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N° 4798

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 décembre 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à développer la télémédecine au service
du système de santé,

présentée par

M. Stéphane VIRY,

député.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La télémédecine est définie par l’article L. 6316‑1 du code de la santé publique comme « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication. Elle met en rapport un professionnel médical avec un ou plusieurs professionnels de santé, entre eux ou avec le patient et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient. ».

La France, comme l’ensemble des pays du monde, vient de traverser une crise sanitaire historique qui a poussé les pouvoirs publics à mettre en place de nouveaux moyens pour prendre soin de la population. Ils se sont dès lors appuyés sur des dispositifs préexistants tels que la téléconsultation et la téléexpertise, deux composantes de la télémédecine.

Les statistiques démontrent d’ailleurs que le recours aux méthodes de téléconsultations s’est développé ces derniers mois. Pour 75 000 personnes qui ont eu recours aux téléconsultations financées par la sécurité sociale en 2019, il y en a eu 19 millions en 2020. Ce sont donc plus d’un tiers des Français et deux tiers de médecins généralistes qui ont eu recours à ce dispositif l’an passé.

Et d’ailleurs, le recours à la téléconsultation a démontré que cette méthode peut permettre et permet le suivi régulier des patients, sans les contraindre à se rendre en cabinet médical ou à l’hôpital. La télémédecine offre donc plusieurs opportunités sur du long terme pour que notre système de santé puisse prendre soin régulièrement et convenablement de ses patients.

Les possibilités d’action sont grandes : prise en charge et suivi des patients chroniques, attentions particulières aux patients en perte d’autonomie – personnes âgées, patients en situation de handicap –, prise en charge rapide des patients en EHPAD, régulation des urgences hospitalières.

La caméra et les nouvelles technologies ne peuvent bien sûr pas remplacer le recours aux consultations médicales. Mais la télémédecine peut en revanche s’inscrire dans le parcours de soins des patients et peut pallier les difficultés de prises en charge dans les délais des personnes malades. Elle permet alors d’apporter une plus‑value non‑négligeable au système de soin français.

Pour apporter plus de sécurité, l’intervention d’opérateurs en télémédecine doit s’intégrer au sein des projets de santé des territoires, en lien avec l’ensemble des acteurs locaux concernés, c’est‑à‑dire les médecins et la direction des hôpitaux, les professionnels de santé de ville, le secteur médico‑social, les organismes de complémentaire santé et les acteurs publics.

Cependant, alors que la télémédecine commence à trouver sa place et que les besoins en santé grandissent année après année, il semble encore exister des freins à son développement. Pourtant cette télémédecine a bien pour but de soutenir les professionnels de santé dans la prise en charge des patients. Mais le cadre réglementaire actuel ne correspond plus aux besoins et le cadre administratif est inadapté aux enjeux de santé numérique.

Le remboursement des téléconsultations pour les patients est la première difficulté qu’il faut évoquer. Car le remboursement d’une téléconsultation par l’Assurance maladie, aujourd’hui, est soumis au double principe de la connaissance préalable du patient et à celui de la territorialité.

En effet, dans le cas où un patient ne peut pas effectuer une téléconsultation avec son médecin traitant ou avec un médecin qu’il a physiquement consulté durant les douze derniers mois, sa téléconsultation ne pourra pas être remboursée par l’Assurance maladie. Sauf si cette consultation numérique est effectuée par un médecin inscrit au sein d’un centre de santé, territorialement compétent.

Ainsi, le système de remboursement est complexe et l’urgence n’est pas permise dans ce cas de figure. Un patient qui téléconsulte en urgence, n’est pas aujourd’hui certain d’obtenir un remboursement par l’organisme d’Assurance maladie, selon que le professionnel de santé qu’il consulte appartienne ou non à une organisation territoriale.

La contrainte de territorialité, comme expliquée précédemment, est fortement désincitative pour les patients. Cela est compréhensible et cette contrainte limite le recours aux téléconsultations remboursées par l’Assurance maladie, alors même qu’elles s’inscrivent dans des projets de santé cohérents.

Si le remboursement des consultations par l’Assurance maladie est soumis au respect du parcours de soins, tel n’est pas le cas pour la téléconsultation. Il s’agirait alors d’appliquer aux téléconsultations le même régime de remboursement que pour les consultations en cabinet.

Et puis, pour pallier certains manques liés à l’insuffisance de médecins, le recours aux médecins retraités ou aux médecins remplaçant pour dispenser les téléconsultations serait une solution opportune.

Mais les conditions actuelles de prise en charge de ces consultations par l’Assurance maladie sont quelque peu décourageantes et privent le système de santé français de leviers pour libérer du temps aux médecins, déjà surchargés.

Le fait que certains opérateurs de télémédecine, permettant d’accéder à un réseau de professionnels de santé partenaires, ne soient pas reconnus comme de véritables organismes « offreurs de soins », ne permet pas de reconnaître la téléconsultation comme une offre de soin présente sur un territoire. À titre d’exemple, des médecins de permanence ne peuvent pas alors pratiquer de téléconsultations, puisqu’ils ne sont pas forcément implantés sur un territoire. C’est regrettable.

