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N° 1444

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 juin 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

appelant le Gouvernement à répondre aux besoins urgents de recherche, de prévention, de diagnostic et de prise en charge des troubles psychiatriques et pédopsychiatriques en France,

présentée par Mesdames et Messieurs

Yannick NEUDER, Éric CIOTTI, Olivier MARLEIX, Annie GENEVARD, Thibault BAZIN, Valérie BAZINMALGRAS, Émilie BONNIVARD, Ian BOUCARD, Xavier BRETON, Fabrice BRUN, Dino CINIERI, Josiane CORNELOUP, Christelle D’INTORNI, MarieChristine DALLOZ, Vincent DESCOEUR, Fabien DI FILIPPO, Francis DUBOIS, Virginie DUBYMULLER, Nicolas FORISSIER, JeanJacques GAULTIER, Philippe GOSSELIN, Justine GRUET, Meyer HABIB, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Philippe JUVIN, Mansour KAMARDINE, Marc LE FUR, Véronique LOUWAGIE, Alexandra MARTIN, Jérôme NURY, Isabelle PÉRIGAULT, Alexandre PORTIER, Nicolas RAY, Raphaël SCHELLENBERGER, Vincent SEITLINGER, Nathalie SERRE, Michèle TABAROT, JeanPierre TAITE, Isabelle VALENTIN, Pierre VATIN, Antoine VERMORELMARQUES, JeanPierre VIGIER, Alexandre VINCENDET, Stéphane VIRY,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« La situation de la psychiatrie en France est passée de grave à catastrophique ».

« Le manque de moyens des services psychiatriques est dénoncé depuis des décennies, et ce par l’ensemble des professionnels de l’enfance et de l’adolescence ».

« On observe aujourd’hui, chez les jeunes et adolescents, une croissance importante des tentatives de suicide, des troubles anxieux, des troubles du comportement alimentaire ».

Aujourd’hui, plus d’un français sur cinq est touché par des troubles psychiatriques. Ceux‑ci peuvent être de différentes natures : dépression, troubles anxieux, troubles alimentaires, autisme, schizophrénie ou encore bipolarité.

La majorité des troubles psychiatriques apparaissent à l’adolescence, entre 15 et 25 ans, et les premiers symptômes de ces troubles sont souvent ignorés. Pourtant, mal diagnostiqués ou mal pris en charge, ces troubles altèrent considérablement la qualité de vie des malades : souffrances psychologiques, maladies cardiovasculaires. Ils représentent la première cause d’arrêts maladie en France.

Pour les cas les plus graves, les personnes atteintes de troubles psychiatriques ont en moyenne une espérance de vie inférieure de 10 à 20 ans par rapport à la population générale.

Toutefois, trop peu de mesures de santé publique sont aujourd’hui prévues en France afin de prévenir et de détecter les troubles psychiatriques et pédopsychiatriques.

D’autre part, le manque considérable de moyens alloués à l’offre de soins psychiatriques et pédopsychiatriques affecte considérablement l’égalité de traitement et la prise en charge des patients.

Si notre pays a joué un rôle central dans l’émergence et l’essor de la discipline de la psychiatrie – de Philippe Pinel qui l’inventa aux travaux de Jean‑Martin Charcot sur le système nerveux en passant par la découverte par Henri Laborit des neuroleptiques et anxiolytiques, force est de constater qu’aujourd’hui, la France est devenue un néant psychiatrique.

Nous assistons à une véritable désertification psychiatrique ! La prise en charge de patients se dégrade très fortement et la perte d’attractivité se traduit donc par une fuite des soignants.

En effet, parent pauvre de la médecine, aujourd’hui en grande difficulté, la psychiatrie et la pédopsychiatrie publiques manquent d’argent et d’effectifs : 30 % des postes de psychiatres hospitaliers sont vacants et le nombre de postes d’infirmiers non pourvus a doublé entre 2019 et 2022. De plus, en 2020, l’Allemagne comptait 1302 lits de psychiatrie pour 1 million d’habitant conte 796 lits en France.

Par ailleurs, en dix ans à peine, le budget alloué à la psychiatrie dans notre pays a chuté de près de 13 % et a progressé deux fois moins vite que les dépenses globales de santé.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 n’apporte aucune réponse pour sortir la psychiatrie de cette situation critique alors même que le nombre de patients augmente et notamment depuis la crise du covid‑19.

La pédopsychiatrie est davantage touchée et fait face à une situation « catastrophique ».

Les soignants sont en grande difficulté. Des enfants et leurs parents souffrent du manque d’accompagnement, alors que les files d’attente s’allongent dans les centres médico‑psychologiques et médico‑psycho‑pédagogiques. Depuis des années, les professionnels tirent la sonnette d’alarme. Ils sont à bout.

