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No 3544

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 novembre 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE

relative à l’avenir de la politique agricole commune,
aux accords de libre-échange entre l’Union européenne
et les Etats tiers,
à la structuration des filières agricoles
et à l’encouragement des circuits courts

 

 

 

TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES EUROPÉENNES

 

ANNEXE AU RAPPORT

 

 

Voir les numéros : 3123, 3175, 3187 et 3225.

 


1

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et ses articles 4 et 38 à 44,

Vu le règlement n°1308/2013 relatif à l’organisation commune des marchés de produits agricoles,

Vu le règlement n°2017/2393 du 13 décembre 2017 dit « Omnibus »,

Vu les directives de négociation, adoptées le 22 mai 2018 par le Conseil de l’Union européenne, pour la conclusion d’un accord de libre‑échange avec la Nouvelle‑Zélande (7661/18),

Vues les directives de négociation, adoptées le 17 septembre 1999 par la Commission européenne, d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur et l’annonce, le 28 juin 2019, d’un accord politique relatif à cet accord de libre-échange,

Vue la communication de la Commission européenne intitulée « Une stratégie ‘De la ferme à la table’ pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l'environnement » du 20 mai 2020,

Vu l’accord sur les « orientations générales » pour la politique agricole commune entre 2023 et 2027 trouvé par le Conseil le 21 octobre 2020,

Vues les propositions de résolution européenne n°3123 relative à la souveraineté agricole et alimentaire européenne, présentée par MM. Fabrice Brun et Julien Dive et plusieurs de leurs collègues ; n°3175 relative aux accords de libre-échange entre l’Union européenne et les pays tiers et à l’encouragement de la structuration des filières agricoles dans le cadre de la politique agricole commune (2021‑2027), présentée par MM. Jean‑Baptiste Moreau, Stéphane Travert, Frédéric Descrozaille, Pierre Venteau et plusieurs de leurs collègues ; n°3225 relative à la possibilité pour la France d’appliquer une TVA à un taux très réduit voire nul aux produits alimentaires issus des circuits courts, présentée par MM. Julien Dive et Fabrice Brun ; n°3187 sur l’accessibilité de l’agriculture de proximité aux marchés publics de restauration collective, présentée par M. Jean-Louis Thiériot et plusieurs de ses collègues,

Considérant que l’article 39 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne définit comme l’un des objectifs de la politique agricole commune celui « d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture »,

Considérant que la politique agricole commune, politique fondatrice de l’Union, a rempli, depuis 1962, un rôle essentiel pour l’Union européenne et mérite toujours d’être considérée comme une priorité stratégique, au regard de l’impératif de sécurité alimentaire, de soutien au revenu des agriculteurs, de développement rural, de maintien des activités agricoles dans tous les territoires, y compris ceux qui souffrent de handicaps naturels ou sont naturellement défavorisés, ainsi que de maintien de la diversité des territoires et productions agricoles européennes,

Considérant la nécessité de définir un cap agricole, alimentaire solidaire et souverain à l’Union européenne,

Considérant la situation sanitaire particulière résultant de la pandémie mondiale de covid-19 et la mise en évidence du caractère stratégique de la continuité de l’approvisionnement alimentaire et du caractère indispensable de la politique agricole commune pour atteindre cet objectif,

Considérant le rôle essentiel assuré par l’agriculture européenne et française dans ce contexte et la nécessité de garantir la pérennité d’une agriculture locale,

Considérant que, lors de la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19, nos agriculteurs ont continué à travailler et à produire, constituant ainsi, derrière les soignants, la deuxième ligne de défense face à l’épidémie dans un contexte où l’économie était quasiment à l’arrêt,

Considérant que la crise sanitaire fait de la souveraineté alimentaire européenne et française une priorité et appelle, de ce fait, à une remise en cause du cadre européen des négociations commerciales,

Considérant que la garantie d’un revenu couvrant le coût de production et assurant la rémunération du travail agricole est la condition essentielle du maintien d’une agriculture française et européenne,

Considérant la volatilité accrue des marchés agricoles et ses effets néfastes pour les agriculteurs, ainsi que la nécessité de compléter les outils de gestion de crise et de les rendre plus efficients par des outils de gestion de marché dont les différentes filières auraient la responsabilité,

Considérant que la structuration des filières agricoles et le renforcement du regroupement de l’offre, au travers d’organisations de producteurs ou d’associations d’organisations de producteurs, constituent des éléments majeurs de nature à garantir un tel revenu et doit être un objectif de la prochaine politique agricole commune,

