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N° 281

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 octobre 2022.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

affirmant le soutien de l’Assemblée nationale à l’Ukraine
pour le recouvrement de sa pleine souveraineté dans ses frontières internationalement reconnues, invitant au renforcement des sanctions à l’égard de la Fédération de Russie et à l’investigation de
tous les crimes commis par les forces d’occupation russes,
et appelant au rapatriement de toutes les populations ukrainiennes déportées de force en Russie,

présentée par Mesdames et Messieurs

Boris VALLAUD, Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, MarieNoëlle BATTISTEL, Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Inaki ECHANIZ, Olivier FAURE, Guillaume GAROT, Jérôme GUEDJ, Johnny HAJJAR, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, Gérard LESEUL, Philippe NAILLET, Bertrand PETIT, Anna PIC, Christine PIRES BEAUNE, Dominique POTIER, Valérie RABAULT, Claudia ROUAUX, Isabelle SANTIAGO, Hervé SAULIGNAC, Mélanie THOMIN, Cécile UNTERMAIER, Roger VICOT,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Trente ans presque jour pour jour après le début de la dernière guerre européenne, qui venait boucler le cycle macabre du XXe siècle de Sarajevo à Sarajevo, la barbarie, le piétinement du droit international et du plus élémentaire respect de la dignité humaine sont de retour sur le sol européen depuis le 24 février 2022. Ce sont des enfants, des femmes, des personnes âgées ou alitées qui ont été victimes de bombardements sans distinction des chars et de l’artillerie russes à quelques centaines de kilomètres de Varsovie, Vilnius ou Bucarest.

La Fédération de Russie, sans même assumer de lui déclarer une guerre mais après près de dix ans d’infiltration, d’annexion, de déstabilisation, d’occupation partielle, ayant déjà fait plus de 16 000 victimes ukrainiennes, a fait fondre ses forces militaires et paramilitaires sur l’Ukraine et son peuple, frappant indistinctement les cibles civiles et militaires, causant de nombreuses victimes, dont le nombre n’est à ce jour que très partiellement connu mais comptant de manière certaine plusieurs dizaines de milliers de personnes, et des déplacements de millions de personnes. Le Haut‑Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) recense ainsi 6,6 millions de personnes réfugiées en Europe et 7,1 millions déplacées au sein de l’Ukraine.

Dans les zones occupées par les forces régulières et paramilitaires russes, exécutions sommaires, viols, tortures et actes de barbarie sont aujourd’hui documentés, notamment par des forces spéciales de la gendarmerie Française avec les experts de treize autres pays européens qui coopèrent avec la Cour pénale internationale (CPI), qui a reçu le mandat de quarante‑trois États pour enquêter sur cette « scène de crime » qu’est devenue l’Ukraine. Les faits déjà documentés constituent d’indéniables crimes de guerre, dont 29 000 présumés ont déjà été signalés aux services du procureur général d’Ukraine, et de probables crimes contre l’humanité.

Dans ces zones occupées, la Russie met en place une politique massive de déportation de populations, parfois par la séparation des enfants de leur famille. Le ministère russe de la défense a lui‑même revendiqué d’avoir transféré de force vers la Russie sur les seuls quatre premiers mois de la guerre 1,9 million d’Ukrainiens, dont plus de 307 000 enfants. Ceux‑ci étant pour certains « en cours de rééducation » selon la déclaration le 31 mai dernier de Maria Lvova Belova, la commissaire aux droits de l’enfant auprès de la présidence de la Fédération de Russie. Et sur ces plus de 300 000 enfants, au moins 7 000 ont fait l’objet de séparation de leurs familles et sont susceptibles de faire l’objet de procédures d’adoptions forcées. Ces actes ont de nouveau été évoqués le 7 septembre 2022 devant le Conseil de sécurité des Nations unies par l’ambassadrice américaine qui a fait état d’estimations provenant d’un éventail de sources, dont Moscou, estimant entre 900 000 et 1,6 million le nombre d’Ukrainiens « interrogés, arrêtés et déportés de force » en Russie.

