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N° 4728

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 novembre 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

visant à permettre au consommateur final d’identifier
l’origine géographique réelle des produits commercialisés
au sein du marché unique,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanLouis THIÉRIOT, Emmanuel MAQUET, Sandra BOËLLE, Philippe BENASSAYA, Mansour KAMARDINE, Pierre VATIN, Fabien DI FILIPPO, Véronique LOUWAGIE, Josiane CORNELOUP, JeanMarie SERMIER, Laurence TRASTOURISNART, Jacques CATTIN, Alain RAMADIER, Édith AUDIBERT, JeanClaude BOUCHET, Marc LE FUR, Michel VIALAY, Patrick HETZEL, Frédéric REISS, PierreHenri DUMONT, Thibault BAZIN, Bérengère POLETTI, JeanJacques GAULTIER, Bernard BOULEY, Nathalie BASSIRE, Valérie BEAUVAIS, Marianne DUBOIS, Robert THERRY, Ian BOUCARD, Bernard REYNÈS, Bernard PERRUT, Charles de la VERPILLIÈRE, Olivier MARLEIX, Valérie BAZINMALGRAS, Victor HABERTDASSAULT, Stéphane VIRY, Éric PAUGET, JeanLuc BOURGEAUX, Isabelle VALENTIN, Raphaël SCHELLENBERGER, Yves HEMEDINGER, Éric DIARD, Robin REDA, Michel HERBILLON, Nicolas FORISSIER,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les consommateurs français et européens sont de plus en plus regardants sur les produits qu’ils achètent et accordent une importance particulière à leur origine géographique, sur la base de critères aussi bien qualitatifs que sociaux, écologiques, éthiques ou économiques.

Que le consommateur prête au produit considéré une qualité supérieure en raison d’un savoir‑faire local reconnu, qu’il considère que les normes du pays dont est originaire le produit garantissent de meilleures conditions de travail aux salariés, un plus faible impact environnemental ou un plus grand respect de la condition animale, ou encore qu’il souhaite favoriser l’économie locale ou nationale et contribuer à la puissance économique du pays dont il ressort, la connaissance de l’origine géographique est un élément déterminant de son acte d’achat.

Conscients de cet argument marketing, les acteurs commerciaux ne se privent pas pour apposer sur leurs marchandises des mentions « made in » ou des signes distinctifs d’une origine géographique réputée afin de susciter l’acte d’achat. Or, la réalité de la genèse des produits ne correspond pas toujours à l’origine affichée. En effet, des entreprises peu scrupuleuses n’hésitent pas à user d’une publicité trompeuse sur l’origine pour écouler leurs marchandises alors que celles‑ci n’entretiennent avec le territoire considéré qu’un lien très ténu voire inexistant.

Or, quelles que soient les motivations du consommateur et aussi subjectives soient‑elles, ce dernier a droit à une information exacte et transparente sur l’origine géographique des produits qui lui permette de décider en toute connaissance de cause.

Il appartient au législateur de concrétiser ce droit théorique à l’information par l’instauration d’un cadre juridique contraignant à l’égard des acteurs commerciaux afin de protéger le consommateur d’une publicité susceptible de l’induire en erreur.

Il incombe en particulier à l’Union européenne et aux États membres d’établir des règles claires sur l’étiquetage de l’origine géographique des produits commercialisés au sein du marché unique et de sanctionner les acteurs commerciaux qui cherchent à bénéficier indûment d’un argument marketing sur l’origine.

À cet effet, il est nécessaire que la détermination de l’origine géographique s’opère sur la base de critères objectifs qui correspondent à la définition de l’origine géographique généralement admise par le grand public. À défaut, les acteurs publics se feraient complices de pratiques commerciales trompeuses qui pourraient prospérer en toute légalité.

Pourtant, les règles actuellement en vigueur sont loin de permettre au consommateur de s’y retrouver. De fait, les mentions « made in » et les symboles distinctifs d’une origine nationale se retrouvent aujourd’hui légalement sur de nombreux produits qui dans la réalité ne sont que peu fabriqués dans le pays considéré.

