Description : LOGO

N° 5058

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 février 2022.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur
l’autoentreprenariat et ses effets économiques,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Julien DIVE, Nathalie SERRE, Robin REDA, Valérie BEAUVAIS, Emmanuel MAQUET, Édith AUDIBERT, Bernard PERRUT, JeanLuc REITZER, Philippe BENASSAYA, JeanMarie SERMIER, Alain RAMADIER, Mansour KAMARDINE, Thibault BAZIN, Patrick HETZEL, Virginie DUBYMULLER, Didier QUENTIN, Vincent DESCOEUR, Bernard DEFLESSELLES, Robert THERRY, JeanLuc BOURGEAUX, Éric PAUGET, MarieChristine DALLOZ, JeanYves BONY, Valérie BAZINMALGRAS, Stéphane VIRY,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 1er janvier 2009 entrait en vigueur la loi n° 2008‑776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie créant le régime de l’auto‑entrepreneur, qui est aussi connu aujourd’hui sous le nom de régime micro‑entrepreneur.

L’auto‑entrepreneur (ou le micro‑entrepreneur) est un entrepreneur individuel soumis à un régime fiscal et social simplifié lui permettant d’exercer très facilement une petite activité professionnelle indépendante générant un chiffre d’affaires inférieur à un certain seuil. Il peut exercer en tant qu’artisan, commerçant ou profession libérale, et ce, à titre principal (exclusivement auto‑entrepreneur) ou complémentaire (en parallèle d’un statut de salarié, retraité, étudiant…).

Outre la mise en place d’une procédure simplifiée de déclaration d’activité, l’intérêt de ce nouveau régime de création d’entreprise consiste essentiellement dans un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu.

Tous les secteurs sont concernés, mais celui des transports et de l’entreposage, incluant les livraisons à domicile, a été particulièrement dynamique dû notamment au développement des plateformes de mise en relation entre clients et travailleurs.

Depuis plus de dix ans, les commentaires, articles ou encore les discours sur ce régime ont été nombreux. La presse ou les organismes publics ou professionnels dressent des bilans, évoquant les avantages, les fragilités, les dérives de ce régime, mais aussi les difficultés rencontrées par une multitude d’entrepreneurs ayant opté pour ce statut. Certaines corrections sont parfois apportées par le législateur, mais celles‑ci sont généralement plus conjoncturelles que structurelles.

Les enjeux et problématiques autour de ce régime sont nombreux et ne sont pas toujours nouveaux. Il a été constaté depuis plusieurs années que les revenus dégagés étaient souvent faibles. Une enquête de l’Insee, publiée en 2018, démontrait que seuls 61 % des micro‑entrepreneurs déclaraient un chiffre d’affaires positif en 2015. En moyenne, le revenu dégagé par les autoentrepreneurs ne dépasse pas 440 euros/mois.

Pour beaucoup la micro‑entreprise apparaît comme un moyen d’arrondir ses fins de mois puisque 30 % des micro‑entrepreneurs cumulent même leur activité avec un travail salarié. Cette enquête de l’Insee montre aussi les difficultés de la micro‑entreprise à tenir sur la durée, trois quarts des auto‑entrepreneurs déclarés, début 2010, avaient mis la clé sous la porte cinq ans plus tard.

À ces difficultés se rajoutent aussi certaines dérives avec la création de ce statut, qui a aussi permis à des entreprises de recourir à des auto‑entrepreneurs plutôt qu’à des salariés, et ce, pour se décharger de toute contrainte. Ces dérives ne sont certes pas majoritaires, mais pour définitivement les éviter le législateur se doit de mieux encadrer et protéger l’auto‑entrepreneur, sans apporter de la complexité entre celui‑ci et son client.             

Ce régime pose aussi des problématiques autour du statut des travailleurs de plateformes en France. Faute d’un cadre réglementaire spécifique, c’est aujourd’hui la justice qui tranche au cas par cas, sans véritable jurisprudence. Le 4 mars 2020, la Cour de cassation dans un arrêt avait confirmé la « requalification […] en contrat de travail » du lien unissant une plateforme très connue et un chauffeur, assurant que son statut d’indépendant n’était « que fictif ». Pourtant, quelques mois plus tard le jeudi 8 octobre, la cour d’appel de Paris avait débouté deux livreurs à vélo qui demandaient à se voir reconnaître le statut de salarié pour la période où ils collaboraient avec une plate‑forme numérique.

Le statu quo autour de cette question permet aux plateformes de maintenir ces prestataires précaires dans l’auto‑entreprenariat, sans revalorisation de leurs conditions de travail.

Avec la pandémie, beaucoup de travailleurs ont adopté ce statut pour exercer leur activité dans des conditions parfois difficiles. Si les Français n’ont jamais créé autant d’entreprises, cette augmentation masque aussi un plus grand risque de paupérisation d’une partie de la population active dépourvue de filets de sécurité.

Selon l’Insee, dans un document dévoilé le mercredi 3 février 2021, plus de 848 200 entreprises ont été créées en 2020, soit une augmentation de 4 % par rapport à 2019. Ce chiffre spectaculaire est principalement dû à la dynamique des micro‑entreprises, alors que les créations d’entreprises classiques ont diminué de 13 % sur la même période.

La part des micro‑entreprises dans le total des créations atteint désormais 65 % contre 62 % en 2019, mais la crise a aussi fait des ravages. Selon le bilan de la caisse nationale des Urssaf dévoilé le vendredi 29 janvier 2021, le chiffre d’affaires des auto‑entrepreneurs a chuté lourdement de 19 % à la fin du second trimestre 2020.

Sur près de deux millions d’indépendants enregistrés sous ce statut, seuls 846 000 ont déclaré un chiffre d’affaires positif avec un recul de l’ordre de 8 % sur un an. Ces travailleurs ont ainsi déclaré 3 792 euros de revenus contre 4 303 euros auparavant entre avril et juin. En outre, le nombre d’auto‑entrepreneurs économiquement actifs baisse dans toutes les régions françaises.

Ce constat global doit amener le législateur à faire un état des lieux complet de ce régime. Tel est l’objectif que pourrait avoir une commission d’enquête parlementaire qui permettra tout d’abord de dresser une analyse approfondie du bilan de ce statut pour les entrepreneurs, mais aussi de ses effets sur l’économie française. Ce travail permettra à travers un rapport de faire des propositions, qui auront vocation à lancer des pistes pour des réformes structurelles et efficaces.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête composée de trente députés et chargée de dresser un bilan du régime de l’auto‑entrepreneur et de ses effets sur l’économie française.