L’idée même de civilisation européenne est en jeu en Ukraine, attaquée parce que libre et démocratique, dans le voisinage immédiat de régimes qui ne partagent pas ces valeurs et qui s’en sont fait les premiers contempteurs. Derrière l’Ukraine, ce sont les principes fondateurs de l’Europe, et l’Union européenne elle‑même, qui sont attaqués. Et comme la guerre de la Russie contre l’Ukraine avait commencé avant le 24 février, l’entreprise de déstabilisation de l’Union Européenne remonte à loin également. Souvenons‑nous des attaques que nous, Français et Européens, avons subies depuis des années. Cyber guerre, éliminations ciblées sur notre territoire, avion de ligne Malaisien reliant Amsterdam à Kuala Lumpur abattu au‑dessus de l’Ukraine, guerre idéologique via la diffusion de chaînes de désinformation, mais aussi financement d’une 5e colonne qui, fidèle à son histoire, parle de souveraineté, de préférence nationale, mais s’en prend comme une ligue à la République et collabore avec la première dictature venue. Nous avons laissé prospérer une insupportable ingérence.

La question des frontières, bien que lancinante aux marges de l’Europe, est de nouveau une question de vie et de mort. C’est un État membre du Conseil de Sécurité de l’ONU qui a sciemment violé l’intégrité des frontières territoriales ukrainiennes, en dehors de tout respect du droit international. Ce faisant, la Russie a de plus violé les termes du Mémorandum de Budapest de 1994 par lequel elle reconnaissait les frontières de l’Ukraine et affirmait son « obligation de s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de l’Ukraine ». Conformément aux termes de ce même Mémorandum, l’Ukraine avait, quant à elle, de 1994 à 1996, rétrocédé 1 900 armes nucléaires stratégiques héritées de l’époque soviétique à la Russie pour qu’elles y soient démantelées. Derrière cette remise en cause, ce sont les principes même de l’ordre international issu de l’après Deuxième Guerre mondiale qui sont attaqués. Les logiques de puissance et la politique du fait accompli ne peuvent servir de fondement aux règles d’usage de la communauté internationale.

Mémorandum relatif aux garanties de sécurité dans le cadre de l’adhésion de l’Ukraine au Traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires.

L’Ukraine, la Fédération de Russie, le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord et les États‑Unis d’Amérique,

Se félicitant de l’adhésion de l’Ukraine au Traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires en tant qu’État non doté d’armes nucléaires,

Considérant que l’Ukraine s’est engagée à éliminer toutes les armes nucléaires de son territoire dans un délai précis,

Notant les changements intervenus dans la situation sécuritaire à l’échelle mondiale, notamment la fin de la Guerre froide, qui ont créé les conditions nécessaires à une forte réduction des forces nucléaires,

Confirment ce qui suit :

1. La Fédération de Russie, le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord et les États‑Unis d’Amérique réaffirment leur engagement envers l’Ukraine, conformément aux principes énoncés dans l’Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, de respecter son indépendance et sa souveraineté ainsi que ses frontières existantes.

2. La Fédération de Russie, le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord et les États‑Unis d’Amérique réaffirment leur obligation de s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de l’Ukraine, et qu’aucune de leurs armes ne soit utilisée contre l’Ukraine, si ce n’est en légitime défense ou d’une autre manière conforme aux dispositions de la Charte des Nations Unies.

3. La Fédération de Russie, le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord et les États‑Unis d’Amérique réaffirment, conformément aux principes énoncés dans l’Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, leur engagement envers l’Ukraine de ne pas recourir à la coercition économique afin de subordonner à leur propre intérêt l’exercice par l’Ukraine des droits inhérents à sa souveraineté et d’en tirer un avantage quelconque.