Actuellement, à l’exception de certains produits agricoles ou alimentaires, aucune disposition européenne ou nationale n’impose l’apposition d’un marquage d’origine sur les produits importés ou fabriqués dans l’Union européenne et lorsqu’un marquage d’origine est volontairement apposé sur un produit commercialisé au sein du marché unique, celui‑ci doit être conforme aux règles dites « d’origine non préférentielle ».

Ces règles, définies à l’article 60§2 du code des douanes de l’Union, ont été créées dans le but de permettre la détermination de l’origine douanière d’un produit en provenance d’un État avec lequel l’Union européenne n’a pas conclu d’accords préférentiels afin d’en déduire le taux de taxe de douanes applicable. Les termes en sont les suivants : « Les marchandises dans la production de laquelle interviennent plusieurs pays ou territoires sont considérées comme originaires de celui où elles ont subi leur dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou correspondant à un stade de fabrication important. »

Il suffit donc qu’une transformation suffisamment importante du produit ait été réalisée en dernier lieu dans un pays pour permettre au produit d’être étiqueté « made in » ou de porter un signe distinctif laissant supposer son origine.

Concrètement, cela signifie qu’il n’est pas exigé que le produit ait été principalement transformé dans le pays en question, ni que les matières premières qui le composent aient été majoritairement issues de son sol, ni que son coût de revient y ait été essentiellement généré.

À l’évidence, les « règles d’origine non préférentielle » ne sont pas en adéquation avec l’idée que se fait le consommateur moyen d’un produit étiqueté « made in ». En effet, aux yeux du grand public, l’apposition d’une mention « made in » ou d’un signe distinctif d’une origine géographique suppose un lien beaucoup plus fort avec le pays que celui prescrit a minima par les règles « d’origine non préférentielle ».

Pourtant, ces règles issues de la législation douanière sont également celles utilisées par les autorités publiques pour contrôler au titre des pratiques commerciales trompeuses les mentions d’origine sur l’étiquetage des produits commercialisés au sein du marché unique.

En France, à côté du contrôle effectué par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) sur le fondement de l’article 39 du code des douanes, un contrôle des pratiques commerciales trompeuses est opéré par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur le fondement de l’article L.121‑2 du code de la consommation qui interdit la pratique commerciale qui « repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant (…) sur l’origine ».

Or, si le contrôle douanier s’opère logiquement au regard des critères des « règles d’origine non préférentielle » issues de la législation douanière, la circulaire du 13 mai 2016 « marquage de l’origine et protection de l’origine française en application de l’article 39 du code des douanes », précise que ce sont également ces mêmes critères que les agents de la DGCCRF doivent mettre en œuvre au titre de leurs contrôles des pratiques commerciales trompeuses.

En conséquence, du fait de la divergence de définition de l’origine géographique entre l’idée que s’en fait le consommateur moyen et la conception fondée sur une logique douanière qu’en ont les autorités publiques, le consommateur français est aujourd’hui induit en erreur en toute légalité sur l’origine du produit qu’il achète, origine qui constitue pourtant un élément substantiel motivant son achat.

Au niveau européen, seuls certains produits agricoles ou alimentaires font aujourd’hui l’objet de législations plus protectrices de l’information sur l’origine. En premier lieu, les spécialités traditionnelles garanties et les indications géographiques et appellations d’origine, protégées par les directives éponymes. En second lieu, depuis le 1er avril 2020, en application du 3) de l’article 26 du règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 et de son règlement d’exécution du 28 mai 2018, les denrées alimentaires dont l’origine affichée diverge de son ingrédient primaire doivent indiquer l’origine de cet ingrédient ou a minima indiquer qu’elle n’est pas la même.

On peut également noter que plusieurs directives sectorielles relatives aux produits agricoles sont intervenues pour imposer une obligation de marquage de l’origine, la définition de cette dernière ne posant en réalité pas de difficulté dans la mesure où, en application de l’article 60§1 du code des douanes de l’Union, « les marchandises entièrement obtenues dans un même pays ou territoire sont considérées comme originaires de ce pays ou territoire ».

