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N° 5223

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mai 2022.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à réformer le régime des dégâts aux cultures à travers une prise en charge par l’État,

présentée par

MM. Pierre MORELÀL’HUISSIER, Michel ZUMKELLER, Guy BRICOUT, JeanMarie SERMIER,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La chasse française a fortement évolué depuis les années 1960. Aussi bien avec la fin du droit d’affut en 1968 qu’avec l’évolution des pratiques de chasse, où l’on a constaté une nette érosion des populations de petits gibiers (lièvres, perdrix…) et en parallèle un essor de celles des sangliers, cerfs et chevreuils. 

En conséquence, les impacts de ces populations sur les activités humaines et particulièrement les activités agricoles et forestières vont également croissant, malgré les mesures et plans mis en œuvre au niveau national comme au niveau local.

L’accroissement de ces dégâts aux cultures est colossal à tel point que les chasseurs et leurs Fédérations ne peuvent plus assumer seuls la charge annuelle des dégâts aux cultures agricoles qui s’élève à 77 millions d’euros.

Ce coût a fait l’objet de nombreux rapports dont récemment celui de la mission parlementaire relative à la régulation des populations de grand gibier et à la réduction de leurs dégâts, du Député Alain PEREA et du Sénateur Jean‑Noël CARDOUX.

Selon leur rapport, on estime que la population de sangliers a été multipliée par vingt depuis 1973, par onze pour les cerfs et par onze pour les chevreuils. Parallèlement, ces populations ont vu leur répartition géographique s’étendre sur presque la totalité du territoire métropolitain.

Or, les activités agricoles souffrent très fortement des dégâts de grand gibier. Les agriculteurs témoignent régulièrement d’un niveau de dommages qu’il ne leur est plus possible de supporter, malgré l’indemnisation dont ils bénéficient pour une partie de ces dégâts de la part des Fédérations de chasse.

De l’autre côté, cette explosion des indemnisations à verser par les Fédérations de chasse devient très difficile pour certaines, intenable pour d’autres. Si rien n’est fait, certaines Fédérations de chasse seront en cessation de paiement à très court terme.

Un soutien urgent de la part de l’État est plus que jamais nécessaire.

Sans compter que l’augmentation des populations de grand gibier fait peser sur les activités d’élevage agricole une menace de transmissions des maladies aux cheptels, mais aussi à l’homme comme la maladie de Lyme, favorisée par l’accroissement des populations de grands ongulés.

Pour évaluer le coût général des dégâts de grand gibier pour les chasseurs, il convient de prendre en compte le coût total de l’indemnisation des dégâts de grand gibier, auquel il convient d’ajouter : le coût administratif de gestion des dossiers d’indemnisation, le coût des estimations et le coût des actions de prévention (intégrant notamment l’achat et la fourniture de clôtures électriques ou de clôtures fixes).

Les dégâts sont estimés à hauteur de 77 millions d’euros par an, payés intégralement de la poche des chasseurs.

Néanmoins, ces chiffres ne traduisent pas entièrement la réalité des dégâts subis par les agriculteurs. Les petits dégâts, c’est‑à‑dire ceux inférieurs à 3 % de la surface de la parcelle agricole concernée ou à un seuil d’indemnisation de moins de 230 euros pour les cultures, ou 100 euros pour les prairies, ne sont pas indemnisés. Le montant varie également beaucoup entre les départements allant de 1 million d’euros pour certains à 250 000 pour d’autres, créant une forte disparité entre les fédérations de chasse.

Par ailleurs, les chasseurs sont les seuls à prendre en charge ces dégâts alors même que la chasse n’est pas ou peu pratiquée sur près de 30 % du territoire et que la gestion administrative a été déléguée aux Fédérations en 2000 sans contrepartie financière.

L’absence de chasse dans certaines zones constitue des zones de réserve et de quiétude pour le grand gibier, ce qui favorise son accroissement.

Il se crée des zones sensibles en matière de dégâts liés à ces espaces insuffisamment chassés. C’est le cas de certaines zones dont le manque d’entretien rend l’accès quasiment impossible aux chasseurs qui finissent par délaisser ces secteurs.

La plupart des dégâts sont le fait des sangliers, de l’ordre de 80 à 85 %. Il convient donc d’assouplir les conditions de tir du sanglier pour limiter leur population et donc les dégâts. Certains territoires sont ravagés par les sangliers, en abattre plus c’est en avoir moins et donc réduire les dégâts à indemniser.

Il a été mis en place en 2010 le Plan national de maîtrise du sanglier (PNMS). Il visait à responsabiliser les différents acteurs en leur proposant une boîte à outils leur permettant d’appliquer des solutions adaptées aux différents contextes locaux, très variés. Le plan reposait en particulier sur l’identification des points noirs, c’est‑à‑dire sur les communes concentrant le plus de dégâts et sur la mise en place d’actions ciblées sur ces territoires. Il s’appuyait sur une animation forte de l’État dans le département par l’intermédiaire des préfets, appuyés par les directions départementales des territoires (DDT).

La réforme du dispositif d’indemnisation des dégâts de gibier initiée en 2014 a principalement conduit à la mise en place de seuils pour mieux assurer l’indemnisation des gros dégâts et d’un référentiel pour les réductions d’indemnisation liées à une responsabilité des agriculteurs dans la survenue des dégâts. En échange, l’abattement légal des indemnisations a été abaissé de 5 à 2 %.

