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N° 4766

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 décembre 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à reconnaître lendométriose comme une affection longue durée,

présentée par Mesdames et Messieurs

Clémentine AUTAIN, Mathilde PANOT, JeanLuc MÉLENCHON, Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Caroline FIAT, Adrien QUATENNENS, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Danièle OBONO, Loïc PRUD’HOMME, JeanHugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE, Brigitte KUSTER,  MarieNoëlle BATTISTEL, Paula FORTEZA, Paul MOLAC, Guy BRICOUT, Elsa FAUCILLON, JeanPaul DUFRÈGNE, Christine PIRES BEAUNE, Claudia ROUAUX, Moetai BROTHERSON, Albane GAILLOT, Guillaume CHICHE, Cécile UNTERMAIER, Stéphane PEU, Matthieu ORPHELIN, Émilie CARIOU, Stéphanie KERBARH, JeanPaul LECOQ, Jean LASSALLE, Sébastien NADOT, Bruno MILLIENNE, Olivier SERVA, Delphine BATHO, JeanMichel CLÉMENT, FrançoisMichel LAMBERT, AnneFrance BRUNET, JeanChristophe LAGARDE, Michel ZUMKELLER, Danièle CAZARIAN, Valérie PETIT, Stéphane VIRY, Sonia KRIMI, JeanLuc REITZER, Cédric VILLANI, Lise MAGNIER, JeanLuc LAGLEIZE,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’endométriose est une maladie touchant au moins 10 % des femmes à partir de la puberté, soit de 1,5 à 2,5 millions de femmes en France. Bien que cette maladie soit identifiée depuis le XIXe siècle, des enquêtes menées de 2018 à 2020 par l’association EndoFrance et ses partenaires, révèlent qu’on compte en moyenne sept ans entre le premier symptôme et le diagnostic… soit sept années d’errance médicale ! Le nombre de femmes atteintes de cette maladie pourrait même atteindre 4,2 millions de femmes en France selon l’association ENDOmind.

L’endométriose est une maladie gynécologique chronique liée à̀ la présence anormale de tissus semblables à la muqueuse utérine, aussi appelée endomètre, en dehors de l’utérus. Cela peut entraîner de très fortes douleurs physiques chez ces femmes, avec des conséquences sur leur vie sexuelle et leur fertilité. C’est une maladie incurable, il n’existe pas de traitement efficace pour les soulager de manière définitive. C’est aussi une maladie évolutive : elle peut aboutir à des formes sévères responsables d’une invalidité au quotidien dans un tiers à la moitié des cas.

La maladie constitue un handicap invisible ayant des conséquences sociales, économiques et professionnelles pour les femmes qui en sont atteintes. Les arrêts maladie peuvent en effet être fréquents et affectent leur scolarité et leur carrière. 80 % des femmes atteintes d’endométriose ressentent ainsi des limitations dans leurs tâches quotidiennes selon l’association ENDOmind. Elles subissent aussi une incompréhension, parfois un mépris, à la fois de leurs proches et du milieu médical face à des symptômes qui sont mal connus. Alice Romerio, chercheuse au Centre de Recherches et d’Études sur l’Expérience, l’Age et les Populations au Travail (GIS CREAPT‑Ceet/CNAM) a publié les résultats de l’enquête « Endotravail » dans le numéro 165 de Connaissance de l’emploi publié en novembre 2020. Elle révèle qu’un tiers des personnes interrogées quitte précipitamment au moins une fois par mois son travail pour rentrer à son domicile ou consulter un médecin à cause de symptômes liés à leur endométriose. De plus, elles sont 36 % à déclarer se rendre au travail au moins deux fois par mois malgré des symptômes qu’elles estiment incapacitants. Cela entraîne une stigmatisation dans leur milieu professionnel : 49 % des répondantes affirment que l’endométriose les a gênées dans leur carrière professionnelle parce qu’elles considèrent qu’elles ont été licenciées, que leur contrat n’a pas été renouvelé ou qu’elles n’ont pas eu les avancements de carrière qu’elles escomptaient, qu’elles n’ont pas pu postuler à des offres ou honorer des contrats ou encore qu’elles ont perdu des clients à cause des effets de leur endométriose (productivité moindre, impossibilité de réaliser certaines tâches, absences). Finalement, plus d’un quart des personnes interrogées déclare avoir changé de métier ou de statut afin d’adapter sa vie professionnelle à l’endométriose. Face à cela, il est urgent de mettre en œuvre une reconnaissance institutionnelle de l’endométriose.

