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N° 4867

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 janvier 2022.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à accorder l’asile politique à Julian Assange
et à faciliter l’accès au statut de réfugié pour les lanceurs
d’alerte étrangers,

présentée par Madame et Messieurs

Jennifer DE TEMMERMAN, Cédric VILLANI, Jean LASSALLE, François RUFFIN, JeanFélix ACQUAVIVA, Sylvain BRIAL, Michel CASTELLANI, JeanMichel CLÉMENT, PaulAndré COLOMBANI, Jeanine DUBIÉ, Frédérique DUMAS, Stéphanie KERBARH, FrançoisMichel LAMBERT, Paul MOLAC, Sébastien NADOT, Bertrand PANCHER, Sylvia PINEL, Éric BOTHOREL, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, MarieGeorge BUFFET, Annie CHAPELIER, Paula FORTEZA, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Sébastien JUMEL, Mansour KAMARDINE, JeanChristophe LAGARDE, Michel LARIVE, Philippe LATOMBE, JeanPaul LECOQ, Marion LENNE, MarieAnge MAGNE, Denis MASSÉGLIA, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Valérie PETIT, Dominique POTIER, Adrien QUATENNENS, PierreAlain RAPHAN, Muriel RESSIGUIER, Fabien ROUSSEL, Maina SAGE, Bénédicte TAURINE, Nicolas TURQUOIS, Cécile UNTERMAIER, Martine WONNER, Élisabeth TOUTUTPICARD, Luc LAMIRAULT, Albane GAILLOT, Frédérique TUFFNELL, JeanLuc MÉLENCHON, Bastien LACHAUD, Marietta KARAMANLI, MarieFrance LORHO, Erwan BALANANT, Éric COQUEREL, Philippe NAILLET, Christine PIRES BEAUNE, JeanPaul DUFRÈGNE, Sabine RUBIN,

Députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Il faut protéger toutes les libertés, la liberté de la presse mais la liberté des individus aussi. » Ainsi s’exprimait le président Emmanuel Macron, en 2019.

Pourtant, aujourd’hui, dans le cas de Julian Assange, ces deux libertés sont bafouées. Surtout, c’est un allié de la France, de son indépendance, qui n’est pas protégé.

Fondateur du site Wikileaks, ce lanceur d’alerte a en effet révélé l’espionnage de l’Élysée par nos alliés américains. Julian Assange subit depuis plus de dix années un acharnement judiciaire, mais en réalité politique, de la part des États‑Unis.

Son crime ? Avoir fait œuvre de vérité, de journalisme.

Aujourd’hui, les États‑Unis maintiennent la pression pour une extradition, en vue de le condamner à 175 années de prison. Et Julian Assange croupit dans les prisons britanniques. Le 10 décembre dernier, la Cour royale de justice du Royaume‑Uni a accentué cette pression sur Julian Assange en estimant que son extradition vers les États‑Unis était légitime.

Plus que jamais, la France doit l’asile à Julian Assange.

Depuis des mois, citoyens, avocats, médecins demandent au Président de la République d’accorder l’asile politique à Julian Assange.

En février 2020, Éric Dupont‑Moretti lui‑même, avant de devenir ministre de la Justice, soulignait à quel point Assange a rendu service à notre nation :

« On va tout de même rappeler ce qu’il a permis de révéler. Il a permis de révéler en France que Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient été espionnés par les Américains, ça n’est pas rien. Il a permis de révéler également que Pierre Moscovici et François Baroin, deux ministres français de l’économie, avaient fait l’objet d’une opération d’espionnage économique conduite par les États‑Unis. »

Et pourtant, malgré ces services, malgré toutes les alarmes sur ses conditions de détention, la France n’a rien fait. Le pays des droits de l’Homme se tait.

Quelques voix s’élèvent dans le monde.

Le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Nils Melzer, explique quant à lui que « Julian Assange doit à présent être libéré immédiatement, réhabilité et indemnisé pour les abus et l’arbitraire auxquels il a été exposé. »

Dans la suite de cette prise de position onusienne, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a énoncé à l’égard des États membres dans sa résolution n° 2317 du 28 janvier 2020 « Menaces sur la liberté des médias et la sécurité des journalistes en Europe », qu’ils doivent notamment : « reconnaître et garantir le respect du droit des journalistes de protéger leurs sources, et concevoir un cadre normatif, judiciaire et institutionnel adéquat pour protéger les lanceurs d’alerte et les facilitateurs d’alerte, conformément à la Résolution 2300 (2019) de l’APCE « Améliorer la protection des lanceurs d’alerte partout en Europe » ; et, « à cet égard, considérer que la détention et les poursuites pénales contre M. Julian Assange constituent un dangereux précédent pour les journalistes et se joindre à la recommandation du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui a déclaré, le 1er novembre 2019, que l’extradition de M. Assange vers les États‑Unis devait être interdite et qu’il devait être libéré sans délai ».

