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N° 522

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 novembre 2022.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur la politique nationale de protection des mineurs contre la pornographie,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Caroline PARMENTIER, Franck ALLISIO Bénédicte AUZANOT, Philippe BALLARD, Christophe BARTHÈS, Romain BAUBRY, Pierrick BERTELOOT, Véronique BESSE, Emmanuel BLAIRY, Sophie BLANC, Pascale BORDES, Jérôme BUISSON, Frédéric CABROLIER, Victor CATTEAU, Sébastien CHENU, Roger CHUDEAU, Caroline COLOMBIER, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Sandrine DOGOR‑SUCH, Nicolas DRAGON, Nicolas DUPONT‑AIGNAN, Frédéric FALCON, Thibaut FRANÇOIS, Thierry FRAPPÉ, Anne‑Sophie FRIGOUT, Stéphanie GALZY, Frank GILETTI, Yoann GILLET, Christian GIRARD, José GONZALEZ, Florence GOULET, Géraldine GRANGIER, Daniel GRENON, Michel GUINIOT, Jordan GUITTON, Marine HAMELET, Alexis JOLLY, Hélène LAPORTE, Laure LAVALETTE, Julie LECHANTEUX, Marie‑France LORHO, Jean‑François LOVISOLO, Jacqueline MAQUET, Matthieu MARCHIO, Michèle MARTINEZ, Kévin MAUVIEUX, Nicolas MEIZONNET, Joëlle MÉLIN, Thomas MÉNAGÉ, Serge MULLER, Mathilde PARIS, Kévin PFEFFER, Stéphane RAMBAUD, Angélique RANC, Laurence ROBERT‑DEHAULT, Anaïs SABATINI, Alexandre SABATOU, Emeric SALMON, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Jean‑Philippe TANGUY, Frédéric ZGAINSKI,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis dix ans, par l’avènement de l’ère numérique, de l’Internet, notre société est confrontée au défi de l’accès facile et immédiat de contenus pornographiques pour les enfants.

Cette exposition a été dénoncée par le chef de l’État, Emmanuel Macron, le 20 novembre 2019, lors de son discours d’ouverture du trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant et de la Journée mondiale de l’enfance en déclarant : « En moyenne, on considère que dans notre pays c’est à 13 ans qu’on accède à la pornographie. (…) Comme dans la société, on doit protéger nos enfants et ne pas considérer que le numérique est un espace où tout est permis ».

Le rapport d’information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur l’industrie de la pornographie, paru au mois d’octobre 2022, confirme cet enjeu et alerte : « le porno, y compris le porno le plus « trash » et extrême, est accessible gratuitement en quelques clics. Deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers de ceux de moins de 12 ans ont déjà été exposés à des images pornographiques, volontairement ou involontairement. Chaque mois, près d’un tiers des garçons de moins de 15 ans se rend sur un site porno ».

Ce même rapport poursuit « Les conséquences sont nombreuses et inquiétantes : traumatismes, troubles du sommeil, de l’attention et de l’alimentation, vision déformée et violente de la sexualité, difficultés à nouer des relations avec des personnes du sexe opposé, (hyper) sexualisation précoce, développement de conduites à risques ou violentes, etc. »

L’exposition de l’enfance à la pornographie peut conduire à une confusion entre l’imaginaire et le réel, à penser des scènes agressives ou des actes interdits constitutifs d’une norme, à adopter des attitudes perverses. Ces images risquent de véhiculer dans l’imaginaire de nos enfants une version déformée de la sexualité, par une chosification d’autrui, par son appropriation comme un simple bien.

Mais sur ce sujet, il est possible d’agir. Depuis des années, des parlementaires, aux sensibilités politiques différentes, alertent sur l’impératif que doit être la protection de l’enfance et de son innocence : plusieurs propositions de loi l’affirment avec force, telles que celles de Monsieur Studer ([1]), Monsieur Fasquelle ([2]) ou encore Madame Thill ([3]).

Par le passé le législateur a agi, conscient que ce fléau devait être combattu.

En ce sens, il a permis, à l’article 227‑24 du code pénal, que « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique, y compris des images pornographiques impliquant un ou plusieurs animaux, ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur ».

Malgré l’existence d’un tel droit, des améliorations doivent avoir lieu. Force est de constater que le poids du numérique dans notre société impose de renforcer ce dispositif juridique par des mesures plus ciblées, plus précises afin de lutter contre l’exposition croissante de notre jeunesse aux contenus pornographiques.

Pour trouver les évolutions nécessaires, une multitude de questions se posent :

– Quelles mesures adopter pour lutter contre cette exposition ?

– Comment s’assurer que celles‑ci seront efficaces ?

– Comment utiliser l’outil numérique à bon escient ?

– Quelle coordination avec les partenaires de la France pour qu’une lutte internationale soit suffisante ?

– Comment accompagner nos jeunes qui ont été victimes de cette exposition pour qu’ils ne développent ni addiction, ni déviance ?

– Quelle place pour la puissance publique dans cette lutte ?

– Quelles obligations et quelle association pour les entreprises du numérique ? Pour les GAMAM ?

– Quelle place pour les parents ?

– Quelles sanctions infligées à ceux qui, dans la chaîne de la pornographie, savent et ignorent sciemment en raison de motivation lucrative ?

Les questions sont innombrables.

Pour progresser nous devons dresser un bilan exhaustif, honnête : la représentation nationale doit largement auditionner, avec transparence, pour le bien de notre jeunesse.

Le meilleur moyen d’y parvenir est la constitution d’une commission d’enquête dédiée afin de dresser un état des lieux clair et franc, et le cas échéant, de proposer une feuille de route en faveur d’une politique nationale de protection de l’enfance contre l’exposition à la pornographie.

Tel est, Mesdames, Messieurs, le sens de la proposition de résolution qui vous est soumise.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres chargée :

– d’évaluer le dispositif législatif et réglementaire en vigueur pour protéger les mineurs contre la pornographie ;

– d’établir quels sont les moyens techniques permettant d’atteindre une plus grande efficacité dans la protection des mineurs ;

– et de définir les outils indispensables d’une politique nationale de protection des mineurs contre la pornographie à la hauteur des enjeux.


([1]) Proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne n° 2519, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 décembre 2019, de Monsieur Bruno STUDER.

([2]) Proposition de loi tendant à interdire les affichages publicitaires relatifs à des publications ou des objets à caractère pornographique à portée de vue des enfants n° 2253, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 janvier 2010, de Monsieur Daniel DASQUELLE.

([3]) Proposition de loi visant à faire de la protection des mineurs contre la pornographie la « grande cause nationale 2020 » n ° 2529, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 décembre 2019, de Madame Agnès THILL.