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N° 4873

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 janvier 2022.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

pour le développement de la participation citoyenne
comme pilier de notre modèle démocratique,

présentée par

M. Sylvain WASERMAN

et les membres du groupe Mouvement démocrate (1) et démocrates apparentés (2)

députés.

 

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(1) Mesdames et Messieurs : Erwan Balanant, Géraldine Bannier, Jean Noël Barrot, Philippe Berta, Christophe Blanchet, Philippe Bolo, Jean Louis Bourlanges, Vincent Bru, David Corceiro, Yolaine de Courson, Michèle Crouzet, Jean Pierre Cubertafon, Marguerite Deprez Audebert, Bruno Duvergé, Nadia Essayan, Michel Fanget, Isabelle Florennes, Bruno Fuchs, Maud Gatel, Luc Geismar, Perrine Goulet, Brahim Hammouche, Cyrille Isaac Sibille, Élodie Jacquier Laforge, Christophe Jerretie, Bruno Joncour, Sandrine Josso, Jean Luc Lagleize, Fabien Lainé, Mohamed Laqhila, Florence Lasserre, Philippe Latombe, Patrick Loiseau, Aude Luquet, Jean Paul Mattei, Sophie Mette, Philippe MichelKleisbauer, Patrick Mignola, Bruno Millienne, Jimmy Pahun, Frédéric Petit, Maud Petit, Josy Poueyto, François Pupponi, Richard Ramos, Sabine Thillaye, Frédérique Tuffnell, Nicolas Turquois, Michèle de Vaucouleurs, Laurence Vichnievsky, Philippe Vigier, Sylvain Waserman.

(2) Mesdames et Messieurs : Justine Benin, Blandine Brocard, Pascale Fontenel Personne, Laurent Garcia, Max Mathiasin.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre société se caractérise par deux tendances de fond en matière d’engagement : la volonté de citoyens engagés d’être impliqués dans les décisions qui les concernent d’une part, et le décrochage d’autres citoyens qui ne se sentent plus concernés par leur démocratie d’autre part.

LES CONSTATS

Les citoyens s’engagent. Pour les causes et les sujets qui les animent, pour la défense de leurs convictions et de leurs intérêts, ils prennent position et font vivre ainsi la pluralité des opinions. Ils s’engagent dans les décisions qui les concernent et revendiquent leur droit à y prendre leur part. Ils contribuent au dynamisme de la démocratie et la renforcent. Les citoyens souhaient des « circuits courts » entre eux et les décisions publiques. Ils ne se satisfont plus d’un modèle représentatif simple dans lequel ceux qui ont été élus décident sans rendre compte de leur décision et sans impliquer les citoyens concernés. Les signes de cet engagement se multiplient en France et dans beaucoup de nos démocraties européennes : les marches pour le Climat de notre jeunesse, l’engouement massif pour le Service civique, la multiplication des prises de paroles collectives sur les réseaux sociaux pour lancer des mobilisations citoyennes, mais aussi, au quotidien, dans leur quartier ou leur village avec notamment les collectifs contre l’implantation d’une nouvelle route, d’un nouveau transport en commun ou d’une éolienne. Autant d’exemples qui montrent que les citoyens engagés de nos démocraties veulent être plus régulièrement des acteurs de la vie démocratique et pas seulement des électeurs.

Pourtant, une seconde tendance – apparemment contraire – s’impose aussi. Les citoyens sont toujours plus nombreux à ne plus voter. Les jeunes, mais pas seulement. L’abstention a même atteint des records aux dernières échéances locales, départementales et régionales, et également aux élections municipales qui étaient jusqu’à lors plébiscitées. Cette baisse de la participation aux élections traduit un « décrochage démocratique » de certains citoyens qui ne votent plus parce qu’ils estiment que le résultat du vote ne changera rien pour eux : beaucoup ne participent alors plus d’aucune façon à une vie démocratique qui ne les représente plus. Ce désintérêt pour la vie publique menace jusqu’au fondement même de notre équilibre démocratique. Dès lors que ces citoyens n’expriment plus leur vision de la société à travers les candidats aux élections, ils se sentent soit en marge du système démocratique soit en confrontation - et plus seulement en opposition – avec toute forme institutionnelle à laquelle ils ne reconnaissent aucune légitimité. De cette confrontation nait un ressentiment contre les institutions, contre les élus et une forme de rejet, voire pour certains cas, de haine.

