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N° 624

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2022.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à l’instauration d’une garantie rurale
dans l’objectif zéro artificialisation nette,

présentée par Mesdames et Messieurs

Lionel VUIBERT, Patrice PERROT, Xavier BATUT, Christophe MARION, Pascal LAVERGNE, Didier PARIS, Benoît BORDAT, Bertrand PANCHER, Michel LAUZZANA, Philippe FAIT, Romain DAUBIÉ, Guy BRICOUT, Delphine LINGEMANN, Nicolas PACQUOT, Charlotte GOETSCHYBOLOGNESE, Philippe SOREZ, Annie VIDAL, Hubert BRIGAND, Stéphane TRAVERT, Damien ABAD, Danielle BRULEBOIS,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Publiée le 22 août 2021, la loi Climat et résilience a fixé l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050, avec une cible intermédiaire de réduction de moitié du rythme de consommation d’espaces d’ici à 2031. En une décennie, l’utilisation d’espaces naturels, agricoles et forestiers doit donc être divisée par deux par rapport à ce qui a été observé au cours des dix années précédentes en réduisant la consommation d’espaces pour la construction de logements, de routes, d’équipements sportifs ou de tout autre bâtiment. En France, entre 20 000 et 30 000 hectares sont artificialisés chaque année. Cette artificialisation augmente presque 4 fois plus vite que la population, l’objectif étant de limiter autant que possible la consommation de nouveaux espaces et, lorsque cela est impossible, de rendre à la nature l’équivalent des superficies consommées.

L’enjeu est d’apporter la plus grande vigilance à nos modes d’urbanisation afin de consommer moins de terres naturelles, agricoles et forestières, de privilégier dans la mesure du possible la réutilisation de secteurs déjà urbanisés (logements vacants, friches industrielles ou commerciales…) et de favoriser la conception et la construction d’opérations un peu plus compactes intégrant des espaces verts. Cette maîtrise de l’urbanisation doit se refléter dans les documents de planification, notamment les plans locaux d’urbanisme et les schémas de cohésion territoriale.

S’il ne s’agit pas de remettre en question l’objectif premier de cette loi, il importe néanmoins de prendre en compte la réalité de nos territoires ruraux et les défis en matière de développement auxquels ils sont confrontés. La crise sanitaire liée à l’épidémie de covid‑19 a accentué une dynamique déjà perceptible auparavant, celle d’un nouveau regain d’intérêt de la ruralité. Le déploiement de la fibre optique permettant un recours croissant au télétravail conjugué à la volonté de nouveaux modes de vie sont autant de motifs d’attrait de nos communes rurales, nécessitant la mise à disposition d’établissements scolaires, de commerces, d’offres de soins ou encore de services de proximité.

À titre d’exemple, la Communauté de Communes des Crêtes Préardennaises avec 94 communes couvre une superficie de 101 782 hectares dont seulement 3 % sont urbanisés (75 % sont dévolus à l’agriculture et 22 % à la forêt).

Or, certains décrets d’application de cette loi semblent méconnaître ces faits, visant l’égalité d’exécution plutôt que l’équité entre territoires disparates alors que l’ensemble des communes n’auront pas toutes le même objectif à atteindre. En effet, une intégration immédiate d’un objectif uniforme de réduction de moitié reviendrait à priver d’effet la possibilité d’adapter les objectifs en fonction des besoins des territoires.

Par ailleurs, le classement binaire introduit par le ZAN entre l’artificialisé et le non artificialisé, entretient une imprécision concernant la définition même de l’artificialisation. Il en est ainsi par exemple de la nomenclature qui classe les parcs et les jardins comme des espaces artificialisés.

Ces flous ont un impact sur les stratégies de développement en zone rurale. Pourtant des solutions existent, notamment en prenant en compte les efforts de renaturation des sols engagés par les collectivités territoriales avant 2031, qui ne sont actuellement pas comptabilisés. En effet, les friches représentent un levier important, constituant pour 2/3 des territoires un gisement de foncier économique non négligeable mais seuls 35 % ont candidaté au fonds pour le recyclage des friches, de même que les sites désaffectés représentent environ 100 000 hectares.

De plus, dans un souci d’équité, la manière de comptabiliser l’artificialisation résultant de grands projets d’envergure nationale doit être redéfinie, visant ainsi à ce que la consommation d’espace imputable à ces projets puisse être répartie de façon mutualisée sur l’ensemble du territoire.

Enfin, alors que la Loi Climat et Résilience prévoit sur la période 2021‑2030 de diviser par deux la consommation d’Espaces Naturels Agricoles et Forestiers (ENAF), les communes rurales dont la superficie des ENAF représente plus de 90 % de leur territoire pourraient être exonérées de cette obligation. Le bénéfice de la garantie rurale pourrait également être conditionné par l’engagement des communes à adopter un Schéma de Cohésion Territoriale (SCoT) et un Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) d’ici 2030.

Mis à mal, par de trop nombreuses lourdeurs administratives, engendrant bien souvent un sentiment d’inquiétude voire d’abandon, le soutien à la ruralité doit être un objectif de cohésion et de développement territorial.

C’est tout le sens de la présente proposition de résolution visant à introduire une « garantie rurale » dans l’objectif de zéro artificialisation nette, prenant en compte les spécificités propres à nos territoires.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 341 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les dispositions de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et l’instauration de l’objectif zéro artificialisation nette ;

Vu les dispositions de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale ;

Vu le jugement n° 2210575 du tribunal administratif de Nantes en date du 29 août 2022 dans lequel il estime qu’au regard de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, aucune disposition ne venait interdire toute artificialisation ;

Considérant le risque de non prise en compte par les régions des spécificités des communes rurales au profit des métropoles ;

Considérant la difficulté de concilier l’objectif de zéro artificialisation nette avec d’autres ambitions d’intérêt général comme la réindustrialisation, la construction de logements sociaux ou la transition écologique par l’établissement de pistes cyclables, d’installations en énergie renouvelable ou d’espaces verts ;

Considérant le manque de ressources et de moyens en ingénierie au sein des petites communes pour faire face aux exigences que suppose le zéro artificialisation nette en matière de révision des documents d’urbanisme et de suivi de la comptabilisation de l’artificialisation ;

Considérant les nombreuses incompréhensions remontées par les associations d’élus qu’il convient de lever ;

Estimant l’urgence de définir clairement la notion de sobriété foncière alors qu’elle est particulièrement difficile à prendre en compte à l’échelle d’un seul projet, sa nature et ses dimensions divergeant, dans la mesure où elle doit être confrontée à d’autres intérêts protégés ;

Estimant qu’un consensus se dégage sur la nécessité de prévoir un traitement différencié pour les projets d’intérêt national en déduisant les surfaces à artificialiser de la surface nationale d’artificialisation devant être atteinte ;

Saluant les concertations menées entre l’État et les élus territoriaux et parlementaires sur le sujet ;

Considérant la recherche d’une juste équité plutôt qu’une injuste égalité ;

Invite le Gouvernement à transmettre une circulaire à destination des préfets rappelant précisément la mise en œuvre du zéro artificialisation nette, visant notamment à prévenir toute application anticipée ou trop stricte du cadre prévu par la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ;

Invite le Gouvernement à exonérer de l’objectif de diviser par deux la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers sur la période 2021‑2030 les communes rurales dont la superficie des espaces naturels agricoles et forestiers représente plus de 90 % de leur territoires ;

Invite le Gouvernement à instaurer une « garantie rurale » dans l’objectif zéro artificialisation nette.