Considérant que le budget de la politique agricole commune doit être maintenu au moins à son niveau actuel et que cette politique doit conserver sa dimension pleinement européenne, dont la nécessité a été à nouveau rappelée par la crise résultant de la pandémie de Covid-19, en évitant toutes les distorsions règlementaires et formes de renationalisation des politiques agricoles pouvant résulter des plans stratégiques nationaux,

Considérant que les parlementaires européens et nationaux doivent disposer d’un niveau satisfaisant d’informations sur le contenu et le déroulé des négociations d’accords commerciaux entre l’Union européenne et les Etats tiers, en particulier dans le cadre des négociations sur la relation future entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, qui aura un impact majeur sur les agriculteurs et les pêcheurs européens,

 

Se félicite des conclusions du Conseil européen du 21 juillet 2020 qui maintient le budget de la politique agricole commune, tout en restant attentive à ce que la mise en œuvre de ces conclusions soit effective,

Se réjouit qu’un accord sur la politique agricole commune pour la période 2023-2027 ait pu être trouvé par le Conseil « Agriculture et pêche » le 21 octobre 2020, avec les objectifs d’une politique agricole plus écologique, plus juste et plus simple, et prévoyant la possibilité de créer des programmes sectoriels permettant de structurer l’action des organisations de producteurs et coopératives pour la plupart des filières agricoles,

Demande à la Commission européenne de produire et de communiquer aux parlements nationaux une étude de l’impact de la stratégie « de la ferme à la table » sur la politique agricole commune,

Sollicite la Commission européenne pour qu’elle propose, dans le cadre de la politique agricole commune, de nouvelles actions pour enrayer la chute démographique des agriculteurs européens et favoriser l’entrée dans les métiers de l’agriculture d’un nombre plus important de femmes,

Propose, dans cet objectif, de mettre en place un bonus au sein des aides du premier pilier de la politique agricole commune pour les jeunes agriculteurs, les premières installations et les reprises d’exploitations,

Suggère de faire de la structuration des filières agricoles l’un des objectifs de la prochaine politique agricole commune, en favorisant des modes d’organisation économique des producteurs efficaces, afin de pouvoir faire face à la domination des grands groupes de l’agroalimentaire et de la distribution dans les négociations commerciales et dans la captation de la valeur ajoutée,

Propose, dans cet objectif, de subordonner, pour les producteurs agricoles ne procédant pas à la vente directe au consommateur de la majeure partie de leur production, l’accès aux aides octroyées par la politique agricole commune à l’appartenance à une organisation de producteurs telle que définie aux articles 152 à 154 du règlement n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits,

Juge nécessaire que la Commission européenne réfléchisse à la mise en place d’un « score » européen sur les produits alimentaires, fondé sur le niveau de rémunération des agriculteurs,

Demande à la Commission européenne d’adopter un principe de réexamen et d’adaptation éventuelle régulière des mandats de négociation de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats tiers,

Juge indispensable de procéder à un réexamen global et à une adaptation éventuelle de l’ensemble des accords conclus et des mandats de négociation de la Commission européenne, en particulier dans les négociations avec la Nouvelle-Zélande et le Mexique et sur la ratification de l’accord de libre-échange avec le Mercosur, dans le but de tenir compte des conditions particulières créées par la crise sanitaire résultant de la pandémie de covid-19,

Exige que les accords commerciaux sectoriels et généraux en cours de négociation fassent l’objet d’une transparence accrue et une adoption par les parlements nationaux avant toute mise en application,

Demande que l’Union européenne garantisse, par des actes normatifs et des moyens spécifiques et affectés, le principe de réciprocité et d’égalité des conditions de concurrence sanitaires et environnementales, en interdisant de proposer à la vente ou à la distribution à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation et ne respectant pas les standards environnementaux édictés au niveau européen,

 

Suggère d’adapter plus profondément, au-delà des avancées du règlement 2017/2393 du 13 décembre 2017 dit « Omnibus », le droit européen de la concurrence aux spécificités agricoles, en garantissant l’effectivité de la primauté de la politique agricole commune sur la politique de concurrence et le respect de l’activation des clauses de sauvegarde,

Demande à ce qu’une définition européenne des « circuits courts » puisse être établie, en se fondant notamment sur la pratique de la remise directe au consommateur final et l’existence d’un nombre restreint d’intermédiaires,

Propose, une fois cette définition établie, de permettre aux Etats membres de favoriser les produits issus de circuits courts en les autorisant à y appliquer, dans le respect de l’article 110 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée,

Demande à la Commission européenne de proposer une réforme de la directive 2014/24 du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, afin de valoriser les avantages environnementaux et sanitaires des circuits courts dans la passation de ces marchés.