Ces deux tendances coexistent, s’entremêlent et s’entrechoquent parfois. Le mouvement des Gilets jaunes illustre parfaitement cette double tendance : un rejet total de tout ce qui est institutionnel d’une part – au point de refuser toute forme représentative du mouvement lui‑même – et une volonté d’être en prise directe avec la décision publique – avec la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne.

Nous sommes donc face à un double défi : promouvoir l’implication des citoyens engagés et recréer un lien avec ceux qui ont décroché du système représentatif. C’est le défi principal auquel la participation citoyenne doit répondre, pour renforcer et dynamiser ainsi la démocratie représentative.

Face à ces tendances, le rôle des élus évolue profondément. En effet, pour définir et réussir la mise en œuvre de leurs politiques publiques, ils doivent trouver les voies et les moyens d’accompagner ce nouveau paradigme de nos démocraties. C’est dire que leur rôle n’est plus seulement de décider et de gérer, mais aussi de devenir de véritables catalyseurs de la participation des citoyens pour leur donner toute leur place dans l’organisation de la société. La participation ne nuit pas au principe de représentativité des élus ; au contraire, elle enrichit leur action, car elle améliore le fond des décisions et en accroit la légitimité.

Ainsi, depuis plusieurs années, les collectivités territoriales et les élus rivalisent de dispositifs et d’inventivité pour écouter, informer, consulter et construire les décisions publiques en lien direct avec les habitants. Forts de leur expérience du quotidien, les habitants démontrent qu’ils sont les plus à même d’orienter une politique pour améliorer la vie d’un quartier ou d’une ville ; les élus intègrent de plus en plus cette nouvelle donne. L’engouement pour les budgets participatifs et pour toutes les formes de collectifs à chaque nouveau projet en atteste : les citoyens engagés n’acceptent plus que l’on décide sans eux et les élus en ont largement conscience et veulent y répondre.

L’Assemblée nationale, dont les élus sont les représentants de tous les citoyens, joue également un rôle majeur pour rapprocher ces derniers de la fabrique de la loi. Cette logique de « circuit court » entre la décision publique et les citoyens a été réaffirmée par l’évolution des possibilités de pétitions citoyennes, qui permettent d’attirer l’attention des élus sur des sujets qui ne seraient pas débattus au Parlement. D’une manière générale, dans leur territoire, leurs échanges avec les citoyens ou les représentants de la société civile, les députés contribuent à développer cette logique de participation citoyenne. Ces évolutions participent d’une tendance de fond : refaire de l’Assemblée une agora citoyenne, lieu du débat et de la confrontation des idées.

Au niveau national encore, outre les concertations organisées par la Commission nationale du débat public, qui prône « le droit au débat pour peser sur les décisions publiques », il faut saluer avec insistance les avancées majeures en termes de participation citoyenne ces dernières années. Nous tenons à souligner notamment la création d’un périmètre ministériel spécifiquement dédié et rattaché aux Relations avec le parlement en juillet 2020, précédée par la création en 2019 du Centre interministériel de la Participation Citoyenne au sein de la Direction interministérielle de la Transformation publique. Deux innovations démocratiques majeures auront aussi marqué le quinquennat : le Grand Débat national, avec deux millions de contributions citoyennes reçues sous différentes formes, et la Convention Citoyenne pour le Climat, qui en a découlé – exercice délibératif inédit à cette échelle en France et dans le monde. L’intérêt et les attentes suscités par ces démarches de participation citoyenne initiées par l’État montrent qu’il s’agit d’un véritable enjeu démocratique.

On distingue, parmi les multiples initiatives pour mieux impliquer les citoyens, quatre niveaux distincts correspondant à des modalités et des objectifs différents :

‒ L’information, qui traduit une volonté de sensibilisation, de clarté et de transparence. Multicanale, les élus et les institutions doivent l’adapter selon les publics visés ; elle permet de faciliter une prise de parole spontanée, mais déstructurée des citoyens vers leurs élus, via tous leurs canaux d’expression existants.

‒ La consultation de type référendaire, qui repose sur des choix fermés et vise à recueillir l’avis tranché des citoyens. Elle permet d’apporter un avis souvent binaire (oui ou non, choix A, B ou C), et s’opère via un vote.