4. La Fédération de Russie, le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord et les États‑Unis d’Amérique réaffirment leur engagement de demander au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies d’intervenir immédiatement pour venir en aide à l’Ukraine, en tant qu’État non doté d’armes nucléaires partie au Traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires, si celle‑ci faisait l’objet d’une agression ou d’une menace d’agression faisant appel à l’arme nucléaire.

5. La Fédération de Russie, le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord et les États‑Unis d’Amérique réaffirment, en ce qui concerne l’Ukraine, leur engagement de ne pas utiliser d’armes nucléaires contre un État non doté d’armes nucléaires partie au Traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires, sauf en cas d’attaque dirigée à leur encontre, leurs territoires ou des territoires dépendants, leurs forces armées ou leurs alliés par un tel État, associé ou allié à un État doté d’armes nucléaires.

6. L’Ukraine, la Fédération de Russie, le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord et les États‑Unis d’Amérique se consulteront dans le cas où une question se poserait au sujet des engagements énoncés ci‑dessus.

Le présent Mémorandum est applicable dès sa signature.

SIGNÉ en quatre exemplaires faisant également foi en langues ukrainienne, anglaise et russe.

Budapest, le 5 décembre 1994.

Pour l’Ukraine : LEONID D. KUCHMA

Pour la Fédération de Russie : BORIS N. ELTSINE

Pour le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord : JOHN MAJOR

Pour les États‑Unis d’Amérique : WILLIAM J. CLINTON

Dans ce cadre, il est indispensable que la France soutienne le plein respect de la souveraineté nationale de l’Ukraine et le retour aux frontières internationales de 1991. Des référendums Potemkine n’y changeront rien. Le Donbass c’est l’Ukraine. La Crimée c’est l’Ukraine. Il convient que la France s’engage fermement, conformément aux conclusions du Conseil européen du 23 juin 2022 et à la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU du 2 mars 2022, en faveur du retrait immédiat et sans condition de toutes les troupes et équipements militaires de la Fédération de Russie de la totalité du territoire de l’Ukraine à l’intérieur des frontières reconnues au niveau international. La question de la démilitarisation de cette frontière serait alors l’horizon suivant.

Toute ambiguïté sur ce point reviendrait à accepter d’envisager l’idée que l’agression militaire conduite par la Russie pourrait être sanctionnée par des gains territoriaux à son profit. Toute ambiguïté sur ce point reviendrait à envisager l’idée d’abandonner des millions d’Ukrainiennes et d’Ukrainiens résidant sur ces territoires aux mains de leurs « libérateurs ». Toute ambiguïté sur ce point reviendrait à reconnaître au moins partiellement la légitimité des « référendums » Potemkine organisés par l’armée et les autorités d’occupation Russes dans ces territoires. Toute ambiguïté sur ce point reviendrait à accepter le fait accompli des coups de boutoir successifs de l’expansionnisme russe en Ukraine depuis 2014.

Toute ambiguïté sur ce point est en vérité inacceptable car coupable.

Derrière « l’opération militaire spéciale » contre les forces ukrainiennes apparaît de nouveau la perspective d’un conflit de masse, d’une guerre totale qu’est venu confirmer l’oukase de mobilisation partielle d’un nouveau contingent annoncé de 300 000 soldats à la fin du mois de septembre 2022 mais dont la rédaction n’est aucunement limitative et pourrait conduire à une mobilisation bien plus large.

Ce conflit peut basculer à tout moment dans une escalade militaire encore plus grande. La situation de tensions autour de la centrale nucléaire de Zaporijia fait craindre un incident majeur, aux conséquences qui pourraient être irréversibles. La question de l’emploi des armes nucléaires, y compris tactiques, sur le sol européen se pose aussi avec une particulière gravité, alors que nous voyons se mettre en place une stratégie de la « mer brûlée », lorsque bouillonne la mer du Nord du sabotage de gazoducs, comme il y eu en son temps une stratégie de la terre brûlée.

