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N° 442 rectifié

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 novembre 2022.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à faire du grand âge une grande cause nationale en 2023,

 

présentée par

Mme Véronique BESSE,

députée.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2025, la population française comptera 1 million de personnes âgées supplémentaires, en comparaison de novembre 2021, dont 100 000 personnes âgées en situation de très grande perte d’autonomie.

En 2040, 15% de la population aura plus de 75 ans. Ils étaient 6% en 1990.

En 2050, les plus de 80 ans représenteront 4,8 millions de personnes contre 1,5 million à ce jour. Quant aux personnes en très grande perte d’autonomie, elles seront 2,2 millions à cette échéance, alors qu’elles étaient 1,3 million en 2017.

Le vieillissement de la population française est donc bel et bien un enjeu majeur que l’Etat doit prendre à bras le corps. Il y a urgence à éviter les situations de multiples détresses chez nos aînés en les accompagnant de manière digne et juste dans la vieillesse. À ce jour, le cadre juridique, les moyens financiers et les modalités d’accueil ne sont déjà pas adaptés. Si nous n’agissons pas, cet état de fait risque de s’amplifier, et les drames humains en découlant vont se multiplier,

Premièrement, concernant le cadre juridique, la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale ([1]) et à l’autonomie a entériné la création d’une 5ème branche de la sécurité sociale dédiée à l’Autonomie. Cette loi devait répondre à 2 enjeux : réagir à ce qui a été mis en exergue durant la crise COVID, et anticiper une société de la longévité.

Or, cette 5ème branche propose des mesures conjoncturelles alors qu’une réforme structurelle s’impose. Selon le rapport Vachey de 2020, cette 5ème branche se limite à examiner les prestations qui pourraient faire l’objet de transferts d’une branche à l’autre transformant la création de cette branche en un « mécanisme de tuyauterie entre branches » au lieu de se donner l’ambition d’améliorer véritablement le droit des personnes.

Deuxièmement, le budget actuellement alloué est insuffisant ; soit environ 23 milliards d’euros annuellement par les pouvoirs publics (Etat et collectivités locales). Or, selon les professionnels du secteur, et dans le prolongement de différents rapports, tel que le rapport Libault de 2019, il manquerait aujourd’hui une dizaine de milliards d’euros. À horizon 2030, combien en faudra-t-il de plus ?

Troisièmement, les modalités d’accueil ne sont pas adaptées aux finances de nos aînés. Alors que 10% des 75 ans et plus (14,6% à l’échelle de la population) sont actuellement sous le seuil de pauvreté, le coût mensuel d’une chambre en EHPAD public est de 1700 euros. Dans ce cadre, de nombreuses personnes âgées n’ont pas les moyens financiers de subvenir aux frais induits par la prise en charge de leur dépendance dans ce type d’établissements.

Quatrièmement, outre les rémunérations, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux, le travail des personnels soignants n’est pas assez connu et reconnu et les conditions de travail sont dévalorisées. Le rapport Bonnel et Ruffin de 2020 avait déjà mis en lumière la grande précarité des métiers du lien, et par conséquent la qualité de prise en charge. De ce fait, aujourd’hui, 63% des EPHAD ont des postes vacants depuis plus de 6 mois. Il y a donc urgence à lancer un grand programme attractif de recrutement. Selon le rapport El Khomri, de 2019, afin de faire face aux besoins, il faudrait recruter sur les cinq prochaine années 100 000 nouveaux professionnels dans l’ensemble des secteurs métiers du grand âge, à domicile et en établissement. Puisque les métiers d’accompagnement des personnes âgées n’attirent plus, qu’attendons-nous pour former du personnel qualifié, bien rémunéré et disposant des moyens d’exercice de leurs missions ? Une réflexion d’ampleur s’impose.

Au regard de l’ensemble de ces considérations, une loi globale sur les enjeux du Grand âge est impérative pour pallier aux difficultés actuelles et anticiper le vieillissement constant de la société française.

Dans ce cadre, un travail de d’analyse et de prospective est nécessaire afin d’assurer une meilleure cohérence et coordination des acteurs ; bien entendu en apportant les financements adéquats mais aussi en tenant compte des aspirations et souhaits d’une grande majorité de personnes âgées pour leur maintien à domicile.

En effet, alors que 87% des personnes âgées souhaitent vieillir à domicile, il faut définir une politique du logement claire, simple et adaptée par des subventions à l’investissement dans du matériel assurant ce maintien à domicile. Le statut des professionnels du soin et du maintien à domicile doit aussi être réformé et leur profession promue. Bien entendu, la lutte contre l’isolement doit constituer un pan non négligeable des actions à entreprendre. Selon une étude des Petits Frères des Pauvres de septembre 2021, 530 000 personnes âgées (de plus de 60 ans) seraient en situation de mort sociale, c’est-à-dire sans - ou quasiment sans - contacts avec les différents cercles de sociabilité (cercle familial, amical, voisinage et réseaux associatifs).

Ce travail d’analyse et de prospectives devrait également conduire au renforcement de la recherche scientifique sur les maladies liées à la dépendance.

Ainsi donc, au‑delà de la solidarité indispensable que la France a le devoir de témoigner envers nos aînés, faire du grand âge une grande cause nationale en 2023 permettrait d’avancer dans le sens d’une loi Grand âge en invitant le Gouvernement à revenir sur son abandon tel qu’annoncé en août 2022. Il convient également d’acter de la nécessité de financements nécessaires ; de favoriser le maintien à domicile ; et de revaloriser les métiers du soin.

Tous concernés par les enjeux du vieillissement, soyons solidaires et engagés collectivement pour concevoir la société de la longévité de demain !

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 341 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que la part des plus de 75 ans dans la population française aura doublé en 2050 en passant de 8 % aujourd’hui à 16 % demain ;

Considérant l’urgence de donner davantage de moyens à un secteur en grande souffrance par la revalorisation de métiers qui peinent à recruter ;

Considérant les cas de maltraitance de nos aînés dans certains établissements ;

Considérant que toute personne âgée doit pouvoir être accueillie au sein de structures dédiées dans des conditions confortables et avec l’accompagnement adéquat, de surcroît à un tarif juste ;

Considérant la nécessité de promouvoir le maintien à domicile dès lors que 87 % de personnes âgées le souhaitent ;

Considérant l’enjeu de soutenabilité de notre système de retraite au regard du fait que la branche assurance retraite se dégrade entre le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de de retraités, de 1,7 en 2019 à 1,3 en 2070 ;

Considérant qu’il convient d’allouer un budget conséquent, un cadre juridique adapté, et une trajectoire claire et définie de nos politiques publiques quant à la prise en charge de nos aînés ;

Considérant que le « bien vieillir » doit être un objectif de salubrité public et une ambition prioritaire de notre société ;

Invite le Gouvernement à faire du grand âge une grande cause nationale en 2023.


([1])  https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042219376/