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N° 435

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 novembre 2022.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à sanctionner l’Azerbaïdjan, à exiger le retrait total et immédiat de ses forces armées présentes en territoire arménien et
à faire respecter le cessezlefeu signé le 9 novembre 2020,
ceci dans le but d’établir une paix durable entre ces pays
et, plus globalement, à l’échelle régionale,

présentée par Mesdames et Messieurs

Nicolas FORISSIER, Jérôme NURY, Emmanuelle ANTHOINE, Isabelle PÉRIGAULT, Michèle TABAROT, Marc LE FUR, Éric PAUGET, Michel HERBILLON, Francis DUBOIS, Justine GRUET, Alexandre PORTIER, Philippe GOSSELIN, Valérie BAZIN-MALGRAS, Alexandra MARTIN, Thibault BAZIN, Émilie BONNIVARD,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Près de 2 ans jour pour jour après la fin de la seconde guerre au Haut‑Karabakh, laquelle vit la signature d’un cessez‑le‑feu le 9 novembre 2020 entre Arméniens et Azéris, l’Azerbaïdjan a récemment fait le choix de rompre cet accord, attaquant du 12 au 14 septembre dernier villes, villages et infrastructures civiles arméniennes. Une attaque cette fois‑ci orchestrée contre le territoire souverain arménien, où près de 300 morts, des centaines de blessés et plus de 7 000 personnes déplacées furent dénombrés, violant également le droit à l’éducation de 25 000 enfants et faisant craindre une nouvelle guerre d’ampleur. Difficile en effet de ne pas avoir en mémoire les 6 500 morts durant les 44 jours sanglants d’automne 2020 et, dans des proportions encore plus tragiques, les six années de conflit ayant déchiré la région entre 1988 et 1994.

Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, dans un contexte d’accaparement de l’opinion internationale sur le sujet russo‑ukrainien, d’immobilisme de la Russie au sujet du traité d’assistance mutuelle censé la lier à l’Arménie, et de la difficulté pour l’Union Européenne de jouer un rôle actif de médiation en raison de l’accroissement de nos besoins en gaz, semble déterminé à jouer son va‑tout, n’hésitant pas à considérer l’Arménie comme un territoire à libérer. Une malheureuse rhétorique qui n’est pas sans rappeler celle mise en place par Vladimir Poutine depuis des années au sujet de l’Ukraine.

Suite à cette nouvelle offensive, le Conseil de Sécurité de lOrganisation des Nations Unies (ONU) sest réuni les 15 et 16 septembre derniers à la demande de la France, qui le préside.

En vertu de la responsabilité qui incombe au Conseil, en vertu de la Charte des Nations Unies de maintenir la paix et la sécurité internationale, l’Arménie, par le biais de son représentant permanent Mher Margaryan, a appelé à condamner fermement l’agression, exigeant le retrait immédiat et inconditionnel des forces azéries présentes sur son territoire.

Si les moments d’échanges et de négociations se sont succédés depuis la tenue de l’Assemblée générale des Nations Unies fin septembre à New York, la situation profondément instable impose aujourd’hui d’amplifier la démarche.

Alors que des sanctions sévères ont été prises à l’encontre de la Russie suite à son attaque sur le sol de l’Ukraine, la même logique, en raison ici aussi de l’atteinte à l’intégrité territoriale d’un État souverain par un autre État, devrait s’imposer au sujet de l’Azerbaïdjan. La survie du cessez‑le‑feu de novembre 2020 en dépend après ce franchissement intolérable d’une nouvelle ligne rouge.

Au‑delà de nos liens d’amitiés séculaires et de nos valeurs judéo‑chrétiennes partagées avec l’Arménie qui nous imposent d’assurer un rôle actif pour l’intégrité territoriale de ce pays, c’est également tout un équilibre régional précaire qu’il convient de préserver. D’une part, préserver l’intégrité territoriale d’un État souverain. D’autre part, assurer la défense d’un pays faisant figure de bastion démocratique et souverain dans une région soumise à toutes sortes de tensions diplomatiques, politiques ou encore religieuses. Enfin, assurer la stabilité globale et entière du Caucase, la Turquie, alliée indéfectible de l’Azerbaïdjan, continuant de faire perdurer son vieux projet de relier dans un même continuum l’ensemble des territoires de langue et de culture turque, de lAsie centrale au Bosphore.

Si l’envoi d’une mission civile, composée de 40 experts de surveillance, a été décidé le 6 octobre dernier, dans le cadre de la première réunion de la Communauté politique européenne à Prague, afin de surveiller, analyser, et rendre compte de la situation le long de la frontière de ces pays, il y a aujourd’hui urgence à agir plus fortement, plus profondément. Nous ne pouvons rester plus longtemps sourds aux cris de détresse du peuple arménien. Le silence de la France, de lEurope et de la communauté internationale serait coupable.