L’Ukraine est l’avant‑garde des pays qui assurent aujourd’hui la sécurité européenne. Nous devons à l’Ukraine cette perspective d’intégrer un jour l’Union européenne, comme l’ont décidé les chefs d’État et de Gouvernement.

Les pays de l’UE, en coordination avec l’OTAN ont, à la fois de manière propre et conjointement, apporté un soutien militaire à l’Ukraine qui a contribué à sa sécurité et sa défense.

Pourtant, il convient de constater que l’aide militaire européenne est faible au regard de l’aide apportée par les États‑Unis d’Amérique. De plus, au sein des pays européens, la France est très loin de tenir son rang dans cet effort de défense d’après les informations publiques publiées notamment par le Kiel Institute.

Si l’on comprend que l’aide militaire soit fonction de l’état des stocks, ce qui donne aux États‑Unis une responsabilité éminente qu’ils assument, les pays de l’Union européenne, en plus de leur effort militaire, devraient en revanche être aux avants postes de l’aide financière à l’Ukraine, qui en a un besoin tout aussi vital.

Face à ce conflit, l’Union européenne n’a pas fait état de ses divisions, comme certains l’attendaient, mais a montré un front uni à travers les mesures de sanction successives prises à l’égard de la Russie.

      Dans le secteur financier :

– une limitation de l’accès aux marchés primaire et secondaire des capitaux de l’UE pour certaines banques et entreprises russes ;

– l’interdiction d’effectuer des transactions avec la Banque centrale russe et la Banque centrale de Biélorussie ;

– l’exclusion de certaines banques russes et biélorusses du système SWIFT ;

– l’interdiction de fournir des billets de banque libellés en euros à la Russie et à la Biélorussie ;

– l’interdiction de tout financement public ou investissement en Russie ;

– l’interdiction d’investir dans des projets cofinancés par le Russian Direct Investment Fund et d’y contribuer ;

      Dans le secteur de l’énergie :

– l’interdiction des importations de charbon en provenance de Russie ;

– l’interdiction des importations de pétrole en provenance de Russie, à quelques exceptions près ;

– l’interdiction des exportations vers la Russie de biens et technologies dans le secteur du raffinage de pétrole ;

– l’interdiction de nouveaux investissements dans le secteur de l’énergie russe ;

      Dans le secteur des transports :

– la fermeture de l’espace aérien de l’UE à tous les aéronefs de propriété russe et immatriculés en Russie ;

– la fermeture des ports de l’UE aux navires russes ;

– l’interdiction pour les transporteurs routiers russes et biélorusses d’entrer sur le territoire de l’UE ;

– l’interdiction des exportations vers la Russie de biens et technologies dans le secteur de l’aviation, le secteur maritime et le secteur spatial ;

      Dans le secteur de la défense :

– l’interdiction des exportations vers la Russie de biens à double usage et de produits technologiques qui pourraient contribuer aux capacités de défense et de sécurité de la Russie ;

– l’interdiction du commerce des armes ;

      Dans le secteur des matières premières et autres biens :

- l’interdiction des importations de fer, d’acier, de bois, de ciment, de produits de la mer et d’alcools en provenance de Russie dans l’UE ;

– l’interdiction des exportations d’articles de luxe vers la Russie ;

– l’interdiction des importations d’or en provenance de Russie ;

      Dans le secteur des médias :

En 2022 l’Union européenne a suspendu les activités de diffusion de cinq médias publics russes :

– Sputnik

– Russia Today

– Rossiya RTR / RTR Planeta

– Rossiya 24 / Russia 24

– TV Central International

Ces sanctions sont à maintenir au regard de leurs effets sur l’économie et la société russes, contrairement aux éléments de langage des propagandistes pro Kremlin qui sévissent encore dans notre débat public et sur certains médias. L’université de Yale a notamment mis en évidence les chutes drastiques d’importations et de très nombreuses chaînes de productions.

Elles doivent même être renforcées au regard de la persévérance des autorités Russes dans leurs crimes et la persistance des discours d’influence pro‑Kremlin.

