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No 4792

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2021.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE

 

visant à protéger la base industrielle et technologique de défense
et de sécurité européenne des effets de la taxonomie européenne
de la finance durable,

 

 

TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES EUROPÉENNES

 

ANNEXE AU RAPPORT

 

 

Voir les numéros : 4727.

 


—  1  —

 

 

proposition de résolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier ses articles 14 et 42,

Vu le programme du 25 septembre 2015 adopté par l’Assemblée générale des Nations unies intitulé « Transformer notre monde : le programme de développement durable à l’horizon 2030 »,

Vu la communication du 22 novembre 2016 de la Commission européenne intitulée « Prochaines étapes pour un avenir européen durable – action européenne en faveur de la durabilité : questions et réponses »,

Vu le règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020 du Parlement européen et du Conseil sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088,

Vu le rapport technique du 5 mars 2021 du Centre conjoint de recherche de l’Union européenne sur le « Development of EU Ecolabel criteria for Retail financial products »,

Vu la communication de la Commission européenne du 30 novembre 2016 intitulée « Plan d’action européen de défense »,

Vu la déclaration du 17 janvier 2019 de Madame Florence Parly, ministre des Armées, au Bourget sur l’industrie de l’armement française et européenne,

Vu la note d’information n° 13 du 6 juillet 2020 de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale sur « les enjeux de la base industrielle et technologique de défense européenne »,

Vu le rapport du 17 février 2021 de la mission flash de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale sur « le financement de l’industrie de défense »,

Sur l’importance d’une industrie de la défense forte pour l’autonomie stratégique européenne et française

Considérant la crise des organisations multilatérales de sécurité et de coopération le développement accru de la conflictualité, avec un recours de plus en plus désinhibé à la force par les acteurs étatiques et non‑étatiques,

Considérant que par la fourniture d’équipements aux forces armées des États membres et de leurs partenaires, l’industrie de défense permet à l’Union européenne d’assurer sa propre sécurité face aux menaces et favorise l’autonomie stratégique dans ses décisions,

Considérant que Madame Florence Parly, ministre des Armées, a déclaré au Bourget que « notre autonomie politique et opérationnelle repose d’abord sur une autonomie technologique et industrielle » et par la suite aux Rencontres économiques d’Aix‑en‑Provence qu’il était choquant de « dire que les activités de défense ne doivent pas être financées par les organisations financières et les banques, au même titre que les activités pornographiques »,

Considérant les importantes retombées économiques, sociales, technologiques et fiscales découlant de l’industrie de défense et des activités associées,

Sur les relations entre les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance et la base industrielle et technologique de défense

Considérant que l’application problématique et inappropriée de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance conduit à terme à priver les entreprises européennes de la défense et de la sécurité du bénéfice de certains services financiers et assurantiels,

Considérant qu’il n’y a aucune raison d’exclure a priori un secteur industriel quel qu’il soit d’une démarche de développement durable,

Considérant que certains travaux techniques de la Commission européenne sur l’établissement d’un écolabel pour les produits financiers de détail qui envisagent d’exclure de ce dernier les entreprises dont 5 % ou plus du chiffre d’affaires est constitué par des activités de production ou de vente d’armes conventionnelles ou d’équipements militaires « utilisés pour le combat », ne peuvent qu’aggraver la stigmatisation du secteur par les acteurs de la finance,

Considérant la contribution cruciale du secteur de la défense aux Objectifs de développement durables des Nations unies, définis par le programme à l’horizon 2030 et constituant la base de la taxonomie, et notamment le 16e objectif : « Paix, justice et institutions efficaces »,

Considérant l’effort réalisé par la communauté de la défense en vue de la transition écologique, que ce soit sous l’impulsion des différentes forces armées européennes ou des initiatives prises par les entreprises de la défense et de la sécurité,

Considérant que 80 % du foncier métropolitain des armées fait l’objet d’une protection au titre de la biodiversité et que plus de 20 % est classé Natura 2000,

Considérant que les forces armées participent activement à la surveillance maritime du deuxième espace maritime mondial au titre de l’action de l’État en mer pour y préserver notamment les ressources halieutiques et lutter contre toutes les formes de pollution,

Considérant que le ministère des Armées doit être considéré, grâce notamment aux équipements qu’il met en œuvre, comme l’un des acteurs majeurs de la protection des espaces naturels et du respect des normes environnementales promues par la France et l’Union européenne,

Considérant qu’il ne pourra y avoir de politique sérieuse de réduction de l’empreinte environnementale de l’État sans un accompagnement résolu de la transition écologique des équipements militaires et un développement en écoconception des futurs matériels des armées dont la production est européenne à plus de 90 %,

Considérant enfin qu’une production industrielle localisée en Europe contribue aux objectifs d’un développement réellement durable,

Sur l’inopportunité de l’exclusion de l’industrie de défense de certaines dispositions en lien avec la taxonomie européenne de la finance durable

Considérant, ainsi que l’a souligné la ministre des armées, qu’une exclusion de l’industrie de défense et de sécurité de certaines dispositions en lien avec la taxonomie européenne de la finance durable relèguerait l’ensemble du secteur au rang des pratiques commerciales irrégulières ou illégitimes, risquant ainsi de paralyser cet écosystème industriel déjà fragmenté et dont les collaborations européennes sont encore trop insuffisantes,

Considérant l’importance sociale, économique et stratégique d’une industrie européenne regroupant plus de 460 000 travailleurs qualifiés et réalisant un chiffre d’affaires de 180 milliards d’euros par an,

Considérant que les entreprises de la base industrielle et technologique de défense souhaitent s’investir de manière positive dans l’élaboration d’une taxonomie européenne de la finance durable,

Considérant que l’écosystème de défense est fermement ancré dans le système juridique de l’Union européenne et de ses États membres, que ces entreprises respectent strictement les conventions internationales applicables et la réglementation du contrôle à l’exportation,

Considérant l’importance des initiatives volontaires de l’Union européenne dans le domaine de la défense (coopération structurée permanente, fonds européen de défense, initiative européenne pour la paix, etc.),

Considérant en conséquence qu’une exclusion de la taxonomie européenne de la finance durable affaiblit significativement les efforts en cours pour le renforcement d’une base industrielle et technologique de défense européenne,

1. Demande à la Commission européenne de revenir sur le projet, formulé par le centre conjoint de recherche de l’Union européenne, d’exclure l’industrie de défense de la taxonomie européenne de la finance durable et également de revenir sur le projet d’exclure de l’écolabel sur les produits financiers de détail les entreprises dont 5 % ou plus du chiffre d’affaires est constitué par des activités de production ou de vente d’armes conventionnelles ou d’équipements militaires « utilisés pour le combat » ;

2. Demande à la Commission européenne, dans l’élaboration à venir de la taxonomie sociale des activités économiques, de reconnaître le rôle social positif de l’industrie de défense en tant qu’elle contribue à la fourniture d’un besoin essentiel des citoyens européens qu’est la sécurité, tout en donnant à l’Union européenne les moyens de son autonomie stratégique

3. Insiste sur la nécessité au contraire de promouvoir l’investissement en faveur des entreprises de la base industrielle et technologique de défense européenne afin de doter l’Union européenne d’une autonomie décisionnelle stratégique et lui permettre ainsi d’assurer la sécurité de ses États membres tout en favorisant une approche de développement durable ;

4. Invite le Gouvernement à peser de tout son poids, et notamment à profiter de la prochaine présidence française du Conseil, pour faire valoir auprès des institutions européennes et des autres États membres de l’Union les enjeux liés à l’existence d’une base industrielle et technologique de défense européenne forte dont l’existence est compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris.