1

Description : LOGO

N° 4528

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

pour la conservation et l’utilisation durable de l’océan,

présentée par

Mme Maina SAGE, M. Jimmy PAHUN

et Mesdames et Messieurs

Olivier BECHT, les députés du groupe Agir ensemble (1), JeanFélix ACQUAVIVA, Saïd AHAMADA, Éric ALAUZET, Patrice ANATO, Stéphanie ATGER, Clémentine AUTAIN, Delphine BAGARRY, Erwan BALANANT, Géraldine BANNIER, Frédéric BARBIER, JeanNoël BARROT, Nathalie BASSIRE, Xavier BATUT, Sophie BEAUDOUINHUBIÈRE, Justine BENIN, Thierry BENOIT, Philippe BERTA, Hervé BERVILLE, Anne BLANC, Christophe BLANCHET, Philippe BOLO, Éric BOTHOREL, JeanLouis BOURLANGES, Bertrand BOUYX, Yaël BRAUNPIVET, Sylvain BRIAL, Guy BRICOUT, Blandine BROCARD, Moetai BROTHERSON, Vincent BRU, Danielle BRULEBOIS, Fabrice BRUN, AnneFrance BRUNET, Stéphane BUCHOU, Lionel CAUSSE, Pierre CABARÉ, Michel CASTELLANI, Danièle CAZARIAN, Sébastien CAZENOVE, Anthony CELLIER, Sylvie CHARRIÈRE, Stéphane CLAIREAUX, JeanCharles COLASROY, Fabienne COLBOC, Éric COQUEREL, François CORMIERBOULIGEON, JeanPierre CUBERTAFON, Yves DANIEL, Dominique DAVID, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZAUDEBERT, Béatrice DESCAMPS, Jennifer DE TEMMERMAN, Éric DIARD, Loïc DOMBREVAL, Nicole DUBRÉCHIRAT, Audrey DUFEU, Frédérique DUMAS, Laurence DUMONT, Philippe DUNOYER, Stella DUPONT, Bruno DUVERGÉ, Nadia ESSAYAN, Olivier FALORNI, Michel FANGET, Isabelle FLORENNES, Bruno FUCHS, JeanLuc FUGIT, Albane GAILLOT, Laurent GARCIA, Guillaume GAROT, Maud GATEL, Anne GENETET, Raphaël GÉRARD, Éric GIRARDIN, Philippe GOMÈS, Valérie GOMEZBASSAC, Carole GRANDJEAN, Brahim HAMMOUCHE, Yannick HAURY, Michel HERBILLON, Cyrille ISAACSIBILLE, Élodie JACQUIERLAFORGE, Bruno JONCOUR, Sandrine JOSSO, Régis JUANICO, Mansour KAMARDINE, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Stéphanie KERBARH, Yannick KERLOGOT, Anissa KHEDHER, Sonia KRIMI, Daniel LABARONNE, Bastien LACHAUD, JeanChristophe LAGARDE, JeanLuc LAGLEIZE, Fabien LAINÉ, FrançoisMichel LAMBERT, Mohamed LAQHILA, Michel LARIVE, Florence LASSERRE, Philippe LATOMBE, Célia de LAVERGNE, Marie LEBEC, Sandrine LE FEUR, Didier LE GAC, Gilles LE GENDRE, Annaïg LE MEUR, Nicole LE PEIH, Patrick LOISEAU, David LORION, Aude LUQUET, Sylvain MAILLARD, Jacques MAIRE, Jacques MARILOSSIAN, Max MATHIASIN, JeanPaul MATTEI, Sereine MAUBORGNE, Jean François MBAYE, Graziella MELCHIOR, JeanLuc MÉLENCHON, Emmanuelle MÉNARD, Sophie MÉTADIER, Sophie METTE, Marjolaine MEYNIERMILLEFERT, Monica MICHELBRASSART, Philippe MICHELKLEISBAUER, Thierry MICHELS, Patrick MIGNOLA, Bruno MILLIENNE, Paul MOLAC, Sandrine MÖRCH, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Cendra MOTIN, Cécile MUSCHOTTI, Christophe NAEGELEN, Philippe NAILLET, Danièle OBONO, Matthieu ORPHELIN, Bertrand PANCHER, Sophie PANONACLE, Mathilde PANOT, Hervé PELLOIS, Patrice PERROT, Frédéric PETIT, Maud PETIT, Valérie PETIT, Damien PICHEREAU, Christine PIRES BEAUNE, JeanPierre PONT, Dominique POTIER, Josy POUEYTO, Éric POULLIAT, Adrien QUATENNENS, Richard RAMOS, JeanHugues RATENON, Isabelle RAUCH, JeanLuc REITZER, Cécile RILHAC, Xavier ROSEREN, Laurianne ROSSI, Cédric ROUSSEL, Sabine RUBIN, François de RUGY, Nicole SANQUER, Nathalie SARLES, Olivier SERVA, Bertrand SORRE, Bruno STUDER, Buon TAN, Liliana TANGUY, Stéphane TESTÉ, Sabine THILLAYE, JeanLouis TOURAINE, Élisabeth TOUTUTPICARD, Stéphane TRAVERT, Nicole TRISSE, Stéphane TROMPILLE, Frédérique TUFFNELL, Nicolas TURQUOIS, Alexandra VALETTA ARDISSON, Michèle de VAUCOULEURS, Laurence VICHNIEVSKY, Michèle VICTORY, Cédric VILLANI, JeanLuc WARSMANN, Sylvain WASERMAN, JeanMarc ZULESI, Michel ZUMKELLER,