La sanction majeure, essentielle, non encore utilisée, serait une interruption ou quasi interruption de toutes les importations de gaz en provenance de la Russie, non pas à son initiative mais à l’initiative des pays de l’Union européenne.

Ces sanctions doivent également être élargies aux entreprises et individus relevant de nos juridictions et qui continuent de contribuer ou de bénéficier d’une manière ou d’une autre à l’effort de guerre Russes. Il en va ainsi du groupe TotalEnergies dont l’ONG GlobalWitness a mis au jour l’implication directe dans la fourniture d’hydrocarbures à des bases militaires russes mobilisées dans le cadre des interventions en Ukraine via ses participations dans les entreprises russes Novatek et Terneftegaz, cette dernière exploitant un champ gazier à Termokarstovoye. La totalité des gains financiers et dividendes (ceux versés au titre des 19,4 % dans Novatek pour le 1er semestre 2022 seraient de 440 millions d’euros) issus de ces activités doit être saisie et reversée aux autorités ukrainiennes par des mesures de sanction ciblées. La responsabilité pénale de ces entreprises et de leurs dirigeants doit être examinée avec la plus grande exigence.

Aujourd’hui, face à l’agression engagée à la seule initiative de la Fédération de Russie, l’Ukraine est une digue contre la barbarie, une sentinelle héroïque dans le combat pour la liberté et la préservation de la démocratie en Europe. Le courage de ses habitants et de sa population, la bravoure de ses militaires, la dignité de son président, Volodymyr Zelensky, sont des exemples éloquents. Nous devons une pleine solidarité au peuple d’Ukraine à une nouvelle heure tragique de son histoire et ne tolérer aucune forme de collaboration de la part de ressortissants, d’entreprises ou de toute organisation relevant des juridictions françaises et ne tolérer aucune coopération avec des personnes, entreprises ou organisation qui contribueraient d’une manière ou d’une autre à soutenir ou accompagner l’économie de guerre et le discours mortifère du Kremlin.

Aujourd’hui, se pose déjà la question de la reconstruction, même partielle, pour aider les zones libres de l’Ukraine à passer l’hiver, à retrouver une activité économique à même de soutenir la population et le redressement du pays.

Demain, si l’Union européenne et ses alliés sont à la hauteur du défi de cette guerre, nous écrirons ensemble les pages de la reconstruction de ce pays.

Ne doutons pas que les Ukrainiennes et Ukrainiens, aspirant à rejoindre l’Union européenne, sauront reprendre le fil de la démocratisation de leur société et de leurs institutions, permettant à leur pays de relever enfin les défis importants que tous les pays d’Europe ont eu ou ont encore à résoudre au sortir du terrible XXe siècle, tant vis‑à‑vis de leur mémoire que pour bâtir des institutions pleinement démocratiques et résoudre aussi bien des problèmes endémiques de corruption, que garantir les droits des minorités et notamment des langues régionales.

C’est pourquoi nous saluons l’octroi par le Conseil européen du statut de pays candidat à l’Union européenne à l’Ukraine et à la Moldavie. Cependant, il est nécessaire que cette décision ouvre un processus d’accompagnement effectif et volontariste pour que ces pays ne soient pas relégués de fait dans une zone d’attente interminable comme la lourde erreur a été commise vis‑à‑vis de plusieurs des pays de l’ex‑Yougoslavie et des Balkans occidentaux, vis‑à‑vis desquels les processus d’adhésion doivent également être fortement relancés. Erreur qui, une fois de plus, n’a pas manqué d’être exploitée par le pouvoir du Kremlin.

Nous appelons à une nouvelle volonté politique pour conduire ce nouvel élargissement de l’Union européenne, tout à la fois pour redonner de réelles perspectives à ces pays et à ces peuples, à même de redonner de la force à tous leurs partisans pro‑européens pour faire face notamment aux influences du Kremlin sur cette autre frontière de l’Union, ainsi que pour nous obliger, États et peuples membres de l’Union, à redéfinir un projet politique partagé.

