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N° 1457

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 juin 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à accorder l’asile politique à Julian Assange
et à faciliter l’accès au statut de réfugié
pour les lanceurs dalerte étrangers,

présentée par Mesdames et Messieurs

Arnaud LE GALL, Nadège ABOMANGOLI, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Christine ARRIGHI, Clémentine AUTAIN, Christophe BEX, Manuel BOMPARD, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Jean‑François COULOMME Catherine COUTURIER, Alain DAVID, Sébastien DELOGU, Karen ERODI, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Perceval GAILLARD, Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Mathilde HIGNET, Hubert JULIEN‑LAFERRIÈRE, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Tematai LE GAYIC, Antoine LÉAUMENT, Élise LEBOUCHER, Jean‑Paul LECOQ, Charlotte LEDUC, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Francesca PASQUINI, François PIQUEMAL, Christine PIRES BEAUNE, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Sabrina SEBAIHI, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH‑TERRENOIR, Sophie TAILLÉ‑POLIAN, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Paul VANNIER, Léo WALTER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Il faut protéger toutes les libertés, la liberté de la presse, mais la liberté des individus aussi. » Ainsi s’exprimait le Président Emmanuel Macron, en 2019.

Pourtant, aujourd’hui, dans le cas de Julian Assange, ces deux libertés sont bafouées.

Fondateur du site WikiLeaks, ce journaliste australien a révélé de nombreux crimes de guerre commis en Irak et en Afghanistan, mais aussi l’espionnage de l’Élysée et de plusieurs ministres par les États‑Unis. Pour ces raisons, Julian Assange est victime, depuis treize ans, d’un impitoyable acharnement judiciaire – dont les ressorts essentiels sont politiques.

En la personne du journaliste, c’est un allié de la France et un garant de son indépendance qui se trouve persécuté et exposé aux rigueurs de la Raison d’État.

Son crime ? Avoir fait son devoir de journaliste. Avoir fait œuvre de vérité.

Détournant une loi votée pendant la Première Guerre mondiale, les États‑Unis menacent de le condamner à 175 années de prison. Après avoir dû se confiner pendant 7 longues années dans l’ambassade d’Équateur à Londres, où – des enquêtes journalistiques l’ont révélé– il a été soumis à un espionnage constant et intrusif, Assange croupit depuis 4 ans dans une prison de haute sécurité britannique. Ses recours juridiques étant quasiment tous épuisés, son extradition vers les USA semble imminente.

Plus que jamais, la France doit accueillir Julian Assange.

Depuis des années, citoyens, avocats, intellectuels, médecins demandent au Président de la République d’accorder l’asile politique à Julian Assange.

En février 2020, Éric Dupond‑Moretti lui‑même, avant de devenir ministre de la justice, soulignait à quel point Assange avait rendu service à notre nation :

« On va tout de même rappeler ce qu’il a permis de révéler. Il a permis de révéler en France que Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient été espionnés par les Américains, ça n’est pas rien. Il a permis de révéler également que Pierre Moscovici et François Baroin, deux ministres français de l’économie, avaient fait l’objet d’une opération d’espionnage économique conduite par les ÉtatsUnis. »

Et pourtant, malgré ces services rendus, malgré toutes les alarmes sur ses conditions de détention et son état de santé, la France n’a rien fait. Le pays des droits de l’Homme se tait.

Dans le monde, les protestations se sont multipliées.

Ancien rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Nils Melzer, considère par exemple que « Julian Assange doit à présent être libéré immédiatement, réhabilité et indemnisé pour les abus et l’arbitraire auxquels il a été exposé ».

Dans la suite de cette prise de position onusienne, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a énoncé, dans sa résolution n° 2317 du 28 janvier 2020 « Menaces sur la liberté des médias et la sécurité des journalistes en Europe », que les États membres doivent « reconnaître et garantir le respect du droit des journalistes de protéger leurs sources, et concevoir un cadre normatif, judiciaire et institutionnel adéquat pour protéger les lanceurs d’alerte et les facilitateurs d’alerte, conformément à la Résolution 2300 (2019) de l’APCE « Améliorer la protection des lanceurs d’alerte partout en Europe » ; et, « à cet égard, considérer que la détention et les poursuites pénales contre M. Julian Assange constituent un dangereux précédent pour les journalistes et se joindre à la recommandation du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui a déclaré, le 1er novembre 2019, que l’extradition de M. Assange vers les États‑Unis devait être interdite et qu’il devait être libéré sans délai ».

Dans la résolution n° 2300 précitée , adoptée le 1er octobre 2019, rapportée par le député français Sylvain Waserman, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avait appelé à « faire bénéficier les lanceurs d’alerte du droit d’asile, en permettant, dans des cas exceptionnels, que les lanceurs d’alerte introduisent la demande depuis leur lieu de séjour à l’étranger ; le niveau de maturité de la législation de protection des lanceurs d’alerte dans le pays d’origine doit être pris en compte ; ces procédures spécifiques aux lanceurs d’alerte pourraient être créées sous l’égide du Conseil de l’Europe ; en tout état de cause, il est essentiel de mener une réflexion sur le droit d’asile pour l’adapter aux nouveaux enjeux des lanceurs d’alerte ».

