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N° 525

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 novembre 2022.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête visant à identifier les causes des ruptures d’approvisionnement rencontrées sur certains médicaments,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Damien MAUDET, Clémentine AUTAIN, Matthias TAVEL, Florian CHAUCHE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, François RUFFIN, Loïc KERVRAN, Thomas PORTES, Louis BOYARD, JeanClaude RAUX, Farida AMRANI, Léo WALTER, Pascale MARTIN, Sophia CHIKIROU, Manon MEUNIER, Charlotte LEDUC, Andrée TAURINYA, Ersilia SOUDAIS, Aurélien SAINTOUL, Maxime LAISNEY, Catherine COUTURIER, Élise LEBOUCHER, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Anne STAMBACHTERRENOIR, Rodrigo ARENAS, Murielle LEPVRAUD, François PIQUEMAL, Bénédicte TAURINE, Sophie TAILLÉPOLIAN, Mathilde HIGNET, JeanFrançois COULOMME, Frédéric MATHIEU, Marianne MAXIMI, Stéphane DELAUTRETTE, Michel SALA, Élisa MARTIN, Hadrien CLOUET, Bastien LACHAUD, Clémence GUETTÉ, Éric COQUEREL, Nadège ABOMANGOLI, Hendrik DAVI, Laurent ALEXANDRE, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Arnaud LE GALL, Sylvain CARRIÈRE, Michel SALA, Christophe BEX, Aurélie TROUVÉ, Ugo BERNALICIS, Karen ERODI, Manuel BOMPARD, Caroline FIAT, Martine ETIENNE, Jérôme LEGAVRE, Paul VANNIER, Perceval GAILLARD, Danielle SIMONNET, Raquel GARRIDO, Ségolène AMIOT, Isabelle SANTIAGO, Gabriel AMARD, Sébastien ROME, Élisa MARTIN, Murielle LEPVRAUD,

Député.e.s.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Si on a sur la même ordonnance Amoxicilline, Doliprane en sachet, et Prednisolone, on ne peut rien donner. » – un pharmacien pour France 3 Limousin.

En France, en 2022, les pharmaciens, les praticiens courent pour se procurer des antibiotiques et des médicaments en général.

« Il faut essayer de les trouver, il faut appeler les labos, ou il faut contacter le prescripteur, souvent des médecins hospitaliers plus difficiles à joindre. Pour les patients c’est une source de stress. Un cancer, c’est déjà assez compliqué à gérer. »

Cela devient récurent. Entre pénurie de soignants, de médecins et maintenant de médicaments, la 7e puissance mondiale est‑elle toujours en mesure de soigner ses citoyens ?

La question mérite de se poser. Depuis un mois, les pharmaciens, les associations tirent la sonnette d’alarme sur les difficultés d’approvisionnement de certains médicaments. L’observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), entre autres, alerte depuis de nombreuses années sur les dangers qui pèsent sur l’approvisionnement de nos médicaments essentiels donc stratégiques, et formule de nombreuses mesures à mettre en œuvre pour assurer la résilience et la souveraineté de la France sur ce sujet. Malgré cela, rien. Dorénavant, l’accès à certains antibiotiques sera restreint, et le paracétamol a été rationné pendant plusieurs semaines.

Une décision qui découle d’un manque criant d’anticipation et qui peut avoir de graves conséquences à court et moyen terme si l’on n’agit pas sur les causes de ces pénuries.

Des pénuries et de graves conséquences.

Ces pénuries auront en effet des conséquences dramatiques.

Dans un contexte de forte tension hospitalière, de plans blancs dans les services de pédiatrie, où les opérations sont déprogrammées, les pénuries risquent d’accentuer ce problème.

Les reports de soins et d’opérations, faute de médicaments, entrainent des pertes de chances pour les patients.

