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N° 4898

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 janvier 2022.

 

TEXTE DE LA COMMISSION
des lois constitutionnelles, de la lÉgislation et de l’administration gÉnÉrale de la RÉpublique

ANNEXE AU RAPPORT

PROPOSITION  DE  RÉSOLUTION EUROPÉENNE

 

 

 

visant à inscrire parmi les priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne l’adoption d’une législation ambitieuse sur le devoir de vigilance des multinationales.

 

 

Voir les numéros : 4328 et 4889.


1

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

Vu le règlement (UE) n° 995/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché,

Vu le règlement (UE) 2017/821 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 fixant des obligations liées au devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement pour les importateurs de l’Union qui importent de l’étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais et de l’or provenant de zones de conflit ou à haut risque,

Vu la communication COM (2019) 640 final de la Commission du 11 décembre 2019, « Le pacte vert pour l’Europe »,

Vu la résolution du Parlement européen du 25 octobre 2016 sur la responsabilité des entreprises dans les violations graves des droits de l’homme dans les pays tiers (2015/2315 (INI)),

Vu le programme de développement durable à l’horizon 2030 de l’Organisation des Nations unies, adopté en 2015, notamment les dix‑sept objectifs de développement durable,

Vu le cadre de référence des Nations unies de 2008 pour les entreprises et les droits de l’homme intitulé « Protéger, respecter et réparer »,

Vu les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme approuvés par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies dans sa résolution 17/4 du 16 juin 2011 « Les droits de l’homme et les sociétés transnationales et autres entreprises »,

Vu la résolution 26/9 « Élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme » adoptée le 26 juin 2014 par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies lors de la vingt‑sixième session,

Vu la déclaration de l’Organisation internationale du travail relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 86ème session, à Genève, le 18 juin 1998,

Vu la déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale adoptée par le Conseil d’administration du Bureau international du travail (mars 2017),

Vu la loi n° 2017‑399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre,

Vu la résolution du Parlement européen du 10 mars 2021 contenant des recommandations à la Commission sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises (2020/2129 (INL)),

Vu l’étude de janvier 2020 réalisée pour la direction générale de la justice et des consommateurs de la Commission européenne, intitulée « Exigences liées au devoir de vigilance dans la chaîne d’approvisionnement »,

Considérant que la France, avec la loi n°2017-399 du 27 mars 2017 précitée, a ouvert la voie à une nouvelle forme de régulation des activités des entreprises multinationales, de leurs filiales ainsi que de leurs sous‑traitants et fournisseurs ;

Considérant que cette loi « passe‑muraille » a enclenché un processus générateur de droit à l’échelle planétaire, permettant d’identifier les atteintes graves à la dignité humaine et à l’environnement sur l’ensemble de la chaîne de valeur, et d’esquisser des solutions structurelles dans les régions et les filières concernées ;

Considérant que la législation française fait école en Europe, en inspirant notamment des initiatives similaires dans les États membres, dont l’Allemagne, les Pays‑Bas, l’Autriche, la Finlande, la Belgique et le Luxembourg, et qu’il convient de prévenir un risque de fragmentation juridique au sein de l’Union ;

Considérant que les travaux conjoints du Parlement européen et de la Commission européenne plaident pour l’adoption d’une directive ambitieuse sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises ;

Considérant que la mise en œuvre d’un devoir de vigilance par l’Union européenne contribuerait à renforcer son action extérieure, notamment en faveur de la solidarité entre les peuples, du maintien de la paix, de l’élimination de toutes les formes de pauvreté, de la protection des droits de l’homme, du développement durable, du commerce libre et équitable, conformément aux articles 3 et 21 du traité sur l’Union européenne ;

Considérant que l’Union européenne doit jouer un rôle moteur dans les négociations en cours au sein du groupe de travail intergouvernemental des Nations unies visant à élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises concernant les droits de l’homme ;

Considérant que l’existence d’un voile juridique séparant les sociétésmères et donneuses d’ordre de leurs filiales, fournisseurs et soustraitants constitue, pour les victimes d’atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement commises par des sociétés, une entrave au droit à un recours effectif, garanti par l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

Considérant que l’année 2021 a été déclarée année internationale pour l’élimination du travail des enfants par les Nations unies, tandis que l’Organisation internationale du travail recensait encore 152 millions d’entre eux au travail en 2019 ;

Considérant que la future législation de l’Union européenne s’inscrirait dans la construction d’un nouveau modèle d’entreprise européen, héritier d’un humanisme qui sera une force dans la mondialisation et un facteur de prospérité au sein de l’Union ;

1. Invite le Gouvernement à inscrire parmi les priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022 l’avancée des négociations autour d’une directive qui, comme le prévoit la loi française, impose aux entreprises de mettre en œuvre de manière effective des mesures adaptées d’identification et d’atténuation des risques et de prévention des atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement sur leur chaîne de valeur ;

2. Estime que l’évaluation de la loi n° 2017‑399 du 27 mars 2017 précitée, de ses forces et de ses voies de progrès, constituerait une ressource précieuse pour la Commission européenne afin d’élaborer un projet de directive, et pour le Gouvernement, dans la perspective des négociations au Conseil de l’Union européenne ;

3. Encourage la Commission, comme l’a précédemment fait le Parlement européen dans sa résolution du 10 mars 2021 susvisée en faveur d’une législation contraignante sur les multinationales, à présenter dans les meilleurs délais une telle législation ;

4. Demande en conséquence à la Commission de proposer une législation qui :

a) Garantisse et facilite l’accès à la justice et à des réparations pour celles et ceux dont les droits ont été affectés par l’activité des entreprises et de leur chaîne d’approvisionnement ;

b) Prévoie systématiquement la consultation des parties prenantes et la participation des salariés, en tant que parties constituantes, au processus d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation des mesures de vigilance des entreprises ;

a) Permette à toute personne justifiant d’un intérêt à agir d’engager la responsabilité civile des entreprises quand celles-ci manquent à leurs obligations de vigilance.