‒ La concertation, qui désigne les multiples initiatives qui visent à associer les citoyens au processus de décision politique, c’est‑à‑dire à les impliquer dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques, en tenant compte de la diversité de leurs opinions et de leurs attentes. Ces démarches doivent permettre à des citoyens non experts de donner un avis et de formuler des propositions sur des projets de réforme ou des sujets de controverse qui, parfois, appellent la construction d’un consensus. Elles peuvent prendre plusieurs formes, en fonction du thème et des objectifs visés. La concertation permet donc d’adapter une décision ou un projet sans en questionner les fondamentaux.

‒ La co‑construction de la décision publique, véritable collaboration entre citoyens, organisations et acteurs publics : elle réunit toutes les parties prenantes et vise à construire des politiques publiques structurantes, que chacun peut s’approprier. C’est la méthode la plus aboutie, la plus puissante et son résultat n’aurait souvent pu être élaboré par aucune des parties prenantes seule. Elle nécessite du temps, de la rigueur et une véritable écoute, une confrontation des idées et une démarche itérative. Cette méthode permet souvent de faire émerger un consensus ou a minima une forte acceptabilité citoyenne.

Dans les deux derniers cas, il ne suffit pas d’inviter les citoyens à s’exprimer ou d’ouvrir des espaces de débats. Il faut les mettre en situation de définir ensemble les priorités et les finalités d’une politique publique. Cet objectif implique des moyens et des procédures complexes pour leur permettre de s’informer sur le sujet en débat, de confronter leurs opinions, de surmonter leurs désaccords, d’identifier ensemble des solutions, de justifier leurs choix et, in fine, de formuler des propositions réellement susceptibles d’orienter et d’améliorer l’action publique.

LES ENJEUX

Les enjeux de la participation citoyenne sont nombreux et notre modèle démocratique doit parvenir à y répondre.

Le premier enjeu est celui de diversifier et élargir les publics de la participation sans se limiter à l’écoute des citoyens les plus engagés : ceux qui s’expriment, qui militent, qui ont du temps à consacrer pour participer à la vie démocratique ne sont pas nécessairement représentatifs de l’ensemble de leurs concitoyens. C’est le risque d’une « gentrification démocratique » : l’implication des citoyens les plus avertis, les plus à même de comprendre les enjeux, les plus sociologiquement portés vers l’expression de leurs convictions ou la défense de leurs intérêts, ceux qui iront à une réunion publique. De nombreuses consultations contribuent à une surreprésentation des mêmes groupes sociologiques. Il est donc essentiel de diversifier les pratiques, les modalités, les lieux et les sujets de participation pour les rendre accessibles et impliquer ceux qui sont a priori peu enclins à y contribuer. Les méthodologies de participation citoyenne doivent impérativement prendre en compte cet enjeu. Mais, dès lors que les exercices de consultation des citoyens en « circuits courts » ne peuvent revendiquer une représentativité et n’ont qu’une faible valeur statistique, on ne peut pas occulter et mettre de côté les instances représentatives élues et donc légitimes pour porter une parole de ceux qu’ils représentent. C’est une articulation complexe, mais nécessaire. En somme, on ne peut privilégier l’individualisation de la participation citoyenne au détriment de son expression collective.

Le second enjeu est celui de la complexification de nos sociétés et de nos modèles, tant sur le plan institutionnel, avec une gouvernance répartie en plusieurs niveaux y compris hors des frontières nationales, que sur les sujets traités. Dès lors, pour sortir d’une logique binaire et pouvoir se faire un avis sur une décision, la démocratie nécessite que chacun y investisse un peu de son temps. En se plongeant dans des sujets aux multiples facettes, les citoyens peuvent mieux contribuer au débat et jouer pleinement leur rôle. Cet engagement de chaque citoyen, ce temps qu’il consacre à sa démocratie et à comprendre les enjeux de société, est essentiel à une participation citoyenne effective.

Le troisième enjeu de la participation citoyenne est d’exiger un devoir de suite de la part de l’organisateur de la consultation. Trop souvent les citoyens se sont sentis frustrés par un exercice de participation, qu’ils considèrent comme l’alibi d’une décision prise sans eux. Trop souvent, ils ne savent pas dans quelle mesure et de quelle façon leur participation a pesé dans les choix effectués, par manque de retour formel de l’autorité organisatrice de la consultation. Il ne s’agit pas pour les citoyens de participer pour participer, mais bien de voir certaines de leurs idées reprises et aboutir dans le résultat final. Notre démocratie sortira renforcée si les citoyens qui ont participé à une concertation sont informés des suites qui lui ont été données et peuvent mesurer l’impact de leur participation sur la décision publique.