En dehors de ces cas, l’application des « règles d’origine non préférentielle » prévaut pour tous les produits alimentaires transformés et les produits non alimentaires et un risque d’incompatibilité avec le droit de l’Union pèse sur toute norme nationale visant à modifier ces règles.

En effet, la compétence exclusive de l’Union dans le domaine de l’union douanière, en application de l’article 3 a) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) exclut évidemment toute interprétation nationale divergente des règles « d’origine non préférentielle » dans le cadre du contrôle douanier.

En ce qui concerne la protection des consommateurs, conformément à l’article 4 f) du TFUE, la compétence est partagée entre l’Union et les États membres. Cette notion de compétence partagée permet aux États d’intervenir aussi longtemps que l’Union n’a pas exercé sa compétence et, à l’inverse, leur interdit d’intervenir dans les domaines qu’elle a expressément harmonisés.

En conséquence, le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, en entendant harmoniser la question de l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, a privé le législateur national de sa compétence en ce qui concerne l’étiquetage de l’origine des produits alimentaires, le considérant 33 de ce règlement précisant explicitement que la détermination du pays d’origine des denrées alimentaires se fonde sur les règles « d’origine non préférentielle ».

Pour ce qui concerne les produits non alimentaires, si aucune réglementation européenne n’a à ce jour expressément harmonisé les modalités de publicité sur l’origine géographique apposée sur l’étiquetage de l’ensemble des produits commercialisés au sein du marché unique, les règles nationales demeurent néanmoins soumises à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne en matière de mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives (MERQ) à l’importation fondée sur les articles 34 et 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Or, cette jurisprudence inspirée par une conception extensive de la qualification de MERQ et dont les contours demeurent encore imprécis augure d’une vraisemblable incompatibilité avec le droit de l’Union d’une norme nationale qui restreindrait les possibilités d’apposition d’un marquage « made in » ou d’autres signes distinctifs d’une origine géographique par l’application de critères plus exigeants que ceux actuellement pratiqués.

Précisément, en application de l’arrêt Keck et Mithouard de 1993, la Cour distingue entre les règles relatives aux « conditions de vente » auxquelles doivent répondre les marchandises (telles leur dénomination, leur forme, leurs dimensions, leur poids, leur composition, leur présentation, leur étiquetage ou leur conditionnement) qui sont qualifiées de MERQ et interdites même si indistinctement applicables, et celles qui limitent les « modalités de vente » (soit les arrangements et circonstances de vente) qui peuvent être admises « pourvu qu’elles s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et […] qu’elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d’autres États membres ».

Or, la Cour considère qu’une publicité incorporée au produit constitue une condition de vente (CJCE, 6 juill. 1995, Mars, aff. C‑470/93, Rec. I. 1923). On peut en déduire que la Cour pourrait qualifier, si un contentieux se présentait à elle, de condition de vente l’apposition d’une mention « made in » ou d’un signe distinctif d’une origine géographique et de MERQ la règle nationale, même édictée sur des critères objectifs et non discriminatoires, qui en restreindrait la possibilité.

Bien que la Cour ait eu l’occasion de considérer que la protection des consommateurs puisse constituer une exigence impérieuse justifiant l’admission d’une MERQ (CJCE, 14 juill. 1988, 3 Glocken et autres c/ USL Centro‑Sud et autres), cette dernière n’accepte pas nécessairement les exceptions qui limitent la libre circulation des marchandises et opère un strict contrôle de proportionnalité.

En l’espèce, une mesure nationale qui durcirait unilatéralement les critères de l’étiquetage « made in » aurait à la fois pour effet de contraindre les acteurs commerciaux à modifier le packaging de l’ensemble des produits étrangers importés sur le territoire national et de potentiellement diminuer leurs ventes par la perte de l’argument marketing du « made in ». Il n’est pas certain que la Cour admette une mesure nationale ayant un impact aussi important sur l’accès au marché national des produits étrangers alors qu’elle considère par ailleurs qu’en vertu du principe de reconnaissance mutuelle, les produits étrangers sont présumés apporter les mêmes garanties de qualité au consommateur. En tout état de cause, la prise d’une telle mesure nationale demeure juridiquement incertaine.