Dans la résolution n° 2300 précitée , adoptée le1er octobre 2019, rapportée par le député français Sylvain Waserman, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avait appelé à « faire bénéficier les lanceurs d’alerte du droit d’asile, en permettant, dans des cas exceptionnels, que les lanceurs d’alerte introduisent la demande depuis leur lieu de séjour à l’étranger ; le niveau de maturité de la législation de protection des lanceurs d’alerte dans le pays d’origine doit être pris en compte ; ces procédures spécifiques aux lanceurs d’alerte pourraient être créées sous l’égide du Conseil de l’Europe ; en tout état de cause, il est essentiel de mener une réflexion sur le droit d’asile pour l’adapter aux nouveaux enjeux des lanceurs d’alerte » ;

Face à la situation de Julian Assange, détenu sans condamnation, et des nombreux lanceurs d’alertes étrangers sous le coup de représailles, la France ne peut rester muette.

Poursuivre dans l’inaction serait une évidente défaite pour la liberté d’informer. Que ce soit en France, ou dans le reste du monde.

« Si les guerres peuvent être déclenchées par des mensonges, la paix peut être préservée par la vérité » déclarait Julian Assange.

Ainsi, représentants de la Nation, nous réclamons que le droit d’asile soit accordé à Julian Assange et que soit facilité l’accès au statut de réfugié pour les lanceurs d’alerte étrangers. 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789,

Vu l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948,

Vu l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950,

Rappelant les propos du président de la République : « Il faut protéger toutes les libertés, la liberté de la presse mais la liberté des individus aussi » ;

Considérant le service rendu au monde par l’intermédiaire de Wikileaks et des informations dévoilées sur les agissements illégaux des États‑Unis d’Amérique ;

Considérant le service rendu à la Nation et au peuple français en révélant l’espionnage de l’Élysée par son allié américain ;

Considérant le rôle que doit avoir la France dans la défense de la justice, de la liberté de la presse et de la liberté des individus ;

Rappelant les propos tenus par Éric Dupond‑Moretti en février 2020 : « Les 175 ans de prison qu’on lui promet aux ÉtatsUnis, c’est une peine indigne, insupportable et contraire à l’idée que l’on peut tous se faire des droits de l’homme » ;

Considérant l’appel de nombreuses organisations non gouvernementales et institutions pour sa libération ;

Considérant la demande du 31 mai 2019 du rapporteur spécial de l’Organisation des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : « Julian Assange présente tous les symptômes d’une exposition prolongée à la torture psychologique : il a été délibérément exposé, pendant plusieurs années, à des formes graves de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il doit à présent être libéré immédiatement, réhabilité et indemnisé pour les abus, la persécution collective et l’arbitraire auxquels il a été exposé. » ;

Considérant la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 17 novembre 2021 ;

Considérant les résolutions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe n° 2300 du 1er octobre 2019 « Améliorer la protection des lanceurs d’alerte partout en Europe » et n° 2317 du 28 janvier 2020 « Menaces sur la liberté des médias et la sécurité des journalistes en Europe » ;

1. Invite le Gouvernement à accorder l’asile politique à Julian Assange ;

2. Invite le Gouvernement à faciliter l’accès au statut de réfugié pour les lanceurs d’alerte étrangers répondant à la définition de la législation des lanceurs d’alerte et à leur accorder effectivement l’asile politique. Pour ce faire, le Gouvernement est invité à contourner l’obstacle de la nécessité de la présence physique du lanceur d’alerte sur le territoire français pour effectuer sa demande, en instituant la possibilité d’obtenir un visa humanitaire ou de solliciter l’asile, via le réseau consulaire français. Il est également demandé d’octroyer à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) la capacité d’examiner leur demande à distance ;

3. Invite le Gouvernement à saisir le Conseil de l’Europe en vue d’engager les travaux d’élaboration d’une convention spécifique visant à conférer le statut de réfugié aux lanceurs d’alerte ;

4. Invite le Gouvernement à saisir l’opportunité de la présidence française de l’Union européenne en 2022 pour faire de l’asile politique des lanceurs d’alerte une priorité de travail des institutions communautaires.