Le quatrième enjeu enfin est de développer une approche large, adaptée et mesurable de l’ingénierie de la participation citoyenne en capitalisant sur l’expérience acquise par la multiplication des initiatives innovantes. Le manque de modélisation, de retour sur expérience et de développement des meilleures pratiques en la matière risque de rendre la participation citoyenne systématiquement suspecte, approximative et donc peu efficiente. Pourtant les innovations sur nos territoires en la matière sont vives et nombreuses, le monde de l’entreprise et le monde associatif ont développé des approches de co‑construction de leurs décisions, la vitalité démocratique française s’exprime pleinement dans ces initiatives de tous ordres. Ces innovations se révèlent dans la façon dont une ville repense un de ses quartiers en y associant ses habitants, dont une région définit sa stratégie de développement économique en la co‑construisant avec les chefs d’entreprise et avec le CESER, dans la façon aussi dont l’État organise les consultations citoyennes lors de l’écriture des lois. Il est essentiel d’évaluer les démarches initiées et de capitaliser, année après année, sur les acquis de l’expérience et de leur méthodologie.

Le dernier enjeu, enfin, est d’élargir la notion de participation citoyenne au‑delà de celle de la simple consultation. Participer à un débat, à l’élaboration d’une décision ou d’une politique publique peut se prolonger et prendre son sens dans le fait d’être associé à sa mise en œuvre. C’est ainsi que la question se pose de comment prolonger l’implication des citoyens que l’on consulte dans l’action, la mise en œuvre, le projet qui se déploie. Mais cela nécessite un cadre méthodologique et réglementaire ainsi qu’une meilleure intégration de la participation citoyenne dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques.

LES PROPOSITIONS

‒ Pour répondre à ces enjeux, plusieurs propositions peuvent être faites pour développer la participation citoyenne.

1°) Créer les conditions de la participation citoyenne de notre jeunesse

Le premier élément de solution est de faire progresser encore l’esprit civique de façon pérenne en l’ancrant dans le parcours de vie de notre jeunesse. À l’école d’abord, pour y apprendre les valeurs de respect d’autrui, d’esprit critique et d’engagement dans la société qui nous entoure et intégrer les notions de coopération et d’intérêt général. En somme, y apprendre les fondamentaux qui faciliteront la participation éclairée : comprendre le fonctionnement des institutions, le parcours de décision et de fabrique de la loi et savoir s’informer pour lutter contre la désinformation. Au collège et au lycée ensuite, pour découvrir l’engagement bénévole comme la proposition de loi sur l’engagement associatif l’a instauré. Après les études aussi, en généralisant le Service national universel et en proposant à tout jeune qui le souhaite la possibilité d’effectuer un Service civique. Autant d’approches qui aideront chaque jeune à trouver sa place dans notre démocratie en tant que citoyen.

Mais cela ne suffira pas : pour toucher notre jeunesse et espérer développer sa participation citoyenne, il est temps de penser les contours de notre démocratie numérique pour que la notion de participation citoyenne prenne sa pleine dimension dans le monde du numérique. Ce constat est la première motivation de la proposition de construction d’une nouvelle démocratie numérique (Cf. proposition n° 4).

2) Développer une véritable expertise publique de la participation citoyenne 

Il est essentiel de promouvoir une méthodologie rigoureuse de la participation citoyenne pour garantir la robustesse et la sincérité des démarches. Cette méthodologie qui pose de grands principes : transparence, mise à disposition d’une information plurielle et contradictoire, neutralité de l’organisateur, etc ; doit être plus largement partagée et utilisée au sein des institutions qui organisent des exercices participatifs pour garantir leur réussite et leur efficacité. Ainsi, en amont, cette méthodologie permettra de mieux fixer les objectifs de la consultation à laquelle on associe des citoyens, en rendant explicites les « règles du jeu » de l’exercice. En aval, elle fixera les conditions pour rendre compte systématiquement après chaque consultation ou exercice de participation citoyenne de la façon et de l’ampleur avec laquelle les idées exprimées ont été effectivement été prises en compte. Il est essentiel de rendre compte aux citoyens qui participent à une telle démarche : c’est la seule façon de lutter contre la suspicion que nourrissent nombre d’entre eux sur les consultations « alibi » pour lesquelles ils pensent que leur avis n’est recueilli que pour la forme sans peser en rien sur le choix final.

