant que la transition agroécologique requiert la possibilité de financer la reconversion vers des pratiques agricoles plus vertueuses et que les investissements et surcoûts sont très difficilement répercutés sur les prix ;

Considérant que la mise en compétition avec des puissances agricoles productivistes encourage la consolidation et l’intensification de la production agricole locale au lieu de favoriser la transition agroécologique nécessaire, que la transition agroécologique doit s’appuyer sur les installations agricoles à taille humaine et que celles‑ci sont défavorisées par la compétition sur les biens agricoles ;

Considérant que les agriculteurs sont les garants de la diversité des pratiques et des produits agricoles, de la fonctionnalité des écosystèmes ainsi que de l’identité paysagère des territoires français et européens ;

Considérant que la compétition accrue sur des biens aussi essentiels que les produits agricoles et alimentaires et ses conséquences sur la santé des filières locales augmente la distance qui peut exister entre les citoyens européens et leurs institutions, renforce les mouvements anti‑européens et fragilise donc la cohésion et le projet européens ;

Rappelle l’importance du soutien financier et politique au développement de l’agroécologie, pratique agricole d’avenir en ce qu’elle allie les connaissances agronomiques modernes au respect de l’environnement et de la biodiversité, et qu’elle doit nous permettre de réduire grandement les externalités environnementales négatives de notre alimentation ;

Rappelle son profond attachement à la cohésion européenne ainsi qu’au projet d’une Europe juste, protectrice de ses citoyens ainsi que de l’environnement et tournée vers un avenir durable ;

Affirme le droit des peuples à une production agricole et alimentaire locale, saine et écologique, réalisée dans des conditions équitables qui respectent le droit de tous les partenaires à des conditions de travail et de rémunération décentes ;

Juge nécessaire la révision de l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce sur l’agriculture, afin que soit consacrée une exception agricole au sein des règles commerciales multilatérales, fondée sur le caractère spécifique de cette activité et l’impérieuse nécessité d’assurer à tout pays sa sécurité alimentaire ;

Invite le Gouvernement à mesurer l’importance de la définition d’une stratégie de reterritorialisation et de relocalisation de la production agricole et alimentaire aux niveaux national et européen ;

Invite le Gouvernement à négocier l’inscription de l’accord de Paris sur le climat comme clause essentielle des futurs accords de libre‑échange, de manière à ce que la publication et le renforcement régulier des contributions déterminées au niveau national soient des conditions suspensives de l’accord, ainsi que des critères plus détaillés de leur mise en œuvre ;

Invite le Gouvernement à promouvoir, lors des prochaines négociations et renégociations des accords de libre‑échange impliquant l’Union européenne, une exception agricole et alimentaire, limitant l’abaissement des droits de douanes sur les produits agricoles et ce, à l’exception des produits exclusivement cultivés en dehors de l’Union européenne.