Les associations ont alerté les gouvernements successifs depuis de nombreuses années. En mai 2020, l’association ENDOmind a mené une campagne, soutenue par plus de 300 parlementaires, demandant la reconnaissance institutionnelle de l’endométriose et son intégration dans la liste des affections longue durée (ALD 30). Une ALD exonérante est une maladie qui nécessite des soins prolongés et des traitements particulièrement coûteux. L’inscription sur cette liste donne droit aux patients à exonération du ticket modérateur pour tous les actes en rapport avec elle, c’est‑à‑dire une prise en charge à 100 % des dépenses liées à ces soins et traitements. De plus, ils bénéficient d’une réduction du délai de carence, qui n’est plus retenu que pour le premier arrêt de travail pendant 3 ans. Dans un courrier de novembre 2020 au député Jean‑Paul Lecoq, Olivier Véran déclare que l’endométriose ne figure pas sur cette liste car « la présentation, la gravité et l’évolution […] sont très variables ». Pourtant, la liste actuelle des ALD 30 présente déjà des critères médicaux qui permettent de déterminer la gravité d’une maladie et les conditions d’admission en ALD. Il est donc tout à fait possible d’en faire de même pour l’endométriose.

Lors de son audition devant la commission sénatoriale des affaires sociales le 31 mars 2021, le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), Thomas Fatôme, indique qu’en 2018, plus de 4 500 femmes bénéficiaient de l’exonération du ticket modérateur pour leurs frais liés à l’endométriose en affection dite « hors liste » que l’on désigne également comme ALD 31. 4 500 femmes sur plus de 1,5 million atteintes d’endométriose ! Il précise que « le filet de sécurité fonctionne déjà, sans qu’il y ait reconnaissance de l’endométriose dans la liste « ALD 30 » » tout en admettant qu’il convient de mettre fin à « une forme d’errance médicale pour les patientes dont la prise en charge est chaotique et difficile ». Au‑delà du faible nombre de femmes prises en charge, l’association ENDOmind dénonce en outre une discrimination géographique subie par les femmes : « certains départements / régions, sont plus enclins à accepter une ALD 31, dont les critères ne sont pas harmonisés et restent subjectifs, poussant parfois des malades à changer de département, pour avoir une chance ». Inscrire l’endométriose sur la liste des ALD 30 assure donc l’égalité de toutes les femmes vis‑à‑vis des conditions d’accès au remboursement de leurs soins, où qu’elles se trouvent en France. D’autre part, l’enquête « Endotravail » citée plus haut démontre un nonrecours important : 32 % des femmes interrogées renoncent à faire une demande car elles pensent ne pas l’obtenir. 82 % d’entre elles sont réticentes à demander des arrêts maladie à leur médecin pendant les crises, notamment en raison de la perte de salaire induite par les jours de carence en l’absence de prise en charge ALD.

Au plan d’action pour renforcer la prise en charge de l’endométriose mis en place le 8 mars 2019 par Agnès Buzyn a succédé une mission d’élaboration de la stratégie nationale contre l’endométriose en mars 2021 mais il n’est plus temps de tergiverser. La première étape doit être l’inscription de l’endométriose sur la liste des affections longue durée exonérante (ALD 30) afin de garantir une justice sociale pour toutes les patientes, à partir de critères médicaux.

Il est cependant nécessaire d’aller au‑delà de ces premières mesures comme le demandent les associations, dont EndoFrance, et le Collège national des gynécologues et obstétriciens de France, le Collège national des sages‑femmes et une soixantaine de médecins dans une tribune publiée dans le Parisien Aujourd’hui en France le 23 août 2020. Ils décrivent les grandes lignes d’un plan de santé national de lutte contre l’endométriose : formation initiale et continue de l’ensemble des médecins, labellisation de centres d’expertises dédiés à la prise en charge de l’endométriose dans chaque région et financement de la recherche dédiée à l’endométriose.

Cette proposition de résolution constitue la première phase d’une reconnaissance institutionnelle de l’endométriose en demandant au Gouvernement d’inscrire par voie règlementaire l’endométriose dans la liste des affections de longue durée (ALD 30).


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que l’endométriose est une maladie chronique, évolutive et incurable, qu’elle peut être invalidante et occasionner un traitement prolongé et particulièrement coûteux ;

Considérant qu’il existe une inégalité dans la prise en charge des soins en rapport avec la maladie en fonction du lieu de résidence et un important non‑recours ;

Invite le Gouvernement à entamer une réflexion sur la liste figurant à l’article D. 160‑4 du code de la sécurité sociale, relative aux affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse susceptibles d’ouvrir droit à la suppression de la participation des assurés sociaux aux tarifs servant de base au calcul des prestations en nature de l’assurance maladie, en application du 3° de l’article L. 160‑14 de ce même code afin d’y ajouter l’endométriose.