Description : LOGO

N° 4803

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

 

pour une concertation visant à évaluer les besoins en santé
en perspective d’une réforme du financement de l’assurance maladie
et de l’augmentation de l’offre médicale,

 

présentée par

m. Stéphane VIRY,

député.

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie avance quatre scénarios dans son rapport provisoire sur l’avenir de l’assurance maladie, dont un scénario de rupture par lequel le dispositif de remboursement des soins liés aux affections de longue durée (ALD) serait étendu à l’ensemble des soins.

Cette réforme vise à supprimer le ticket modérateur pour les soins déjà remboursés. Cette extension du champ d’intervention de la Sécurité sociale, dite « Grande Sécu », serait réalisée au détriment des complémentaires santé, c’est‑à‑dire des mutuelles, des institutions de prévoyance et des assureurs.

Au regard des finances publiques, cette réforme consiste à transférer le financement des soins jusqu’ici couverts par les organismes complémentaires vers la Sécurité sociale pour un montant de 19 milliards d’euros. S’y ajoutent 3,5 milliards d’euros de contraction des recettes fiscales et sociales liée à la diminution de l’activité des complémentaires.

En tout, le surcoût pour les finances publiques s’élèverait à 22,4 milliards d’euros. Cette somme est jusqu’ici supportée par les ménages, au travers des primes qu’elles versent aux complémentaires. La baisse des primes serait compensée par une hausse de la fiscalité, notamment par la contribution sociale généralisée (CSG).

Les motifs avancés en faveur de la réforme de la « Grande sécu » sont : le gain financier généré par la fin du double traitement administratif des remboursements, en particulier concernant les frais de gestion des complémentaires s’élevant à 7,6 milliards d’euros en 2019, mais aussi le gain de temps pour les personnels hospitaliers qui n’auraient plus à consacrer du temps à l’édition des factures, ainsi, enfin, que la simplification pour les usagers qui n’auraient plus qu’un intermédiaire de financement de leurs soins.

Premièrement, cette approche présente un chiffrage tronqué. Le rapport n’évalue pas la baisse des primes des complémentaires. Ces dernières supportent des charges incompressibles et la diminution des primes ne se fera pas forcément au prorata exact de la contraction du périmètre de soins couverts.

Par ailleurs, le transfert vers l’assurance maladie d’un périmètre qu’elle n’a pas l’habitude de gérer va s’accompagner de frais d’adaptation. La surcharge de 22 milliards d’euros pour les finances publiques pourrait donc avoir un réel coût pour les contribuables. En outre, les 7,6 milliards de frais de gestion s’expliquent, en partie, par la fourniture de services, tels que l’accompagnement du patient dans son parcours de soins, qui n’ont pas d’équivalents assurés par la Sécurité sociale.

Enfin, l’évaluation des économies de gestion ignore la menace qui pèse sur l’emploi du fait de la réduction des activités des complémentaires (soit 100 000 emplois), et donc les conséquences sur les finances publiques d’un effet ciseau dû à la hausse des dépenses d’intervention et à la perte de recettes fiscales liée à une hausse des demandeurs d’emploi.

Deuxièmement, cette approche omet la valeur ajoutée d’une gouvernance démocratique du financement des soins. Le système complémentaire alliant secteur public et complémentaires est le pilier de la création de la Sécurité sociale en 1945.

Cette structure hybride permet le dialogue des corps intermédiaires, et en particulier des syndicats professionnels, pour définir la politique de remboursement. Bien que ce dispositif soit dénaturé par une inflation normative, encadrant strictement l’intervention des complémentaires, la définition concertée des besoins de soins et de leur valeur est essentielle pour un pacte social équilibré.

Une gouvernance unique sous l’égide de la Sécurité sociale ferait perdre le lien entre les citoyens et la politique de santé, alors même que les salariés demeurent attachés à leurs contrats collectifs.

Troisièmement, cette approche de « Grande sécu » soulève un risque de santé à deux vitesses. La Sécurité sociale prendrait à sa charge le ticket modérateur, mais pas les dépassements d’honoraires ou les soins entièrement réservés aux complémentaires.

Sans le travail de négociation conduit par les complémentaires, que ce soit avec les représentants des salariés et des employeurs, ou auprès des prestataires de soins, il va se creuser un écart profond entre le périmètre de la Sécurité sociale, la protection minimale, et la protection des complémentaires qui n’auront plus qu’une offre haut de gamme à fournir pour des clients privilégiés.

Dans un contexte de crise du service public de santé, avec des déserts médicaux en progression, la priorité n’est pas de conduire une réforme aveugle du financement de la sécurité sociale, mais de définir une stratégie d’accès aux soins fondée sur une évaluation rigoureuse des besoins en santé.

Cette évaluation est le préalable à toute réforme, pour appuyer la politique de santé sur un diagnostic réaliste. C’est à ce titre, qu’il est urgent de réunir des états généraux de la santé, impliquant les personnels de santé, les représentants de chaque branche de la Sécurité sociale et les organismes complémentaires, qu’ils soient des mutuelles, des institutions de prévoyance ou des assureurs.

Tel est le sens de la proposition de résolution.

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant le rapport provisoire du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie ;

Considérant que 3,8 millions de personnes vivaient en zone sous‑dotée en médecins généralistes en 2018, contre 2,5 millions en 2015 ;

Invite le Gouvernement à organiser des états généraux de la santé et du financement de la santé au premier semestre de l’année 2022 ;

Invite le Gouvernement à prendre des décisions pour augmenter l’offre médicale sur le territoire dès l’année 2022.