En outre, dans la mesure où l’absence de lisibilité du marquage de l’origine géographique ne concerne pas uniquement les consommateurs français mais l’ensemble des consommateurs européens et eu égard aux difficultés qu’engendrerait l’émergence d’une diversité des législations nationales sur ce point, l’échelon européen constitue le niveau le plus pertinent pour poser les bases d’une nouvelle législation plus protectrice des consommateurs.

C’est pourquoi il est nécessaire que l’Union européenne se saisisse de la problématique de l’étiquetage « made in » afin de répondre aux véritables attentes des consommateurs européens. Si l’article 4 f) du TFUE lui donne compétence pour le faire, notamment par la voie de la procédure d’harmonisation des législations de l’article 114, les dispositions du traité lui en donnent également le devoir.

L’article 169 en particulier dispose qu’ « afin de promouvoir les intérêts des consommateurs et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, l’Union contribue à la protection (…) des intérêts économiques des consommateurs ainsi qu’à la promotion de leur droit à l’information, (…) et à s’organiser afin de préserver leurs intérêts » et il ressort de l’article 12 que l’Union doit prendre en considération « les exigences de la protection des consommateurs (…) dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques et actions de l’Union », notamment dans la mise en œuvre du principe de libre circulation des marchandises.

À cet égard, il est primordial que l’Union opère une distinction entre la législation douanière sur l’origine qui est utile pour déterminer les droits de douane applicables aux produits importés au sein du marché unique et la législation applicable à la publicité des produits qui relève du droit de la consommation et qui doit être motivée par la protection des intérêts des consommateurs et son corollaire indispensable qu’est le droit à l’information sur le produit, notamment son origine géographique.

La nécessité d’une telle distinction est d’autant plus prégnante que rien ne justifie l’actuelle application des règles « d’origine non préférentielle » à l’étiquetage des produits étiquetés « made in ». Le considérant 33 du règlement 1169/2011 est à cet égard édifiant : il est en effet textuellement écrit que « la détermination du pays d’origine des denrées alimentaires se fondera sur ces règles (d’origine non préférentielle) bien connues des exploitants du secteur alimentaire et des administrations, ce qui devrait faciliter leur application ». En d’autres termes, il a été préféré à l’information du consommateur final la facilité de mise en œuvre de ces règles pour les acteurs économiques, facilité qui est uniquement due à leur préexistence et par voie de conséquence à leur connaissance préalable par les acteurs commerciaux.

Ces règles sont en réalité éminemment complexes et sont totalement incompréhensibles du consommateur final, si tant est qu’elles soient connues de lui. Les règles nouvelles que l’Union européenne édictera devront au contraire être simples, claires et surtout correspondre à l’idée que le consommateur final se fait d’un produit « made in ».

Refuser une telle modification reviendrait à se rendre complice des acteurs commerciaux qui bénéficient indûment de l’argument publicitaire sur l’origine géographique et in fine à maintenir un système qui permet de tromper le consommateur en toute légalité.

En ce sens, le sujet de l’étiquetage « made in » constitue pour l’Union européenne une occasion unique de démontrer qu’elle n’est pas une simple administration technique promouvant un principe de libre circulation des marchandises de façon complètement abstraite et déconnectée des besoins des populations, mais une véritable institution politique au service des citoyens des États membres qui la composent.