A ce jour, on estime environ que 1 750 enfants sont en attente de places en établissement spécialisé. Certains d’entre eux sont « sans solution » : sans scolarité, sans soins, sans éducation autre que la famille à la maison.

Le rapport du Sénat sur la psychiatrie des mineurs de 2017 indiquait déjà le « constat d’une grande difficulté de la discipline, traversant une crise démographique ne lui permettant pas de répondre à ses besoins en évolution ». Cette situation a été rappelée à l’occasion des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie en 2021.

En conséquence, à l’occasion d’une tribune parue dans la presse le 24 novembre 2022, un collectif de soignants indiquait qu’en conséquence de ce manque de moyens et pour répondre aux multiples sollicitations, « les services doivent, malgré eux, réaliser un « tri » des patients, car ils ne peuvent pas répondre à toutes les demandes. Les urgences et les situations graves, de plus en plus graves, car ayant eu à attendre longtemps un premier rendez‑vous, augmentent sans cesse. Les professionnels sont débordés et doivent s’infliger ce « tri » ».

La recherche en santé mentale n’est pas suffisante !

Enfin, la recherche et l’innovation en psychiatrie et pédopsychiatrie stagnent en France, faute d’investissements massifs, alors qu’elles connaissent un puissant essor aux États‑Unis, au Royaume‑Uni et en Europe du Nord. Par exemple, alors que la France consacre seulement 4 % du budget de la recherche médicale à la santé mentale, les États‑Unis lui allouent 16 % de leur budget et les start‑ups américaines investissent plus d’un milliard de dollars par an dans la psychiatrie.

La France, pionnière en termes de recherche scientifique, doit impérativement rattraper son retard en la matière et l’État doit y prendre toute sa responsabilité.

C’est pourquoi la présente proposition de résolution invite le Gouvernement à se mobiliser beaucoup plus concrètement afin de répondre à cette demande urgente de prévention, de diagnostic et de prise en charge, notamment par la création d’un Institut national de la santé mentale.

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant l’augmentation manifeste des souffrances et troubles psychiatriques ainsi que pédopsychiatriques sur l’ensemble du territoire national ;

Considérant l’augmentation des besoins en psychiatrie et pédopsychiatrie sur l’ensemble du territoire national ;

Considérant la dégradation de l’offre de soins en psychiatrie et pédopsychiatrie en France ;

Considérant le manque de moyens alloués à l’offre psychiatrique et pédopsychiatrique en France ;

Considérant le manque d’attractivité des professions relevant des secteurs de la psychiatre et de la pédopsychiatre en France ;

Considérant une « offre de soins saturée » ainsi que « des parcours trop peu gradués » en psychiatrie et pédopsychiatrie ;

Considérant le retard de la France en termes de recherche inhérente aux troubles psychiatriques et pédopsychiatriques ;

Considérant le retard de la France en termes de prévention des troubles psychiatriques et pédopsychiatriques ;

Considérant le retard de la France en termes de diagnostic des troubles psychiatriques et pédopsychiatriques pour tous ;

Considérant qu’il est du devoir du Gouvernement de développer l’offre de soins psychiatriques et pédopsychiatriques ;

Considérant qu’il est du devoir du Gouvernement de mettre en place un réel plan de prise en charge de la douleur psychiatrique et pédopsychiatrique ;

Invite le Gouvernement français à :

faire de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie une Grande cause nationale sur la période 2023‑2027.

développer sa politique de recherche, de prévention, de diagnostic et de prise en charge, en psychiatrie et pédopsychiatrie au travers d’un grand plan national.

créer un Institut national de la psychiatrie et de la santé mentale afin de coordonner la recherche scientifique et la lutte contre les troubles psychiatriques et pédopsychiatriques, sur le même modèle que l’Institut national du cancer.

garantir un égal accès aux soins psychiatriques et pédopsychiatriques pour l’ensemble des citoyens français en renforçant le maillage territorial des soins et en s’assurant qu’ils répondent à la diversité des troubles psychiatriques et pédopsychiatriques.

favoriser l’attractivité des métiers inhérents au diagnostic et à la prise en charge des patients victimes de troubles psychiatriques et pédopsychiatriques.

améliorer la formation initiale et continue des professionnels de santé et paramédicaux en termes de psychiatrie et pédopsychiatrie.

améliorer la diffusion des outils de repérage et de prévention auprès des professionnels de première ligne, en particulier les psychologues et les infirmiers scolaires ainsi que les professionnels des services de protection maternelle et infantile.