Cette méthodologie devra donc apporter des garanties de sincérité et de rigueur au citoyen qui choisit de participer, mais elle devra aussi guider le décideur public pour définir le niveau de participation citoyenne attendu en fonction des circonstances.

Octroyer un label aux exercices de participation citoyenne qui adopteraient cette méthodologie serait alors une suite logique, pour accroitre la confiance des citoyens et donc développer leur participation. Une certification pourrait se développer en la matière, gage de la qualité de la démarche effectuée. Une première étape pourrait être d’élaborer une charte interministérielle de la participation citoyenne.

Favoriser les travaux de recherche en matière d’innovation démocratique en vue de progresser dans la modélisation des exercices de participation citoyenne et d’établir la méthodologie en question serait une piste pour aboutir de façon viable et pérenne sur le sujet.

3) Développer une approche nouvelle de la « démocratie numérique »

Développer notre démocratie numérique comme lieu de débat citoyen est l’un des défis majeurs à relever. C’est indispensable pour toucher un public plus large et en particulier notre jeunesse, c’est éthiquement imaginable et c’est désormais techniquement possible. Avec France Connect et la possibilité d’identifiant numérique officiel et unique, de véritables forums démocratiques à visage découvert sont possibles. Il est également important de créer de nouveaux outils pour ne pas laisser le monde des réseaux sociaux prendre l’intégralité de l’espace de la participation citoyenne, de façon déstructurée et souvent trompeuse. Multiplier les consultations sur internet est essentiel, mais ne suffira pas. Il est essentiel maintenant d’imaginer notre démocratie numérique, la mettre en place comme une agora citoyenne et lieu de débats respectueux et inclusifs, créer de nouveaux terrains de jeu pour l’expression de toutes et tous de manière organisée et responsable, et fonder une partie des logiques nouvelles de la participation citoyenne.

Créer une « démocratie numérique » nécessitera des règles déontologiques sans faille, une éthique au‑dessus de tout soupçon et des regards experts extérieurs pour être les garants de son fonctionnement. L’idée de lancer des « assises de la démocratie numérique » pour développer cet espace de la participation citoyenne serait une première étape pour en poser les principes, les jalons et les garde‑fous.

4) Structurer la gouvernance de la participation citoyenne

La puissance publique peut définir une nouvelle approche et de nouveaux outils pour créer les conditions de la participation citoyenne et de son développement.

Il est essentiel que cette clef de lecture d’une simplification de nos modèles pour les rendre plus accessibles à l’ensemble des citoyens soit mieux intégrée dans notre travail législatif. S’interroger à chaque réforme pour savoir si elle est source de simplification « vu du citoyen », et si elle apporte donc à nos concitoyens une vision plus claire qui leur permettra de participer plus concrètement à la vie publique, doit faire partie plus systématiquement du raisonnement du législateur. C’est ainsi que toutes les formes de conseil ou de comités citoyens qui se créent pourront trouver leur place, dès lors que face à la complexité du monde on sait proposer une lecture claire et simple de qui porte quelle responsabilité.

À ce titre, et lorsque cela semble pertinent, les études d’impacts de nos lois devraient prendre en compte une réflexion sur l’ » accessibilité citoyenne » pour que la puissance publique s’interroge sur la façon dont le texte facilite ou pas une participation large de nos concitoyens. Simplifier pour mieux associer nos concitoyens serait ainsi une nouvelle boussole pour guider nos actions de simplification. Chaque loi pourra d’ailleurs dans son exposé des motifs rendre compte explicitement de la façon dont a été mise en œuvre une consultation des citoyens pour sa propre élaboration.

La logique de participation des citoyens nécessite aussi de privilégier la lisibilité et la simplification de nos institutions et des responsabilités de chacun, pour rendre la vie publique plus accessible à toutes et tous. Par exemple, simplifier notre mille‑feuille institutionnel contribuera directement à faciliter la participation citoyenne.

Les outils manquent aussi en matière de cadre pour développer la participation citoyenne à des projets collectifs portés par la puissance publique. Si territoires regorgent d’initiatives démocratiques et de nombreux projets qui ont une finalité d’intérêt général et fédèrent de nombreux acteurs, la participation doit pouvoir se prolonger dans l’action publique. En ce sens, les recommandations de la députée Cathy Racon‑Bouzon dans sa proposition de loi sur le sujet permettraient des avancées décisives pour favoriser l’émergence de ces expérimentations d’intérêt général.