Le système d’indemnisation a été doté d’une procédure non contentieuse d’indemnisation des dégâts aux récoltes et aux cultures, mise en place en 1968 dans le but d’indemniser tout exploitant ayant subi des dégâts nécessitant une remise en état ou entrainant une perte de récolte.

Jusqu’à aujourd’hui, le compte « dégâts » des fédérations départementales des chasseurs est alimenté par des participations personnelles des chasseurs de grand gibier (timbre départemental grand gibier), une participation pour chaque dispositif de marquage (à la charge du chasseur au travers de sa société de chasse), une participation des territoires de chasse (cotisation pour obtenir un plan de chasse et/ou contribution territoriale à l’hectare) ou une combinaison de ces différents types de participation.

Le compte dégâts peut également être alimenté par des aides accordées par la Fédération nationale des chasseurs pour la prévention.

Le système d’indemnisation des dégâts de gibier repose aussi sur une contribution territoriale, dite taxe à l’hectare. Cette contribution est réglée par les territoires de chasse, c’est‑à‑dire les sociétés de chasse privée, les ACCA, les propriétaires chasseurs, et indirectement par tous les chasseurs.

Concrètement, ce sont les chasseurs qui ont ce fonds d’indemnisation à leur charge, à hauteur de 77 millions d’euros par an.

Or ce sont ces mêmes chasseurs qui luttent contre la surpopulation des gros gibiers. Sans eux, les dégâts seraient bien plus conséquents. De plus, la chasse n’est pas ou peu pratiquée sur près de 30 % du territoire et la gestion administrative a été déléguée aux Fédérations en 2000 sans contrepartie financière.

Dès lors, il apparait plus logique que cette indemnisation soit prise en charge par l’État.

Enfin, derrière la réduction des populations, se pose la question du devenir de la viande de gibier. C’est déjà un poids pour certains. Le développement d’une filière de venaison en France pour valoriser la viande de gibier, dont la consommation reste très basse en France peut être une solution alors que 80 % du gibier consommé en France sont importés.

Un rapport sur la valorisation de la venaison a récemment été rendu par le ministère de l’Agriculture. Il donne une description actualisée de la situation et soulève quelques difficultés à commencer par la complexité du positionnement de la chasse à la croisée des ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture. Cela se traduit par une difficulté d’accès des professionnels des filières venaison aux différentes aides existantes.

Un travail devra également être mené sur une contractualisation harmonisée entre chasseurs et professionnels pour valider des engagements réciproques et des accords sur les achats de carcasses.

Développer une filière venaison permettrait de valoriser cette viande, de valoriser les terroirs tout en créant des emplois, de valoriser les grands gibiers abattus et de retisser du lien entre les chasseurs et la société en commercialisant des produits issus de la chasse.

Tel est l’objet de cette proposition de résolution.

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la loi n° 68‑1172 du 27 décembre 1968 de finances pour 1969,

Vu la loi n° 2000‑698 du 26 juillet 2000 relative à la chasse qui a transféré la charge de l’indemnisation de l’ONCFS aux Fédérations de chasse,

Vu la loi n° 2005‑157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux,

Vu la circulaire du 31 juillet 2009 relative au plan national de maîtrise des populations de sangliers,

Vu la loi n° 2012‑325 du 7 mars 2012 portant diverses dispositions d’ordre cynégétique,

Vu les articles L. 421‑5, L 425‑12, L. 426‑3 et les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 426‑5 du code de l’environnement,

Considérant le rôle central que jouent les chasseurs dans la régulation du nombre de grands gibiers sur le territoire national ;

Considérant la hausse croissante de dégâts constatés par les agriculteurs et forestiers dus aux grands gibiers ;

Considérant le coût de l’indemnisation aux dégâts supportée par les chasseurs ;

Considérant que la chasse n’est pas ou peu pratiquée sur près de 30 % du territoire ;

Constatant que la gestion administrative a été déléguée aux Fédérations en 2000 sans contrepartie financière ;

Considérant la question du devenir de la viande de gibier, du poids que cela représente pour certaines fédérations de chasse et de l’émergence d’une filière de venaison en France pour valoriser la viande de gibier ;

Considérant que 80 % du gibier consommé en France sont importés ;

Considérant les difficultés d’articulation sur le terrain des efforts de chacun pour mieux réguler cette faune ;

Invite le Gouvernement à créer un espace de dialogue commun avec l’ensemble des parties prenantes avec des compétences de contrôle des populations de gibier sous la responsabilité du préfet ;

Souhaite que des battues de décantonnement, après accord du préfet, soient facilitées afin de réaliser des dérangements ciblés pour rendre un territoire moins attrayant pour les grands gibiers ;

Invite le Gouvernement à lancer une grande étude sur le comportement de certaines espèces en fonction des périodes de l’année et des conditions climatiques afin d’établir un dispositif permettant aux chasseurs d’intervenir plus facilement à titre exceptionnel en dehors des périodes habituelles de chasse ou d’en étendre les horaires en cas de nécessité ;

Invite le Gouvernement à établir un protocole afin que les chasseurs puissent intervenir dans les plus brefs délais après un signalement par le monde agricole de dégâts ou de risque de dégâts de grand gibier ;

Invite le Gouvernement à assouplir les limitations du tir du sanglier ;

Invite le Gouvernement à faire prendre en charge l’indemnisation des dégâts aux cultures par le gibier à hauteur de 100 % par l’État ;

Souhaite que le Gouvernement prenne mieux en compte les dégâts diffus dans l’indemnisation ;

Souhaite que le Gouvernement développe une filière de venaison pour valoriser la viande de gibier issue de la chasse.