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N° 379

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 octobre 2022

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur le rôle
et l’influence de la France dans l’attribution de la Coupe
du monde 2022 de football au Qatar et les éventuelles contreparties économiques, financières, diplomatiques
et géopolitiques négociées entre le Gouvernement français
et le régime qatari pour cette attribution,

(Renvoyée à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Alexis CORBIÈRE, Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Jean François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Thomas PORTES, François PIQUEMAL, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH TERRENOIR, Bénédicte TAURINE, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Paul VANNIER, Léo WALTER,

Député.e.s


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 13 octobre 2022, la cellule d’investigation de Radio France et de France 2 a rendu public de nouvelles révélations sur le rôle de la France dans l’attribution de la coupe du monde de Football au Qatar. Celles‑ci, graves et fournies, interviennent après plusieurs années d’enquête judiciaire. Dès 2019, après trois ans d’enquête préliminaire, le parquet national financier a ouvert une information judiciaire pour « corruption » en raison de suspicions de compensations, notamment financières, négociées par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, en 2010, en échange d’un appui de la France pour l’attribution de la compétition au Qatar dans le cadre du contrat conclu avec le Fédération internationale de football (FIFA). En cause et au cœur de l’enquête, un déjeuner organisé à l’Elysée le 23 novembre 2010, soit trois semaines avant la désignation de l’émirat gazier comme pays hôte de la Coupe du monde de football 2022 et qui constitue, d’après la conclusion d’une note de synthèse du parquet national financier (PNF) datée du 26 novembre 2019, « un tournant décisif en favorisant l’attribution de la Coupe du monde au Qatar ».

L’un des nouveaux documents publiés par la cellule d’investigation est particulièrement éclairant sur la teneur des discussions au cours de cet entretien ayant réuni le président Nicolas Sarkozy, Michel Platini, alors président de l’Union des associations européennes de football (UEFA), le prince héritier et actuel émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani ainsi que Hamad Ben Jassem Al Thani, premier ministre qatari de l’époque. Ce document, une note rédigée par la cellule diplomatique de l’Elysée à l’attention du président Sarkozy pour ce déjeuner, est construite autour de quatre points. Le premier concerne le « Sport au Qatar », le deuxième porte sur « la candidature à la Coupe du monde », le troisième sur les « Relations entre la France et le Qatar dans le sport » et le quatrième et dernier sur les « autres sujets bilatéraux : avions de combats et défense antimissile globale ». De fait, le mélange des sujets politiques et commerciaux de cet ordre du jour laisse planer un doute quant à un possible trafic d’influence.

Contrats d’armements

Le dernier point de la note diplomatique constitue, d’après la cellule d’investigation journalistique, l’une des pistes étudiées par la justice française dans la recherche d’éventuelles contreparties. Cinq ans après le vote décisif ayant conduit le Qatar à remporter le contrat de la FIFA pour accueillir la coupe du monde, un contrat d’armement d’un montant de 6,3 milliards d’euros fut finalisé entre la France et le Qatar pour la vente de 24 chasseurs Rafales. Plus qu’un contrat commercial répondant aux lois de l’offre et de la demande, les journalistes de la cellule d’investigation considèrent que cet acte de vente constituait un « geste diplomatique de la part du Qatar plutôt que d’une nécessité militaire ». Dès lors, il est légitime de s’interroger sur les raisons qui ont poussé à ce geste diplomatique et l’influence de ce contrat dans l’attribution de la compétition au Qatar. Ce contrat a‑t‑il constitué une monnaie d’échange pour un possible achat de vote ?

Rachat du club ParisSaintGermain

Une autre piste à l’étude par la justice dans la recherche des éventuelles contreparties concerne le club de football Paris‑Saint‑Germain, lequel était en 2010 la propriété du fonds d’investissement américain Colony Capital et enregistrait de lourdes et régulières pertes financières. En juin 2011, d’après une enquête de France Football, le fonds d’investissement Qatar Sports Investments (QSI) opère le rachat du club à hauteur de 76 millions d’euros. Dès lors, la question se pose : le rachat du club Paris Saint Germain s’est‑il effectué sous l’égide de contreparties autres que le prix de cession ? A‑t‑il été négocié par des intermédiaires autres que les parties au contrat de vente ? Était‑il au menu des discussions du déjeuner à l’Elysée du 23 novembre 2010 ?

Droits télévisés du championnat de France de ligue 1

Dans la même trajectoire d’influence, le régime Qatari est intervenu dans la conclusion d’un contrat de 300 millions de dollars signé le 11 novembre 2010 entre la FIFA et la chaîne Al Jazzera pour l’achat des droits télévisés pour les Coupes du monde 2018 et 2022. Conclu trois semaines avant le vote final qui donnera le Qatar vainqueur, les journalistes soulignent : « Une clause de ce contrat attire l’attention : elle prévoit un bonus de 100 millions de dollars pour la Fifa si le Qatar décroche la Coupe du monde. Six millions de dollars devant être versés en exécution de ce contrat avant le 12 janvier 2011. ». Ce contrat était‑il au menu des discussions du déjeuner à l’Elysée du 23 novembre ? Correspond‑il à un possible achat de votes ?

Contrats et projets d’infrastructures entre la France et le Qatar

D’après les informations révélées par Radio France, d’autres hypothétiques contreparties auraient porté sur les « opportunités de contrats liés à la Coupe du monde au Qatar et aux projets d’infrastructures » pour « sensibiliser les entreprises françaises à ce type de marché » selon une note de la délégation interministérielle à l’intelligence économique révélée par la cellule d’investigation. Ainsi, l’Elysée aurait pu bénéficier, d’une part, de facilités économiques sur des contrats conclus par des entreprises françaises au Qatar et, d’autre part, d’une série d’investissements qataris sur le territoire national. Ces facilités ont‑elles été le prix de la voix de la France pour l’attribution de la coupe du monde au Qatar ?

Toutes ces pistes, non exhaustives et à l’étude, mettent en balance d’importants intérêts de la Nation, qu’ils soient d’ordre économiques, financiers, diplomatiques et même géopolitiques. Les enjeux en présence motivent la présente commission d’enquête parlementaire dont l’objet visera à établir les conditions dans lesquelles le gouvernement français de l’époque a potentiellement favorisé l’attribution de la Coupe du monde au Qatar, en échange de contreparties et par l’action de différents agents d’influence. Elle cherchera ainsi à identifier avec précision l’ensemble de ces contreparties, de quelque nature qu’elles soient, potentiellement négociées dans le cadre de cette attribution.

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres chargée d’étudier et d’évaluer l’ensemble des éventuelles contreparties économiques, financières, diplomatiques et géopolitiques négociées par la France en échange de son possible appui en faveur de l’attribution de la coupe du monde de football au Qatar dans le cadre du contrat conclu en 2010 avec la Fédération internationale de football.