En novembre 2022, c’étaient cinq médias internationaux reconnus et respectés (The New York Times, The Guardian, Le Monde, El Pais et Der Spiegel) qui réclamaient, dans une lettre ouverte, l’abandon des poursuites américaines contre Assange.

En Australie, le gouvernement travailliste et l’opposition de droite s’accordent désormais pour considérer qu’il est temps de mettre un terme au martyr d’Assange. Le Premier ministre Anthony Albanese s’est exprimé en ce sens – sans, notons‑le, que cela compromette les liens d’amitiés que son pays entretient avec les États‑Unis.

Dans de nombreux autres pays, des parlementaires de tous bords s’associent pour défendre les droits et la personne de Julian Assange. Ils sont plusieurs dizaines en Grande‑Bretagne, près d’une centaine au Brésil ou au Mexique,

À Washington même, des membres éminents du Congrès se sont adressés au Procureur général pour lui demander « instamment d’abandonner les accusations émanant de l’ère Trump contre M. Assange ». Pour ces représentants, « chaque jour qui passe où les poursuites contre Julian Assange perdurent est un jour de plus où notre propre gouvernement ébranle inutilement notre propre autorité morale à l’étranger et fait reculer la liberté de la presse ».

Face à la situation de Julian Assange, détenu sans condamnation, et des nombreux lanceurs d’alertes et journalistes étrangers exposés comme lui à des représailles, la France ne peut rester muette.

Alors que Daniel Ellsberg, le courageux lanceur d’alerte des Pentagon Papers, vient de disparaître, et que le monde entier salue son rôle historique, abandonner Julian Assange – journaliste maintes fois primé, nominé à plusieurs reprises pour le Prix Nobel de la Paix – et assister passivement à la suite de son calvaire n’est pas envisageable. Ce serait un outrage à la Justice et à la liberté d’informer.

« Si les guerres peuvent être déclenchées par des mensonges, la paix peut être préservée par la vérité » déclarait Julian Assange.

Représentants de la Nation, héritiers et garants de la tradition d’accueil et de libre examen de la France, nous réclamons que le droit d’asile soit accordé́ à Julian Assange, et que soit facilité l’accès au statut de réfugié pour les lanceurs d’alerte et journalistes étrangers.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale, 

Vu l’article 34‑1 de la Constitution, 

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale, 

Vu l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789,

Vu l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948,

Vu l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950,

Rappelant les propos du président de la République : « Il faut protéger toutes les libertés, la liberté de la presse mais la liberté des individus aussi » ;

Considérant le service rendu au monde par l’intermédiaire de Wikileaks et des informations dévoilées sur les agissements illégaux des États‑Unis d’Amérique ; 

Considérant le service rendu à la Nation et au peuple français en révélant l’espionnage de l’Élysée par son allié américain ; 

Considérant le rôle que doit avoir la France dans la défense de la justice, de la liberté de la presse et de la liberté des individus ;

Rappelant les propos tenus par Éric Dupond‑Moretti en février 2020 : « Les 175 ans de prison qu’on lui promet aux États‑Unis, c’est une peine indigne, insupportable et contraire à l’idée que l’on peut tous se faire des droits de l’homme » ;

Considérant l’appel de nombreuses organisations non gouvernementales et institutions en faveur de sa libération, et la mobilisation politique internationale autour de sa personne ; 

Considérant la demande du 31 mai 2019 du rapporteur spécial de l’Organisation des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : « Julian Assange présente tous les symptômes d’une exposition prolongée à la torture psychologique : il a été délibérément exposé, pendant plusieurs années, à des formes graves de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il doit à présent être libéré immédiatement, réhabilité et indemnisé pour les abus, la persécution collective et l’arbitraire auxquels il a été exposé. » ;

Considérant la loi n° 2022‑401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte ;

Considérant les résolutions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe n° 2300 du 1er octobre 2019 « Améliorer la protection des lanceurs d’alerte partout en Europe » et n° 2317 du 28 janvier 2020 « Menaces sur la liberté des médias et la sécurité des journalistes en Europe » ;

Considérant la proposition de résolution n° 4867 du 5 janvier 2022, « invitant le Gouvernement à accorder l’asile politique à Julian Assange et à faciliter l’accès au statut de réfugié pour les lanceurs d’alerte étrangers » ;

1. Invite le Gouvernement à accorder l’asile politique à Julian Assange ;

2. Invite le Gouvernement à faciliter l’accès au statut de réfugié pour les lanceurs d’alerte étrangers répondant à la définition de la législation des lanceurs d’alerte et à leur accorder effectivement l’asile politique. Pour ce faire, le Gouvernement est invité à contourner l’obstacle de la nécessité de la présence physique du lanceur d’alerte sur le territoire français pour effectuer sa demande, en instituant la possibilité d’obtenir un visa humanitaire ou de solliciter l’asile, via le réseau consulaire français. Il est également demandé d’octroyer à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides la capacité d’examiner leur demande à distance ;

3. Invite le Gouvernement à saisir le Conseil de l’Europe en vue d’engager les travaux d’élaboration d’une convention spécifique visant à conférer le statut de réfugié aux lanceurs d’alerte.