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N° 1109

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 avril 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à autoriser le retraitement
des dispositifs médicaux à usage unique,

présentée par Mesdames et Messieurs

Yannick NEUDER, Éric CIOTTI, Olivier MARLEIX, Annie GENEVARD, Émilie BONNIVARD, Michèle TABAROT, Valérie BAZINMALGRAS, Ian BOUCARD, JeanLuc BOURGEAUX, Hubert BRIGAND, Josiane CORNELOUP, Christelle D’INTORNI, MarieChristine DALLOZ, Vincent DESCOEUR, Francis DUBOIS, Virginie DUBYMULLER, Nicolas FORISSIER, Philippe GOSSELIN, Justine GRUET, Patrick HETZEL, Philippe JUVIN, Véronique LOUWAGIE, Alexandra MARTIN, Frédérique MEUNIER, Jérôme NURY, Éric PAUGET, Christelle PETEXLEVET, Isabelle PÉRIGAULT, Alexandre PORTIER, Nicolas RAY, Vincent ROLLAND, Nathalie SERRE, Isabelle VALENTIN, Pierre VATIN, Alexandre VINCENDET, Stéphane VIRY,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’adoption du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux ([1]) permet à chaque législation nationale d’autoriser la pratique du Retraitement, procédé utilisé dans le cadre de la Remise à neuf de dispositifs médicaux à usage unique (DMUU).

Ainsi le règlement définit la « Remise à neuf » comme « la restauration complète d’un dispositif déjà mis sur le marché ou mis en service, ou la fabrication d’un nouveau dispositif à partir de dispositifs usagés, de manière à le rendre conforme au présent règlement, ainsi que l’attribution d’une nouvelle durée de vie au dispositif remis à neuf ».

Cette remise à neuf fait appel au « Retraitement », défini comme « le procédé dont fait l’objet un dispositif usagé pour en permettre une réutilisation sûre, y compris le nettoyage, la désinfection, la stérilisation et les procédures connexes, ainsi que l’essai du dispositif usagé et le rétablissement de ses caractéristiques techniques et fonctionnelles en matière de sécurité ».

L’article 17 dudit règlement encadre le retraitement des dispositifs à usage unique, une pratique qui existe dans d’autres pays occidentaux où il est connu sous le terme de « reprocessing ».

Le paragraphe 2 prévoit particulièrement que l’entreprise qui procède au retraitement du DMUU devient le fabricant du dispositif retraité, au sens du règlement : la conformité avec les exigences du règlement, garantissant la sécurité et l’efficacité des dispositifs médicaux, est certifiée par le marquage CE. Le fabricant est également considéré comme un producteur selon l’article 3, paragraphe 1, de la directive 85/374/CEE concernant la responsabilité des produits défectueux.

On parle dans ce cas de « re‑fabrication » ou « re‑manufacturing ». Si le règlement donne la possibilité aux États, sous certaines conditions, d’appliquer des mesures dérogatoires concernant les obligations de « fabricant », il est préférable d’appliquer l’option la plus stricte, qui détermine les responsabilités sans ambiguïté. Par ailleurs, la traçabilité unitaire tout au long de la durée de vie du produit retraité permet de retrouver l’entité responsable, de la même façon qu’avec le producteur d’origine.

Toutefois, en France, l’article 10, alinéa 5, de l’ordonnance n° 2022582 du 20 avril 2022 portant adaptation du droit français au règlement (UE) 2017/745, interdit cette pratique. Une interdiction qui dès lors apparaît inopportune, à l’heure où la disponibilité de nos dispositifs médicaux devient préoccupante.

« Face aux pénuries de dispositifs médicaux, le retraitement est une nécessité pour continuer de soigner nos patients » plaidaient de nombreux professionnels de santé dans une tribune publiée dans Le Monde en décembre 2022 ([2]).

Dans cette même tribune, ils poursuivent : « En 2022, ce modèle linéaire [l’usage unique] atteint son point de rupture. Les chaînes d’approvisionnement globalisées dont il dépend sont fragilisées par les tensions croissantes sur les hydrocarbures et l’épuisement progressif des matières premières. Il en résulte une augmentation des prix de fabrication et de transport et surtout une pénurie mondiale de ces dispositifs. De surcroît, ce modèle généralisé de l’usage unique semble de moins en moins acceptable du fait de son empreinte carbone, de la consommation de matériaux rares qu’il engendre et de la pollution plastique qu’il génère » ([3]).