Dans l’intérêt de la stabilité régionale et conformément aux normes et principes du droit international et des droits de l’homme, la présente résolution vise à interpeller le Gouvernement sur la nécessité de faire respecter l’intégrité territoriale de l’Arménie et l’accord de cessez‑le‑feu conclu le 9 novembre 2020 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il en va de la prise de mesures concrètes au sujet du retrait des forces azéries du territoire souverain de l’Arménie et, plus globalement, de faire cesser la politique profondément anti‑arménienne menée par Bakou.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 341 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la Charte des Nations unies du 26 juin 1945,

Vu le Traité de l’Atlantique Nord du 4 avril 1949,

Vu l’accord de cessez‑le‑feu du 9 novembre 2020 signé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan,

Rappelant les conséquences dramatiques des guerres ayant opposé l’Arménie et l’Azerbaïdjan entre 1988 et 1994 puis durant l’automne 2020 ;

Rappelant le contexte géopolitique instable de la région, instabilité renforcée par l’atténuation du rôle de la Fédération de Russie en tant que médiateur dans ce conflit, du fait de la guerre en Ukraine ;

Rappelant la tenue d’un Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies les 15 et 16 septembre 2022 après agression de l’Arménie par l’Azerbaïdjan dans la nuit du 12 au 14 septembre ;

Rappelant les décisions prises dans le cadre de la première réunion de la Communauté politique européenne à Prague le 6 octobre dernier par Messieurs Macron, Aliyev, Pashinyan et Michel ;

Constatant les violations récurrentes du territoire arménien depuis le 12 septembre dernier par l’Azerbaïdjan, faisant suite aux agressions perpétrées dans le couloir de Latchin au début du mois d’août 2022 et constituant une nouvelle violation de sa souveraineté ;

Constatant la violation du cessez‑le‑feu en vigueur depuis le 9 novembre 2020 ;

Constatant les crimes commis par les forces armées azéries, notamment à l’encontre d’Anush Apetyan, torturée à mort par ces derniers après avoir été capturée près de Djermouk, sur le sol souverain de l’Arménie ;

Constatant l’instabilité chronique de la frontière entre ces deux pays depuis le 12 septembre dernier, notamment une nouvelle ouverture du feu par l’Azerbaïdjan sur des positions militaires arméniennes les 17, 23 et 24 octobre dernier ;

Considérant la volonté de Monsieur Erdogan de s’affirmer dans la région après avoir décidé de déployer des drones dans la partie nord de Chypre et avoir ouvertement menacé l’intégrité territoriale de la Grèce ;

Constatant la menace que constituerait un nouveau conflit armé de grande ampleur dans le Sud du Caucase, mettant aux prises de nombreuses puissances ;

Considérant que les rapports de la Commission européenne contre le racisme et lintolérance du Conseil de lEurope et du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’Organisation des Nations unies attestent de limpossibilité des populations arméniennes à vivre librement en Azerbaïdjan ;

Considérant l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe composée de 57 membres, dont la France, l’Azerbaïdjan et l’Arménie sont membres et dont la France participe à plus de 10 % du budget total, en faisant un interlocuteur privilégié ;

Considérant le rôle historique majeur joué par la France, en tant que co‑présidente du groupe de Minsk, dans la résolution de conflits entre ces deux pays ;

Considérant la difficulté de pourparlers placés sous l’égide de l’Union européenne en raison de ses besoins énergétiques en provenance de l’Azerbaïdjan et considérant l’impact du conflit ukrainien sur sa faculté à remplir sa mission ;

1. Condamne fermement les nouvelles agressions militaires de l’Azerbaïdjan à l’encontre de l’Arménie, en violation de sa souveraineté et du droit international ;

2. Demande le retrait immédiat, inconditionnel et définitif des forces armées d’Azerbaïdjan actuellement toujours présentes sur le territoire souverain de l’Arménie et dans le couloir de Latchin, selon le cessez‑le‑feu du 9 novembre 2020 ;

3. Demande la libération des prisonniers de guerre arméniens détenus encore actuellement en Azerbaïdjan ;

4. Demande le respect par les autorités azéries des accords et conventions internationales visant à assurer la sécurité des populations arméniennes et leur droit à vivre en paix et en liberté, le droit au retour des populations déplacées ainsi que la préservation du patrimoine culturel et religieux arménien ;

5. Invite le Gouvernement à jouer un rôle majeur dans la résolution de ce conflit, notamment pour que la Cour pénale internationale puisse être saisie afin d’enquêter sur de possibles crimes de guerre perpétrés par les Azéris ;

6. Invite le Gouvernement à tirer toutes les conséquences de cette agression, notamment d’un point de vue diplomatique et économique, en appliquant à l’Azerbaïdjan des sanctions fermes et justifiées au regard de cette violation de souveraineté ;

7. Invite le Gouvernement à exprimer, par tous les moyens en sa possession, sa solidarité envers le peuple arménien, en y apportant une aide humanitaire et les moyens de renforcer ses capacités de défense militaire ;

8. Réaffirme la nécessité d’établir une paix durable dans le Caucase du Sud, les conséquences régionales et mondiales d’une nouvelle guerre entre ces deux pays étant susceptibles de s’avérer dramatiques ;

9. Invite l’Azerbaïdjan, par le biais de son Président Ilham Aliyev et par voie diplomatique, à poursuivre et à amplifier les échanges avec l’ensemble des acteurs impliqués dans ce processus de paix durable, afin de trouver une solution stable et cohérente pour l’ensemble des acteurs mobilisés.