Les Ukrainiens se battent, meurent par dizaines de milliers, et il aura fallu cela à certains égards pour que les Européens se réveillent. Quand avons‑nous perdu le fil de l’histoire, le fil d’une construction européenne qui était notre effort continu pour défier la guerre toujours possible, pour maintenir toujours hautes les exigences démocratiques, avant toutes autres considérations ?

Alors qu’il vient de quitter la scène de ce monde, relisons quelques lignes de Mikhaïl Gorbatchev dans son livre « Perestroïka » datant de 1987 :

« La course aux armements, tout comme la guerre nucléaire, est impossible à gagner. Poursuivre une telle course à la surface de la Terre, et l’étendre à l’espace, accélérerait le processus d’accumulation et de modernisation des armes nucléaires, accumulation dont le rythme est d’ores et déjà fébrile. La situation mondiale peut devenir telle qu’elle ne dépendra plus des politiques mais deviendra captive du hasard. Tous, nous sommes confrontés à l’exigence d’apprendre à vivre en paix dans ce monde, à élaborer un nouveau mode de pensée, car les conditions aujourd’hui sont bien différentes de ce qu’elles étaient il y a trente ou quarante ans.

Le temps est venu d’abandonner les visions d’une politique étrangère influencées par un point de vue impérial. Ni l’Union soviétique ni les ÉtatsUnis ne pourront l’imposer aux autres. Il est toujours possible de supprimer, contraindre, corrompre, briser ou détruire, mais seulement durant une période limitée. Si l’on envisage le long terme, si l’on se place sur le terrain de la politique à grande échelle, nul ne pourra jamais subordonner les autres. C’est bien pourquoi ne demeure qu’une seule et unique donnée : les relations d’égalité. Nous devons tous en prendre conscience. En même temps que les réalités cidessus évoquées concernant les armes nucléaires, l’écologie, la révolution scientifique, et technique, ainsi que l’information, c’est encore un point qui nous oblige au respect mutuel et général.

Tel est notre monde - complexe, mais pas désespéré. Nous restons persuadé que tout peut être résolu mais que chacun devrait repenser son rôle dans ce monde et s’y comporter de manière responsable. »

Instruits que nous sommes de ce que dans le souffle de la chute du Mur ce ne fut pas le silence de la fin de l’histoire qui se fit entendre mais à certains égards le retour de l’Histoire avec sa grande hache, celle qui n’envoie pas de faire‑part mais enfonce les portes des peuples, nous sommes requis.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 2 de la Charte des Nations unies,

Vu les articles 7, 8 et 8 bis du Statut de Rome de la Cour pénale internationale,

Vu les articles 13 et 14 de la Convention (III) de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949,

Vu la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949,

Vu le Préambule de la Convention sur la sûreté nucléaire adoptée le 17 juin 1994 par la Conférence diplomatique de l’Agence internationale de l’énergie atomique,

Vu la résolution A/RES/ES‑11/1 de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies en date du 2 mars 2022 sur l’agression contre l’Ukraine,

Vu la résolution A/RES/68/262 de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies en date du 27 mars 2014 sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine,

Vu l’article 21 du traité sur l’Union européenne,

Vu l’article 196 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu les conclusions du Conseil européen du 24 février 2022, des 24 et 25 mars 2022 et des 30 et 31 mai 2022,

Vu les conclusions du Sommet de Versailles des 10 et 11 mars 2022,

Vu les résolutions du Parlement européen 2022/2564 en date du 1er mars 2022 sur l’agression russe contre l’Ukraine et 2022/2560 du 7 avril 2022 sur les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2022, y compris les dernières évolutions de la guerre en Ukraine et les sanctions de l’Union contre la Russie ainsi que leur mise en œuvre,

Considérant l’agression armée de la Fédération de Russie contre l’intégrité territoriale de l’Ukraine survenue le 24 février 2022, en violation flagrante du droit international ;

