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N° 943

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mars 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à solliciter l’organisation d’une convention citoyenne sur la relance d’un nouveau programme nucléaire,

présentée par Mesdames et Messieurs

Julie LAERNOES, Cyrielle CHATELAIN, Christine ARRIGHI, Julien BAYOU, Lisa BELLUCO, Charles FOURNIER, MarieCharlotte GARIN, Jérémie IORDANOFF, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Benjamin LUCAS, Francesca PASQUINI, Sébastien PEYTAVIE, Marie POCHON, JeanClaude RAUX, Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, Aurélien TACHÉ, Sophie TAILLÉPOLIAN, Nicolas THIERRY,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 10 février 2022, le Président de la République dans son discours de Belfort annonçait une relance massive et jusqu’ici inégalée du nucléaire dans notre pays. La relance du nucléaire telle qu’annoncée par le Président Emmanuel Macron est un choix éminemment politique. Il est fondamental que cette relance fasse l’objet d’une réelle concertation démocratique tant elle oriente et fige nos choix énergétiques pour les décennies à venir.

Si historiquement, les décisions en matière de politique énergétique ont été prises de manière centralisée et descendante au sein des plus hautes sphères de l’État, il est crucial aujourd’hui qu’elles soient comprises et partagées, au regard des impulsions fortes qui sont nécessaires, et pour qu’elles puissent être mises en œuvre.

Les gouvernements successifs et les industriels ont en effet toujours tenu les citoyens à l’écart des décisions structurantes en matière de nucléaire. En 1974, le programme de construction de centrales nucléaires a débuté en urgence après le premier choc pétrolier. Ce choix n’a jamais fait l’objet d’une consultation des parlementaires ni des Français, sous quelque forme que ce soit. Malgré la promesse de l’ancien Président François Mitterrand d’organiser un référendum sur le nucléaire, les Français n’ont jamais été appelés à se prononcer pour ou contre cette énergie, alors même qu’ils résident sur le territoire le plus nucléarisé au monde.

Pourtant, les décisions stratégiques concernant la politique énergétique de la Nation, ainsi que leurs répercussions, concernent en tout premier lieu les citoyens eux‑mêmes. Chaque français doit pouvoir s’approprier la transition énergétique et être en mesure de prendre part aux décisions énergétiques futures qui seront prises. Par conséquent, ces décisions pour notre avenir énergétique doivent être prises de manière collective sur la base d’une démarche démocratique qui associe tous les citoyens. Or, ces derniers n’ont jamais été consultés ni impliqués en matière de politique de nucléaire civil, bien que les modes de production et de distribution de l’énergie touchent à tous les aspects de la vie.

À l’heure du réchauffement climatique, de la hausse des prix de l’énergie et des menaces qui pèsent sur notre approvisionnement énergétique, il est impératif d’adopter une stratégie énergétique française qui pourra relever l’ensemble de ces défis. La politique énergétique de la France est centrale pour atteindre la neutralité carbone et implique de faire des choix industriels forts pour décider quelles seront nos priorités d’investissements afin de réduire nos consommations et sortir des énergies fossiles. Elle est également fondamentale afin de sécuriser l’approvisionnement, la production et les prix de l’énergie pour l’ensemble des Français.

En résumé, les choix à venir concernant l’énergie nucléaire doivent être arbitrés de manière démocratique, et ne peuvent plus être concentrés entre les mains d’une seule personne, tant ils sont lourds de conséquences et engagent les générations actuelles et futures pour des décennies, voire des siècles. Ils doivent faire l’objet d’un véritable débat démocratique autour de la place du nucléaire, et ne pas seulement faire l’objet de consultations de façades concernant les futures installations sur certains sites prédéfinis. Seul ce débat serait en mesure d’ancrer et d’asseoir la légitimité ou non de la relance de cette technologie.

Le Président de la République a affirmé, le 10 janvier 2020, sa volonté de démultiplier les conventions citoyennes à la suite de la convention citoyenne sur le climat et en réponse aux demandes de participation exprimées par les citoyens lors du Grand débat national de 2019. En ce sens, il a engagé une réforme du Conseil économique, social et environnemental. Cette réforme, adoptée en 2021, permet aujourd’hui au Conseil économique, social et environnemental d’organiser des conventions citoyennes sur des sujets particuliers, à sa propre initiative, à la demande du Gouvernement ou celle du Parlement.

Au regard des enjeux autour de la relance du nucléaire et de ses conséquences, nous appelons à asseoir une telle décision sur un processus démocratique défini. Ainsi, nous invitons le Gouvernement, à travers cette proposition de résolution, à solliciter le Conseil économique, social et environnemental pour l’organisation d’une convention citoyenne sur le nucléaire, comparable à celles organisées sur le climat et la fin de vie, afin de conduire des travaux visant à éclairer la question suivante : « notre mix énergétique de demain doitil inclure un nouveau programme de réacteurs nucléaires ? ».

Face à l’urgence climatique et la nécessité de transformer notre modèle de production et de consommation, les implications d’un nouveau programme nucléaire ne se limitent plus à un simple choix énergétique, mais correspondent bien à un choix de société face auquel chaque citoyen, conscient et éclairé sur les enjeux et les impacts pour les générations futures, doit être en mesure de se prononcer. Pendant soixante ans, la politique industrielle en matière de nucléaire est restée opaque, relevant d’un système dirigiste. Il est temps d’y remédier.

proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 341 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant l’urgence d’accélérer la transition énergétique et de développer les énergies renouvelables pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et limiter les impacts du réchauffement climatique ;

Considérant l’absence de débat sur l’énergie nucléaire dans le cadre des travaux de la convention citoyenne pour le climat ;

Considérant l’avis de la Commission nationale du débat public du 1er décembre 2021 relatif à un débat public de programmation relatif à l’énergie nucléaire ;

Considérant que la décision de recourir ou non à l’énergie nucléaire doit être prise de manière démocratique, transparente et éclairée, en prenant en compte les risques environnementaux, la sécurité et la sûreté, les coûts, la disponibilité des ressources et les implications à long terme pour les générations futures ;

Invite le Gouvernement à solliciter, en application de l’article 4 de la loi organique n° 2021‑27 du 15 janvier 2021, le Conseil économique, social et environnemental pour l’organisation d’une convention citoyenne visant à éclairer la question suivante : « notre mix énergétique de demain doit‑il inclure un nouveau programme de réacteurs nucléaires ? ».