 


proposition de résolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu d’une part le f du 2 de l’article 4, les articles 12, 114 et 169 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu d’autre part les articles 34 et 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu les articles 59 à 63 du code des douanes de l’Union – CDU (règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013), et en particulier l’article 60§2,

Vu le programme préliminaire de la Communauté économique européenne pour une politique de protection et d’information des consommateurs (JOCE, no C 92, 25 avr. 1975),

Vu le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) n° 1924/2006 et (CE) n° 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) n° 608/2004 de la Commission,

Vu le règlement d’exécution (UE) 2018/775 de la commission du 28 mai 2018 portant modalités d’application de l’article 26, paragraphe 3, du règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, pour ce qui est des règles d’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance de l’ingrédient primaire d’une denrée alimentaire,

Vu l’arrêt CJCE, 11 juill. 1974, Procureur du Roi c/ Dassonville, aff. 8/74, Rec. 837,

Vu l’arrêt CJCE, 24 nov. 1993, Keck et Mithouard, aff. jointes C‑267/91 et C‑268/91, Rec. I. 6097,

Vu l’arrêt CJCE, 6 juill. 1995, Mars, aff. C‑470/93, Rec. I. 1923,

Vu l’arrêt CJCE, 14 juill. 1988, 3 Glocken et autres c/ USL Centro‑Sud et autres,

Vu l’arrêt CJCE, 8 mars 2001, Gourmet International Products, aff. C‑405/98, Rec. I. 1795,

Vu l’article 39 du code des douanes,

Vu l’article L. 121‑2 du code de la consommation,

Vu la circulaire du 13 mai 2016 « marquage de l’origine et protection de l’origine française en application de l’article 39 du code des douanes » (NOR : FCPD1612836C),

Considérant que pour des raisons aussi bien qualitatives que sociales, environnementales, éthiques ou économiques, l’origine géographique des produits constitue un élément déterminant dans la décision d’achat du consommateur français et européen ;

Considérant qu’afin de ne pas être induit en erreur par une publicité trompeuse sur l’origine géographique, le consommateur a droit à une information exacte et transparente qu’il appartient au législateur de concrétiser ;

Considérant que la détermination de l’origine géographique doit reposer sur des critères compréhensibles du consommateur final et correspondre à la conception généralement admise par le grand public ;

Considérant qu’actuellement, les dispositions nationales font reposer le contrôle de la publicité sur l’origine géographique sur des critères issus de la législation douanière européenne ;

Considérant que d’après l’article 60 du code des douanes de l’Union, les marchandises dans la production de laquelle sont intervenus plusieurs pays sont considérées originaires du dernier pays dans lequel une transformation suffisamment importante du produit a été réalisée ;

Considérant qu’il ressort de ces règles dites « d’origine non préférentielle », que pour la détermination de l’origine douanière d’un produit, il n’est pas exigé que ce dernier ait été principalement transformé dans le pays en question, ni que les matières premières qui le composent aient été majoritairement issues de son sol, ni que son coût de revient y ait été essentiellement généré ;

Considérant que les critères de détermination de l’origine géographique issus des règles « d’origine non préférentielle » ne sont pas en adéquation avec l’idée que se fait le consommateur final d’un produit étiqueté « made in » qui suppose à ses yeux un lien beaucoup plus fort avec le pays considéré ;

Considérant qu’en vertu de la compétence exclusive de l’Union européenne en matière douanière, il n’est pas loisible au législateur national de modifier le contenu des règles « d’origine non préférentielle » ;

Considérant qu’en ce qui concerne la protection des consommateurs, l’Union européenne dispose d’une compétence partagée avec les États membres, ce qui leur interdit d’intervenir dans les domaines qu’elle a expressément harmonisés,

Considérant que le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, en entendant harmoniser la question de l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, a privé le législateur national de sa compétence en ce qui concerne l’étiquetage de l’origine des produits alimentaires, le considérant 33 de ce règlement précisant explicitement que la détermination du pays d’origine des denrées alimentaires se fonde sur les règles « d’origine non préférentielle » ;