Considérant que cette remise en cause des principes de la Charte des Nations Unies a été le fait d’un membre permanent du Conseil de sécurité ;

Considérant que cette agression armée a donné lieu à de nombreux actes ou faits de guerre en violation des principes élémentaires du droit international humanitaire, parmi lesquels des déplacements forcés de populations, exécutions sommaires et disparitions forcées ;

Considérant que de nombreux actes commis en Ukraine par les forces armées russes contreviennent aux articles 2 et articles 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et de protection des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe, portant respectivement sur le droit à la vie et l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants ;

Considérant les sept trains de mesures de sanctions successives pris à ce jour à l’égard de la Russie par l’Union européenne ;

Considérant les deux premières Conférences pour la reconstruction de l’Ukraine du 5 juillet et du 25 octobre 2022 ;

Considérant le soutien militaire des États membres de l’Union européenne à l’Ukraine, notamment à travers la facilité européenne pour la paix et leurs efforts de réassurance de leurs armées auprès des pays frontaliers ou de son voisinage ;

Considérant les risques de catastrophes majeures liés à l’absence de sécurité et la sûreté de certaines centrales nucléaires ukrainiennes dont Zaporijia et Pivdennoukrainsk ;

Considérant la décision du Conseil européen du 23 juin 2022 de donner une perspective européenne à l’Ukraine et de conférer à ce pays le statut de « pays candidat » à l’adhésion à l’Union européenne ;

Souhaite, conformément aux conclusions du Conseil européen du 23 juin 2022, que la France s’engage diplomatiquement en faveur du retrait immédiat et sans condition par la Fédération de Russie de toutes ses troupes et équipements militaires de la totalité du territoire de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières reconnues au niveau international ;

Invite les États membres de l’Union européenne, et notamment la France, à accroître substantiellement leur aide militaire au bénéfice de l’Ukraine, proportionnellement à leurs capacités respectives, et dans une mesure qui soit pleinement compatible avec le maintien de leurs postures de défense pour le territoire national, jusqu’à la victoire de l’Ukraine sanctionnée par un recouvrement de sa pleine souveraineté sur l’ensemble de son territoire dans la limite des seules frontières internationalement reconnues ;

Invite les États membres de l’Union européenne et notamment la France à accroître très fortement leur aide financière à l’égard de l’Ukraine à la fois pour que le pays puisse faire face à ses besoins courants ainsi que pour engager partout où cela est possible des démarches de reconstruction, sans attendre l’élaboration nécessaire d’un programme international de reconstruction de l’Ukraine dont l’Union européenne se devra de prendre la majeure part à sa charge ;

Souhaite que le Gouvernement accroisse son engagement pour l’accueil des réfugiés ukrainiens en France dans le cadre de la directive relative à la protection temporaire dont nous nous félicitons de l’activation ;

Incite ce dernier dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2023 à abonder les programmes budgétaires correspondant, au bénéfice de toutes les populations réfugiées en France, y compris pour les ressortissants russes fuyant le régime autoritaire qui les menace ou qui cherche à les mobiliser pour les enrôler dans une guerre qu’ils contestent et que nous devons savoir accueillir conformément à notre droit d’asile, en confortant l’adhésion que les Françaises et Français ont manifestée à l’égard de cet effort d’hospitalité, pour renforcer notre politique d’accueil et renforcer ainsi un des éléments constitutifs de notre modèle politique et civilisationnel, qui est aussi une des cibles du régime du Kremlin comme de plusieurs autres autocraties ;

Condamne tous les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés par la Fédération de Russie pour lesquels il existe des preuves suffisantes ;

Appelle dans ce cadre le Gouvernement à œuvrer au niveau des Nations unies à la mise en place pour l’Ukraine d’une structure de collecte de preuves similaire au « Mécanisme international impartial et indépendant à l’égard de la Syrie » en coopération avec Eurojust ;