députés.

____________________________________

(1) Mesdames et Messieurs : Olivier Becht, Pierre‑Yves Bournazel, Annie Chapelier, Paul Christophe, M’jid El Guerrab, Christophe Euzet, Agnès Firmin Le Bodo, Thomas Gassilloud, Antoine Herth, Dimitri Houbron, Philippe Huppé, Loïc Kervran, Aina Kuric, Luc Lamirault, Jean‑Charles Larsonneur, Vincent Ledoux, Patricia Lemoine, Alexandra Louis, Lise Magnier, Valérie Petit, Benoit Potterie, Maina Sage.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’Océan, plus des deux tiers de la surface du globe, a longtemps été considéré comme inaltérable et inépuisable. Nous pensions alors que cet espace était trop grand et ses ressources trop nombreuses pour souffrir des entreprises humaines. Nous nous trompions. L’état du monde et de son océan nous impose aujourd’hui d’agir.

Les défis auxquels nous sommes confrontés sont urgents et immenses : il nous faut combattre à la fois toutes les formes de pollutions marines, lutter contre le réchauffement et l’acidification de l’océan, la montée des eaux, ou encore la surexploitation de ses ressources.

Le rapport de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) publié le 6 mai 2019, quantifie ces changements. Plus de 40 % des espèces d’amphibiens, près de 33 % des récifs coralliens (dont 10 % dans l’espace français notamment en outremer) et plus d’un tiers de tous les mammifères sont ainsi menacés. De même, 33 % des stocks de poissons marins en 2015 étaient exploités à un niveau biologiquement non durable. En outre, 400 « zones mortes », c’estàdire à faible teneur en oxygène et donc sans vie, ont été dénombrées dans le monde.

Les enjeux de la protection de l’océan dépassent ceux de la perte de biodiversité. En effet, l’océan joue un rôle fondamental dans la régulation du climat. L’océan stocke, par exemple, la chaleur que nous émettons, absorbe une part significative de dioxyde de carbone mais qui acidifie l’eau et affecte gravement les organismes marins calcaires. Toute question se rapportant à l’océan doit donc prendre en compte ces liens très particuliers et réciproques. Des liens insuffisamment connus du grand public et que le rapport spécial du GIEC sur l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique, publié le 25 septembre 2019, met parfaitement en évidence.