En effet, initier en France la pratique du retraitement des dispositifs médicaux à usage unique, offrirait de nombreux bénéfices.

Un réel enjeu économique

Pour les établissements de santé publics et privés, dans un contexte économique à ressources limitées, la possibilité de retraiter des dispositifs à usage unique permettrait :

– de réduire les déchets et les coûts associés de collecte et d’incinération ;

– d’utiliser des dispositifs de qualité à un coût réduit sans perturber les habitudes des praticiens utilisateurs ;

– de stimuler la compétition : À l’étranger les établissements utilisant le retraitement constatent une diminution du coût de leurs dispositifs médicaux neufs du fait de l’existence d’une alternative viable qui permet de sortir des monopoles souvent présents.

Une étude publiée en juin 2016 a estimé le marché mondial à plus d’1 Md$ en 2015 et l’évalue à 2,4 Md$ en 2022 ([4]).

Par ailleurs, le bilan dressé par l’Allemagne à la Commission européenne sur une seule famille de produits dans le cadre de la refonte du règlement européen confirme nettement cet avantage : l’utilisation de cathéters d’ablation retraités plutôt que neufs pour un type précis de pathologie cardiovasculaire avait conduit à une économie supérieure à 23 M€ par an ([5]).

Un réel enjeu environnemental

Aujourd’hui ces dispositifs médicaux à usage unique usagés font partie des déchets d’activités de soins à risque infectieux (DASRI) et sont intégralement incinérés alors même que la conception de certains d’entre eux devrait impliquer qu’ils soient collectés en tant que déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE).

La revalorisation de certains composants comme des métaux précieux, or, platine, entrant dans la composition de certains dispositifs, est peu développée.

L’autorisation du retraitement contribuerait donc à la préservation de l’environnement via :

– la revalorisation des matériels collectés au lieu d’une incinération (plusieurs tonnes de déchets pourraient ainsi être épargnées par an pour un établissement) ;

– la réutilisation de métaux précieux ;

– la réduction du bilan carbone des dispositifs utilisés, comme l’illustrent les travaux publiés en 2021 en Allemagne ([6]) qui ont conclu à une réduction des gaz à effet de serre de 50 % par rapport au produit neuf ainsi qu’à une réduction de 28 % du prélèvement de ressources abiotiques.

Un réel enjeu sociétal

La possibilité d’acquérir des dispositifs de qualité équivalente à moindre coût permettrait à un plus grand nombre de patients de bénéficier des avancées technologiques, souvent liées à de la chirurgie moins invasive.

Aussi, la présente proposition de résolution invite le Gouvernement à considérer la possibilité d’autoriser le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique et d’ainsi revenir sur l’ordonnance du 20 avril 2022.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 341 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux,

Vu l’article R. 6111‑21 du code de la santé publique,

Vu l’ordonnance n° 2022‑582 du 20 avril 2022 portant adaptation du droit français au règlement (UE) 2017/745,

Constatant la situation préoccupante quant à la disponibilité des dispositifs médicaux à usage unique,

Considérant les bénéfices économiques, environnementaux et sociétaux qu’impliquerait le retraitement de ces dispositifs,

Considérant la législation en vigueur dans d’autres pays européens,

Invite le Gouvernement à autoriser le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique et à revenir ainsi sur les dispositions de l’ordonnance n° 2022‑582 du 20 avril 2022 portant adaptation du droit français au règlement (UE) 2017/745.


([1]) Règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009.

([2]) « Face aux pénuries de dispositifs médicaux, le retraitement est une nécessité pour continuer de soigner nos patients » (lemonde.fr).

([3]) Ibid.

([4]) Reprocessed Medical Devices Market : Market Growth, Future Prospects and Competitive Analysis, 2016-2022, Credence Research Inc.

([5]) Report Confirms : Reprocessing SingleUse Devices Decreases Costs, May 2011, Dr. Von Eiff Medical Data Institute.

([6]) Combining Life Cycle Assessment and Circularity Assessment to Analyze Environmental Impacts of the Medical Remanufacturing of Electrophysiology Catheters.