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N° 1232

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 mai 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à affirmer une volonté politique forte
et à prendre des mesures urgentes et pérennes afin de protéger,
et de façon effective, les élus locaux
,

présentée par Mesdames et Messieurs

Philippe GOSSELIN, Emmanuelle ANTHOINE, Thibault BAZIN, Valérie BAZIN-MALGRAS, Émilie BONNIVARD, Ian BOUCARD, Hubert BRIGAND, Fabrice BRUN, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, MarieChristine DALLOZ, Vincent DESCOEUR, Fabien DI FILIPPO, Christelle D’INTORNI, Francis DUBOIS, Virginie DUBYMULLER, Nicolas FORISSIER, Annie GENEVARD, Justine GRUET, Victor HABERTDASSAULT, Mansour KAMARDINE, Marc LE FUR, Véronique LOUWAGIE, Alexandra MARTIN, Yannick NEUDER, Isabelle PÉRIGAULT, Alexandre PORTIER, Nicolas RAY, Nathalie SERRE, Jean-Pierre TAITE, Antoine VERMORELMARQUES, Jean-Pierre VIGIER, Alexandre VINCENDET, Stéphane VIRY,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le mandat d’élu local, et de maire en particulier, est‑il en danger ?

Le décès brutal, encore dans toutes les têtes, de Jean‑Mathieu Michel, maire de Signes, le 5 août 2019, percuté par une camionnette alors qu’il tentait de réprimander ses passagers venus déverser des gravats en pleine nature, avait provoqué l’indignation de nos concitoyens et celle des pouvoirs publics.

Aujourd’hui, les menaces, intimidations et l’incendie dont a été victime Yannick Morez le maire de Saint‑Brévin‑les‑Pins et finalement, de guerre lasse, sa démission doivent alerter non seulement tous les démocrates et républicains de notre Pays mais aussi les pouvoirs publics, le Gouvernement en premier lieu ! L’émotion est, à juste titre, forte mais c’est partout, en France, que de tels exemples sont désormais possibles !

Depuis plusieurs années pourtant, des alertes ont été données :

Les chiffres du ministère de l’Intérieur pour 2020, année d’un changement d’une profonde ampleur, avaient explosé : 1 276 agressions, menaces ou insultes contre des élus avaient alors été recensées : 505 maires ou adjoints avaient été agressés physiquement, 350 outragés, 68 atteintes contre des domiciles avaient été recensées, et 63 véhicules visés.

C’était trois fois plus qu’en 2019 !

Certains se disaient alors que 2020 était une année particulière, marquée par la contestation de la réforme des retraites, la tenue des élections municipales et la crise sanitaire. Mais en réalité, cette évolution se confirmait en 2021. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, les agressions physiques contre les élus avaient augmenté de 47 % par rapport à l’année précédente !

En 2022, les faits de violence physique ou verbale contre les élus ont encore augmenté de 32 % selon les chiffres du même ministère dévoilés mercredi 15 mars par la ministre des Collectivités Dominique Faure. L’an passé, 2 265 plaintes et signalements pour violence verbale (menaces, insultes, outrages) ou physique envers des élus ont ainsi été recensés. Cette inflation fait froid dans le dos ! Les élus locaux, femmes et hommes engagés pour le bien commun, sont de plus en plus en danger ! Que dire, du reste, des parlementaires eux aussi de plus en plus souvent maltraités ou menacés ? Ces derniers mois, comme pendant la crise covid, le nombre de cas a fortement augmenté.

Si rien n’est fait, nous serons dans une tendance durable, de long terme, de multiplication des faits de violence dirigés contre nos élus. Ce n’est pas acceptable !

Dans un contexte d’affaissement du lien social, de développement de certains réseaux sociaux et de remise en cause de l’autorité, il n’est pas question de laisser se multiplier ces faits graves visant les élus. Ils ne sont plus seulement des élus de proximité, à portée « d’engueulade », mais désormais à portée de coups !

Le Sénat, s’est penché sur la question, il y a quelques années sous l’autorité du président de la Commission des Lois d’alors, Philippe Bas. L’Assemblée elle‑même n’est pas restée inactive. En 2021 avec Naima Moutchou, nous présentions un rapport ([1]) sur le sujet. Nous formulions plusieurs propositions de réforme urgente. Elles sont restées lettre morte pour la plupart d’entre elles, faute d’une volonté politique claire et affirmée avec force de l’exécutif.

Certes, les pouvoirs publics ne sont pas restés totalement inertes. La loi « engagement et proximité », adoptée à la fin de l’année 2019 et la diffusion d’orientations de politique pénale plus fermes, en 2020 par le Garde des Sceaux, et par voie de circulaires de la Chancellerie ont pu aider, partiellement, au renforcement de l’autorité des élus municipaux. L’adoption de la loi n° 2021‑646 pour une sécurité globale préservant les libertés avait ouvert aussi quelques nouveaux champs.

Plus proche de nous, la loi n° 2023‑23 du 24 janvier 2023 permet aux associations d’élus, mais aussi à l’Assemblée nationale, au Sénat, au Parlement européen et aux collectivités territoriales de se constituer partie civile, un droit réservé auparavant aux seules associations départementales de maires.

Malgré ces quelques avancées et mesures, les difficultés non seulement demeurent mais se sont amplifiées !

Par ailleurs, ces actes d’agression, de violences insupportables restent trop souvent encore impunis.

Comment peut‑on laisser impunies de telles atteintes à un représentant de l’autorité, qui est aussi représentant de l’État, un élu local qui fait son travail ? Quel signal envoyé aux 36 000 maires de France, aux plus de 500 000 élus municipaux, aux différentes collectivités, souvent bénévoles, s’ils ne sont pas protégés ? Quel signal de laxisme envoyé aussi aux agresseurs !

Que ce soit par des propos ou par les mains, s’en prendre à un élu de la République, c’est s’en prendre à la République elle‑même ! Oui, c’est bien la République elle‑même qu’on bafoue ainsi ! Les élus sont les sentinelles de la République, et s’ils ne sont pas au‑dessus des lois, c’est à la République de les protéger !

Il faut, comme pour toutes les questions qui touchent à la sécurité et à la protection de nos concitoyens, des mesures fortes, à la hauteur des enjeux et des victimes. En l’espèce, ici, les élus locaux doivent se sentir soutenus et protégés, de façon indéfectible, par la République et ses institutions

Il est important que le Gouvernement s’empare avec force du sujet et prenne toutes les mesures qui s’imposent sous forme de circulaires ou d’actes réglementaires, ou en formulant des propositions, y compris pénales, qui devront alors être débattues, enrichies et votées par le Parlement. Il faut restaurer ce lien de confiance qui a longtemps lié nos élus à l’État et qui s’émousse dangereusement.

Toutes les voies et moyens doivent être utilisés. La République se doit d’assurer la sécurité de celles et ceux qui la représentent et la servent. C’est son essence même !

Tel est l’objet de cette proposition de résolution.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 341 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Invite le Gouvernement à renouer avec la confiance qui existe entre les élus locaux et l’État, à affirmer une volonté politique forte et une détermination sans faille et à prendre toute initiative et toute mesure notamment réglementaire ou législative, afin de mieux protéger, et de façon effective, les élus locaux et sanctionner les atteintes à leur autorité comme à leur personne et aux biens.


([1]) Rapport Moutchou/Gosselin sur les entraves opposées à l’exercice des pouvoirs de police des élus municipaux, avril 2021.

https ://www2.assembleenationale.fr/content/download/339384/3324966/version/1/file/MI+Entraves+Pouvoirs+PoliceCommunicationvd.pdf