À l’aune de ce constat, la nécessité d’agir pour la protection de l’océan est très largement partagée, bien audelà des clivages politiques. Dès juillet 2018, une majorité de parlementaires défend l’inscription de la préservation des mers et des océans dans la Constitution([1]). En mars 2019, nous avons ainsi été centdix parlementaires de tous bords à relayer l’appel « Océan bien commun » porté par une alliance de personnalités engagées. Cette même année, les députés ont été unanimes pour demander l’interdiction immédiate de la pêche électrique dans nos eaux territoriales. Enfin, lors du G7 parlementaire, le Président de l’Assemblée nationale s’est engagé avec ses homologues pour la protection de l’océan.

Forts de cette unité, tout autant que de notre histoire et de notre géographie, nous sommes convaincus du rôle éminent que la France se doit de jouer aux niveaux européen et international pour une gestion durable de la mer. Il est, en effet, certain que la France est une grande nation littorale et maritime. Elle est non seulement active dans cinq océans et dispose par ses territoires d’outremer, de la deuxième zone économique exclusive, elle compte également une communauté scientifique et un secteur économique d’excellence. Ces qualités nous confèrent une responsabilité particulière au sein de la communauté internationale. Celle d’être à l’avantgarde de la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité marine. Fin 2019, le Président de la République a annoncé la création d’un programme prioritaire de recherche, de 40 millions d’euros, lancé en juin 2021 et piloté par le CNRS et l’Ifremer pour mieux connaître les interactions océanclimat.

De même, la négociation actuelle « portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » dite « BBNJ » nous donne l’occasion de porter la voix de la France. Car à deux cents milles nautiques de la côte débute la haute mer, un espace hors de toute juridiction nationale où la liberté est la règle et la coopération l’exception, un espace amené à être soumis à de plus fortes tensions en raison des importants bénéfices attendus de l’exploitation de ses différentes ressources. La négociation « BBNJ » manque cependant de visibilité dans le débat public du fait de sa grande complexité. Elle porte, certes, sur des considérations principalement juridiques mais ses implications sont profondément politiques. Ainsi, cet accord contribuera grandement à la préservation et à la valorisation des services écosystémiques rendus par l’océan (régulation du climat, nourriture, matériaux, loisir, etc.) dans une perspective de développement durable. La crise de la Covid19 n’a pas été sans conséquence sur le bon déroulement de la négociation. Le calendrier en a été bouleversé. Il est d’autant plus indispensable d’en rappeler, aujourd’hui, l’importance et de plaider pour la conclusion rapide d’un accord réellement ambitieux comme s’y est engagé l’État, sur les quatre thèmes de la négociation :

 les outils de gestion par zone, dont les aires marines protégées, pour protéger la biodiversité et renforcer notre résilience face au changement climatique ;

 les études d’impact environnemental pour fournir un cadre au développement des activités économiques en haute mer ;

 les ressources génétiques et les questions liées au partage des avantages tirés de leur exploitation ;

 le renforcement des capacités et le transfert de techniques marines au profit des États en voie de développement.

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’Accord de Paris sur le climat adopté le 12 décembre 2015,

Vu la Convention des Nations unies sur le droit de la mer dite « Montego Bay » adoptée le 10 décembre 1982,

Vu la Résolution 72/249 de l’Assemblée Générale des Nations unies sur un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale adoptée le 24 décembre 2017,

Vu le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat sur l’océan et la cryopshère dans un contexte de changement climatique, publié le 25 septembre 2019,

Vu le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental intitulé « Changements climatiques 2021 : les éléments scientifiques, publié le 9 août 2021,

Considérant que la France, deuxième domaine maritime mondial fort de onze millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, dont 97 % en outre‑mer, se doit d’être à l’avant‑garde de la lutte pour la protection des écosystèmes marins et la promotion d’une exploitation durable de leurs ressources du fait de la responsabilité particulière qui lui incombe en tant que grande nation littorale et maritime ;