La société change et il devient fort nécessaire de déployer et de favoriser le déploiement des solutions de télémédecine dans les territoires, dès lors que ces solutions sont adaptées aux projets de santé présents dans les territoires.

Mais comme précisé en infra, le cadre réglementaire et administratif actuel forme un obstacle aux opérateurs télémédecine. Ils ne parviennent pas, en l’état, à trouver un modèle économique permettant d’apporter des solutions innovantes et adaptées aux acteurs locaux. Il faut donc trouver un moyen d’expérimenter localement, dans les territoires, ces projets de télémédecine.

L’article 51 de la loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, définit le cadre juridique actuel d’expérimentation de nouvelles organisations en santé. Il ne fait cependant aucune mention des expérimentations en matière de télémédecine, qui sont donc impossibles en l’état actuel du droit.

Il est donc primordial de mettre en place un nouveau cadre expérimental, qui ne supprimerait pas celui insérer par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, mais qui le compléterait et permettant des expérimentations adaptées, au sein des territoires.

Le montage pourrait être le suivant : les pouvoirs publics simplifient drastiquement les démarches administratives et réglementaires, en parallèle de l’activation de crédits de financement de projets. Et les opérateurs eux s’engagent à développer et permettre le déploiement de solutions fiables et innovantes dans le respect bien sûr de l’éthique, de la sécurité, et de la protection des données.

En tout état de cause, l’augmentation du recours à la télémédecine nécessite une formation accrue et adaptée des professionnels de santé, à cet usage. Si l’équipement et la prise en main des outils nécessitent quelques heures d’apprentissage, tel n’est pas le cas de l’appropriation des pratiques médicales numériques qui constituent un enjeu encore plus important. Le développement de la pratique de la télémédecine doit s’accompagner d’un encadrement plus important et d’une régulation des pratiques au sein de cette activité.

Se pose en effet la question de la sécurité et de la protection des données de santé. Il est nécessaire que les acteurs de la télémédecine soient soumis de manière effective aux obligations en termes de sécurité et d’accès à ces données. Les opérateurs devraient, par exemple, permettre à leurs patients d’exercer leurs droits sur leurs données, ou encore permettre aux professionnels de santé d’exercer leur responsabilité dans le traitement de ces données. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut donc l’encadrer.

Alors que la France doit devenir pionnière dans le développement de la télémédecine, il devient nécessaire que les pouvoirs publics réfléchissent à la création et à la structuration d’une filière e‑santé. Des innovations sont apparues mais sont encore trop disparates pour parler de filière structurée. L’e‑santé passera par une concertation des filières de santé et technologique.

Enfin, il convient de soutenir l’ensemble de la filière de la télémédecine en ouvrant systématiquement la commande publique aux différentes entreprises qui la composent, principalement aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), dans le respect de la libre concurrence.

La télémédecine doit donc être développée, encadrée, soutenue et enrichie.

Tel est l’objet de cette proposition de résolution.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que la crise sanitaire de la covid‑19 a démontré l’importance du recours à la télémédecine en l’absence d’accès direct aux professionnels médicaux ;

Considérant que la télémédecine est un dispositif en pleine évolution ;

Considérant que la rédaction actuelle des mesures réglementaires et que la structuration de l’administration ne permet pas son développement pérenne ;

Considérant qu’il est nécessaire de lever les freins au développement de la télémédecine en France ;

Plaide pour que soit assoupli le principe de territorialité, dans le but de faciliter pour les patients le recours aux téléconsultations remboursées par l’assurance maladie, en cas d’urgence notamment ;

Plaide pour que soient simplifiées les conditions permettant de dispenser les téléconsultations remboursées par l’assurance maladie pour les médecins retraités et les médecins remplaçants afin de libérer du temps médical ;

Plaide pour la reconnaissance d’un statut « d’offreur de soins numériques » qui permettrait d’intégrer pleinement à l’offre de soins des territoires, les opérateurs de télémédecine permettant d’accéder à un réseau de professionnels de santé partenaires ;

Plaide pour un cadre expérimental adapté à la télémédecine, sur la base d’un engagement respectif entre les pouvoirs publics et les opérateurs de télémédecine ;

Plaide pour que la formation initiale et continue des professionnels de santé aux usages du numérique en santé soit adaptée ;

Plaide pour que soit appliqué le même régime de remboursement par l’assurance maladie aux consultations physiques et aux téléconsultations, dans le respect bien sûr, du parcours de soin ;

Plaide pour que soit garanti aux patients l’exercice de leurs droits sur leurs données de santé, et aux professionnels de santé, l’exercice de leur responsabilité de traitement des données ;

Plaide pour que l’e‑santé soit développée ;

Invite le Gouvernement à lever tous les freins au développement de la télémédecine en France ;

Invite le Gouvernement à lancer une grande campagne de sensibilisation au recours à la télémédecine ;

Invite le Gouvernement à mettre en place une délégation numérique en e‑santé, permettant d’aider à la structuration de la filière de la télémédecine ;

Invite le Gouvernement à mettre en place des crédits supplémentaires, favorisant le recours à la télémédecine, au service du système de santé.