Le besoin de rationner l’usage d’un antibiotique reporte mécaniquement les besoins non‑prioritaires sur d’autres médicaments. En premier lieu, cela pose un risque évident, qui est, par effet domino, de créer des situations de pénuries sur les substituts à leur tour. Mais surtout, l’OMS a inscrit dans son classement des dix pires menaces pour l’humanité celle de la résistance bactérienne aux antibiotiques, qui se développe au fur et à mesure qu’augmente le recours à ces derniers. Utiliser des substituts d’amoxicilline, dans des cas où ils ne sont pas prévus pour, ne fait qu’accélérer le développement de ces résistances. Ne pas prendre les mesures structurantes qui s’imposent contre ces pénuries ne serait pas seulement une faute politique, mais accepter d’exposer le monde entier à un danger encore inédit.

Gouverner sans prévoir.

Après la pandémie et le début de la Guerre en Ukraine. Après la tension sur le système de santé et les conséquences prévisibles de la guerre : prix de l’énergie et des matières premières. Après tout cela, on ne peut accepter que le Gouvernement soit surpris de ces pénuries.

Hors de ces contextes, les pénuries sont également un phénomène en hausse. Une hausse structurelle depuis plusieurs années. Un phénomène prévisible, quasi‑cyclique. En 2016, l’Agence nationale de sécurité du médicament a reçu 405 signalements de situations de pénuries. Il y en a eu 1 504 en 2019 et 2 446 en 2021.

Malgré cela, le Gouvernement semble n’avoir mené aucune action structurante pour inverser la tendance.

D’où vient le mal.

Dans les années 1990‑2000, tout est parti. Le laisser‑faire économique, la course aux profits a permis à l’industrie pharmaceutique de déserter le territoire national, puis le continent. Aujourd’hui, 80 % des principes actifs des médicaments consommés en Europe sont produits en Chine et en Inde. Cette situation de dépendance nous fait subir des difficultés d’approvisionnement dès lors qu’une usine ralentit. Nous n’avons aucune prise sur la gestion de la chaine de production.

Par ailleurs, pour reprendre la situation des antibiotiques, les causes de la pénurie actuelles semblent déterminées par deux facteurs :

– La reprise d’une forte demande suite à la crise covid et la baisse de la consommation associée à cette période

– Les prix de l’énergie trop élevés font considérer à certains producteurs qu’il est plus rentable d’arrêter leurs chaînes de production

Le premier facteur était largement anticipable et la réaction gouvernementale, uniquement dans l’urgence du fait accompli, nous laisse penser qu’il y avait mieux à faire.

Pour le second facteur, il est grand temps de changer de logique : nous ne pouvons pas accepter que des intérêts financiers gouvernent notre politique de santé publique. L’exemple actuel met en exergue toutes les limites de ce type de raisonnement.

Des objectifs de bon sens

Deux objectifs nous paraissent être la base de toute réflexion :

1° La France doit se doter d’un stock minimal et entretenu des médicaments jugés stratégiques. L’ANSM publiait en 2021 une liste de 422 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur : il paraît essentiel de posséder à tout moment sur le territoire une quantité minimale sur le territoire pour s’assurer d’éviter les situations de pénurie. Pourtant, des rapports de septembre 2020 montraient qu’une grande partie des antiviraux du stock stratégique de médicaments en France étaient expirés. Cette situation n’est pas acceptable.

2° La production d’un médicament stratégique pour toute la planète ne peut pas être assurée par un seul pays ou une seule entreprise. L’exemple de la rifapentine en 2020, pour laquelle une impureté détectée dans les usines de Sanofi avait conduit à des ruptures, devrait être suffisant pour s’en convaincre.

 

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres sur les ruptures d’approvisionnement de certains médicaments en France. Cette commission d’enquête a pour mission de :

1° Identifier les causes de ces ruptures d’approvisionnement ;

2° Émettre des recommandations afin de limiter au maximum ces ruptures d’approvisionnement ;

3° Émettre des recommandations pour relocaliser la production des médicaments jugés stratégiques sur le territoire national ;

4° Émettre des recommandations sur la faisabilité et les modalités à prendre pour extraire une partie de la production des lois du marché et du principe de l’offre et de la demande.