Condamne la déportation de populations ukrainiennes en Russie, en particulier d’enfants isolés, et invite l’Union européenne et notamment la France à faire du rapatriement de la totalité des personnes déplacées vers les territoires souverains de l’Ukraine une exigence préalable à tout dialogue ;

Insiste sur la nécessité d’œuvrer en faveur du renforcement de la sûreté et de la sécurité des centrales nucléaires situées sur le territoire ukrainien à travers l’établissement notamment d’une zone démilitarisée autour de ces infrastructures et d’un contrôle accru sur ces dernières par l’Agence internationale de l’énergie atomique ;

Invite l’Union européenne à maintenir et approfondir les sanctions contre la Russie en les élargissant aux banques détenues par les proches du régime russe et aux entreprises ou individus bénéficiaires ultimes de structures sociétaires en France et au sein de l’Union européenne et qui y échappent encore et en associant systématiquement les mesures de gel des avoirs avec une interdiction de voyager sur le territoire européen ;

Invite l’Union européenne à renforcer et harmoniser entre ses États membres la législation relative au contrôle des exportations, afin de s’assurer que des pays tiers ne puissent servir d’intermédiaires en aidant la Russie à contourner les sanctions ;

Invite l’Union européenne à avancer résolument vers une autonomie énergétique totale à l’égard de la Russie. Cette entreprise ne doit pas se faire en nouant à nouveau des liens avec d’autres régimes autoritaires mais en renforçant au rythme le plus soutenu possible ses productions d’énergies décarbonées ;

Invite les États membres de l’Union européenne et notamment la France à saisir les dividendes versés et gains de toute nature tirés de participations dans des entreprises russes ou d’activités en Russie bénéficiant à des entreprises relevant de leur juridiction fiscale ;

Invite à ce que les avoirs gelés d’oligarques russes soient également saisis afin que ces deux sources de capitaux constituent un fonds de financement destiné à la reconstruction en Ukraine ;

Invite à ce que les responsabilités civiles et pénales de ces entreprises et de leurs dirigeants soient recherchées ;

Invite le Gouvernement, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’Union européenne et l’Organisation européenne de télécommunications par satellite à prendre toutes les mesures nécessaires pour que cesse la diffusion vers tout territoire de chaînes russes liées aux autorités russes, sur l’ensemble des capacités satellitaires d’Eutelsat S.A., y compris celles en leasing sur les satellites russes.

Invite le Gouvernement à œuvrer aux niveaux européen et international en faveur de la négociation de traités qui permettraient l’élaboration d’une nouvelle architecture de sécurité européenne, et définissant un statut et un régime pour les armes nucléaires ;

Salue l’octroi par le Conseil européen du statut de pays candidat à l’Union européenne à l’Ukraine et à la Moldavie qui constitue une incitation décisive pour ces pays à se réformer et à consolider la démocratie et leurs institutions ;

Invite l’Union européenne à accompagner de manière volontariste ces processus d’adhésion afin de les rendre effectives dans un délai à même d’offrir des perspectives réelles et porteuses d’espoir afin de soutenir l’ensemble des forces démocratiques et pro‑européennes.

Invite les États membres de l’Union européenne et notamment la France à relancer vigoureusement les procédures d’adhésion des pays des Balkans occidentaux, qui subissent, eux aussi, une stratégie de forte déstabilisation et mise sous influence de la part du pouvoir du Kremlin avec le même objectif de déstabilisation de l’Union européenne et dont les parcours d’adhésion ont été insuffisamment portés politiquement ;

Invite le Gouvernement et l’Union européenne à œuvrer dans le cadre du processus d’adhésion de l’Ukraine et de sa stratégie de pré‑adhésion à aider ce pays dans ses efforts actuels en matière de renforcement du système judiciaire et de lutte contre la corruption ;

Invite le Gouvernement à se montrer meneur sur le sujet, en constituant immédiatement un groupe d’experts à disposition du gouvernement ukrainien pour œuvrer au rapprochement vers la législation européenne et au rapprochement entre nos deux nations.