Plus largement, il est important de capitaliser sur les bonnes pratiques et sur le bouillonnement d’initiatives dont nos territoires ont fait preuve ces dernières années en matière de participation citoyenne. Un rapport parlementaire portant sur l’identification, la modélisation et l’essaimage de ces bonnes pratiques pourrait constituer un atout pour faire bénéficier à toutes et tous des initiatives de certains précurseurs. Au niveau national, des exercices de co‑construction pourront être mis en oeuvre pour faire avancer des sujets sociétaux majeurs tout en apportant le consensus nécessaire autour de mesures phares.

La formation continue est aussi un axe à prendre en compte et l’expérimentation dans chaque université française d’un cursus citoyen, ouvert et accessible à tous, permettrait de former chacune et chacun aux clefs de compréhension nécessaires pour se repérer, mieux comprendre et donc pouvoir intervenir et participer à notre vie démocratique. Cette « université ouverte de la démocratie » serait innovante et montrerait à chacune et chacun que la puissance publique considère que mieux intégrer chaque citoyen à notre démocratie est un enjeu majeur.

L’ensemble de ces actions, pilotées dans un plan d’action gouvernemental, permettraient de développer la participation citoyenne de façon décisive dans notre démocratie. Les formes de participation pourront être déclinées à toutes les échelles, sur le terrain et en ligne, favorisant l’émergence de nouvelles mobilisations. Les citoyens acteurs de la démocratie, aux côtés de leurs représentants, participeront et donc s’approprieront mieux les politiques publiques les concernant.

En conclusion, relever le défi de la participation citoyenne nécessite de structurer la gouvernance de la cette participation et de systématiser la démarche participative pour l’intégrer pleinement au processus d’élaboration et d’évaluation des politiques publiques. Ce défi correspond aussi à une philosophie politique : celle de l’engagement de chaque citoyen qui le souhaite, et du postulat que chacune et chacun a sa place et son rôle à jouer dans notre démocratie. Cette philosophie s’inscrit dans la droite ligne du principe de la participation de tout citoyen à l’élaboration de la loi, établi par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dans son article 6, et répond à l’attente de nombreux citoyens. En somme, c’est une philosophie politique profondément humaniste, inclusive, qui connaît la valeur de notre modèle démocratique et mesure le chemin à accomplir pour le conforter et le faire progresser encore.

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant d’une part la volonté de nombreux citoyens d’être mieux associés aux décisions qui les concernent et, d’autre part, la défiance d’autres qui ne se sentent plus concernés par leur démocratie ;

Considérant avec satisfaction la multiplication d’initiatives participatives innovantes aux niveaux local et national ;

Considérant que la préservation de notre modèle démocratique et son développement appelle à davantage de participation des citoyens pour une meilleure définition et appropriation des politiques publiques ;

Convaincue de la nécessité de renforcer le lien entre les décideurs publics et les citoyens, pour accroitre la qualité, la légitimité et l’appropriation des décisions prises tout en améliorant leur mise en œuvre par les pouvoirs publics ;

Affirme que développer la participation citoyenne est un enjeu démocratique majeur, pour recréer une dynamique démocratique plus inclusive où chaque citoyen peut contribuer aux décisions qui le concernent ;

Invite le Gouvernement à favoriser la formation citoyenne à la démocratie, dès l’école puis tout au long de la vie, pour rendre accessible le fonctionnement de la vie démocratique et poser les fondements d’une implication citoyenne de notre jeunesse ;

Invite le Gouvernement à promouvoir une méthodologie susceptible d’améliorer et de développer les démarches participatives, en garantissant notamment leur qualité, leur transparence et leur sincérité ;

Propose au Gouvernement le lancement d’assises de la démocratie numérique pour donner une impulsion déterminante à une nouvelle forme de participation citoyenne numérique, inclusive, et complémentaire des modalités traditionnelles ;

Invite le Gouvernement à favoriser l’innovation démocratique, en travaillant à des outils concrets pour renforcer la participation citoyenne, notamment l’essaimage des bonnes pratiques issues de la vitalité de nos territoires et de notre démocratie locale, la formation à la démocratie tout au long de la vie d’un citoyen.