Considérant qu’en ce qui concerne les produits non alimentaires qui n’ont à ce jour pas fait l’objet d’une harmonisation européenne, un risque d’incompatibilité avec le droit de l’Union pèse sur les interventions du législateur national du fait d’une jurisprudence stricte de la Cour de justice de l’Union européenne sur les mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation fondée sur les articles 34 et 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Considérant qu’en vertu de cette jurisprudence, en particulier des arrêts Keck et Mithouard et Mars, la Cour pourrait qualifier de « condition de vente » l’usage d’une mention « made in » ou d’un signe distinctif d’une origine géographique, et de « mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation » la mesure nationale, même édictée sur des critères objectifs et non discriminatoires, qui en restreindrait la possibilité ;

Considérant qu’eu égard aux difficultés pour les acteurs économiques qu’engendrerait l’émergence d’une diversité de réglementations nationales sur la détermination de l’origine géographique des produits commercialisés au sein du marché unique et à l’impact certain sur les importations que ferait naître la perte de l’argument commercial du « made in » pour de nombreux opérateurs, il n’est pas certain qu’à l’issue de son contrôle de proportionnalité de la mesure, la Cour admette que la protection des consommateurs constitue une exigence impérieuse de nature à justifier son maintien,

Considérant en tout état de cause, que la modification unilatérale par un État membre des critères de détermination de l’origine géographique des produits demeure juridiquement très incertaine vis‑à‑vis du droit de l’Union ;

Considérant que l’absence de lisibilité du marquage de l’origine géographique ne concerne pas uniquement les consommateurs français mais l’ensemble des consommateurs européens de sorte que l’échelon européen constitue le niveau le plus pertinent pour poser les bases d’une nouvelle législation plus protectrice des consommateurs ;

Considérant qu’en application du f du 2 de l’article 4 et de l’article 12 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’Union européenne dispose d’une compétence partagée avec les États membres en matière de protection des consommateurs dont les exigences doivent être prises en considération dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques et actions de l’Union, que l’Union dispose ainsi d’un fondement légal pour édicter des mesures de protection du consommateur susceptibles de limiter la libre circulation des marchandises ;

Considérant que conformément aux dispositions de l’article 169 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, afin de promouvoir d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, l’Union contribue à la protection de leurs intérêts économiques ainsi qu’à la promotion de leur droit à l’information et à s’organiser afin de préserver leurs intérêts ;

Considérant que les critères issus des règles « d’origine non préférentielle » ne permettent pas d’informer suffisamment les consommateurs sur l’origine géographique des produits commercialisés au sein du marché unique de façon à ce qu’ils puissent s’organiser pour préserver leurs intérêts, que par conséquent la législation européenne actuelle ne permet pas d’assurer efficacement la protection des consommateurs ;

Considérant qu’il ressort explicitement du considérant 33 du règlement 1169/2011 que la seule justification à l’application des critères issus des règles « d’origine non préférentielle » tient à leur facilité de mise en œuvre pour les acteurs économiques en raison de leur connaissance préalable de ces règles par le biais de la législation douanière, qu’en conséquence rien n’interdit l’établissement de règles distinctes en ce qui concerne le contrôle de la publicité sur l’origine géographique ;

Demande à l’Union européenne de faire usage de sa compétence en matière de protection des consommateurs pour légiférer dans le sens d’une plus grande transparence de l’information sur l’origine géographique des produits alimentaires et non alimentaires commercialisés au sein du marché unique ;

Demande que le contrôle de l’usage de mentions ou de signes distinctifs d’une origine géographique cesse d’être fondé sur les règles « d’origine non préférentielle » issues de la législation douanière ;

Demande que la possibilité de recourir à une publicité sur l’origine géographique repose à l’avenir sur des critères qui permettent au consommateur final d’identifier l’origine géographique réelle des produits selon la conception généralement admise par le grand public ;

Demande que pour la détermination de l’origine soient notamment pris en compte le lieu où le produit a principalement été transformé, le lieu de provenance majoritaire des matières premières qui le composent ainsi que le lieu où son coût de revient a essentiellement été généré ;

Demande que les publicités sur l’origine géographique qui ne respecteraient pas ces critères soient qualifiées de pratiques commerciales trompeuses et que leurs auteurs soient sanctionnés en conséquence.