Considérant qu’il revient à la représentation nationale de relayer l’appel des citoyens qui, à travers leurs engagements associatifs, scientifiques et entrepreneuriaux, plaident pour une meilleure protection de l’océan et sa reconnaissance comme « responsabilité commune ou bien commun de l’humanité » ;

Considérant que les services écosystémiques rendus par l’océan sont indispensables à la survie et au bien‑être des sociétés humaines, en ce qu’il est le support d’activités économiques, sociales et culturelles de particulière importance pour leur développement ;

Considérant que la protection des écosystèmes marins est indissociable du combat contre le changement climatique en raison d’une part, des conséquences graves que constituent notamment l’acidification, le réchauffement et la désoxygénation de l’océan ainsi que la montée des eaux, et d’autre part, du rôle essentiel de l’océan dans la régulation du climat ;

Considérant, dès lors, qu’il est vital de lutter contre les menaces pesant sur les écosystèmes marins, qu’il s’agisse des pollutions plastique, chimique et sonore ou encore de la surexploitation de la ressource halieutique ;

Considérant que le droit de la mer, fondé sur la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 dite « Montego Bay », doit évoluer pour prendre en compte les enjeux nouveaux de la conservation et de l’utilisation de l’océan, du fait notamment de la progression des activités humaines en haute mer ;

Considérant l’annonce faite par le Président de la République, lors du congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature à Marseille, de l’organisation par la France d’un « One Ocean Summit » afin de fédérer les acteurs internationaux impliqués dans la protection de l’Océan ;

Déclare soutenir l’action diplomatique de la France pour obtenir un accord le plus ambitieux possible dans le cadre de la Conférence intergouvernementale sur un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale dite « BBNJ » ;

Estime, à cet égard, qu’un tel accord résultera d’un double équilibre, entre conservation et utilisation durable de l’océan d’une part, entre une approche régionale et une approche globale d’autre part ;

Souhaite, pour cela, que soit garantie la pleine participation à la négociation de tous les acteurs maritimes français, scientifiques, économiques et associatifs, avec une attention particulière portée aux représentants des départements et des collectivités d’outre‑mer ;

Souhaite, de même, que le Gouvernement promeuve cette position auprès de la Commission européenne et des autres États membres de l’Union européenne afin de porter, dans la négociation, une voix unique et forte en faveur d’un accord qui soit le plus ambitieux possible ;

Souhaite que le « One Ocean Summit » renforce le portage politique à haut niveau pour la conclusion d’un Traité « BBNJ » ambitieux ;

Estime qu’il convient de promouvoir un système équilibré de partage des avantages tirés de l’exploitation des ressources génétiques marines, en veillant notamment à ce que les États en voie de développement en tirent des avantages et que la liberté de la recherche en haute mer n’en soit pas entravée ;

Estime qu’il convient de promouvoir la création d’un régime d’aide au développement en matière maritime qui soit efficace et équilibré, au bénéfice, en particulier, des États insulaires et des pays les moins avancés et ceux en développement ;

Souhaite que le Gouvernement travaille à l’élaboration de nouveaux outils de protection de la haute mer, dont les aires marines protégées, et d’un plan d’innovation associé, afin de préserver les écosystèmes marins partout où cela est opportun et favoriser la résilience face au changement climatique ;

Souhaite la mise en place d’un dispositif cohérent d’évaluation environnementale des activités économiques en haute mer et que la France se prépare à suivre l’application de ce dispositif pour assurer l’effectivité des contrôles ;

Invite le Gouvernement à s’engager pleinement dans la « décennie des Nations unies pour les sciences océaniques au service du développement durable » pour contribuer au renforcement de la recherche scientifique, l’acquisition et l’échange de connaissances sur l’océan.

 


([1])  Dans le cadre de l’examen non aboutit du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace.