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N° 1546

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

relative à une meilleure prise en charge des personnes atteintes
par un trouble du spectre autistique,

présentée par

M. Pierre MORELÀL’HUISSIER,

député.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En France, selon l’INSERM, environ 700 000 personnes sont atteintes d’un trouble du spectre autistique (TSA), dont 100 000 sont âgées de moins de 20 ans. Chaque année, environ 8 000 enfants naissent autistes, ce qui représente près d’une personne sur 100.

La Cour des comptes a évalué les coûts liés à la prise en charge des personnes autistes, toutes dépenses confondues à plus de 6,7 milliards d’euros par an. Nous en sommes loin.

Cette prise en charge prend la forme d’un maillage complexe, opaque pour les familles : une fois le premier diagnostic posé par un médecin, les parents d’enfants autistes doivent d’abord s’adresser à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de leur département afin de formuler les accompagnements et les interventions nécessaires. La MDPH leur permet de faire reconnaître administrativement le handicap de leur enfant, puis d’établir un plan personnalisé de compensation permettant aux parents de savoir vers quelles structures se tourner mais également de faire les démarches pour obtenir des allocations.

Il existe plusieurs sortes de lieux de prise en charge des patients autistes, en fonction du domaine de soin et de l’âge. Les centres d’action médicosociale précoce (CAMPS) ont pour missions le dépistage, le diagnostic, le traitement et la rééducation des jeunes enfants avant leur entrée à l’école primaire. Les centres médicopsychopédagogiques (CMPP) s’adressent aux enfants et aux adolescents jusqu’à 20 ans, qui éprouvent des difficultés d’apprentissage, des troubles psychomoteurs, du langage ou des troubles du comportement. L’équipe pluridisciplinaire est placée sous la responsabilité d’un médecin. Les CMPP existent dans chaque département et sont directement accessibles aux familles. Les centres médicopsychologiques (CMP) sont spécialisés dans le traitement des troubles psychiques. Un CMP accueille aussi bien des enfants que des adultes. Les services d’éducation spécialisée et de soins à domicile (Sessad) apportent un soutien spécialisé en développant des actions de soins et de rééducation dans les lieux de vie de l’élève (école, domicile). Enfin, les instituts médicoéducatif (IME) proposent, via une équipe pluridisciplinaire, des prises en charge éducatives, médicales et paramédicales afin de faire acquérir aux enfants et adolescents en situation de handicap une plus grande autonomie dans les actes de la vie quotidienne. Certains IME accueillent spécifiquement des personnes autistes, d’autres disposent d’un service dédié à cet accompagnement.

Si plusieurs stratégies nationales ont été mises en place pour l’autisme, des difficultés persistent.

Malgré les efforts, il existe une pénurie de structures spécialisées et de places en établissements médico‑sociaux pour accueillir et accompagner les personnes autistes. Cela entraîne des listes d’attente importantes et des délais de prise en charge souvent trop longs. Les principales structures concernées sont les IME. Ils permettent la prise en charge la plus complète pour les enfants handicapés, et notamment les enfants autistes. Or en 2022, 11 000 enfants sont encore en liste d’attente pour en intégrer un. Cet embouteillage à l’entrée des IME s’expliquerait par le faible nombre de sorties, alors que 24 % des patients actuels en IME auraient plus de 18 ans et 7,3 % plus de 20 ans.

Le faible nombre de sorties par rapport aux attentes d’entrée est actuellement justifié par “l’amendement Creton”, à l’article 22 de la loi du 13 janvier 1989 qui permet le maintien de jeunes adultes dans leur structure médicosociale audelà de 20 ans dans l’attente de l’intervention d’une solution adaptée.

On constate également un manque de coordination et de continuité des soins alors que le suivi des personnes autistes exige une coordination entre différents professionnels de la santé, de l’éducation et du médico‑social. Il s’agit donc d’assurer une continuité optimale dans l’accompagnement. Or, actuellement, aucune structure ne permet aux patients d’avoir un suivi centralisé, autres que les instituts médico‑éducatifs, déjà surchargés.

Les dispositifs scolaires inclusifs sont en outre insuffisants. L’intégration scolaire des enfants autistes progresse mais n’est pas encore satisfaisante. De nombreux établissements scolaires manquent encore de ressources et de formations spécifiques pour répondre aux besoins des enfants autistes. Cela peut conduire à des situations d’exclusion et de difficultés d’apprentissage. Par exemple, un grand nombre d’entre eux n’est scolarisé qu’à temps partiel, parfois moins d’une heure par jour aux côtés d’un AESH pour compenser le manque de place en institut médico‑éducatif.

Par ailleurs, de nombreux enfants autistes sont trop sévèrement touchés pour pouvoir suivre leurs cours dans un établissement scolaire classique, mais s’y retrouvent malgré tout, compte tenu du manque de place en institut spécialisé.

L’accès aux professionnels spécialisés dans l’autisme, tels que les psychiatres, psychologues ou orthophonistes formés à cette problématique, est un réel défi. Les temps d’attente pour les consultations sont souvent longs, ce qui retarde la prise en charge et le diagnostic. 

Par ailleurs, si les soins prescrits par un médecin peuvent être remboursés, l’accompagnement des personnes autistes nécessite d’autres soins spécialisés qui ne le sont pas, comme les consultations de psychologues spécialisés en méthode ABA, ou de psychomotriciens. Ne sont pas non plus remboursées les prestations d’éducateurs, pourtant essentielles pour les jeunes enfants autistes.

Enfin, malgré les efforts déployés pour sensibiliser le grand public à l’autisme, il subsiste encore des lacunes dans la connaissance et la compréhension de ce trouble. Une sensibilisation accrue et une formation adéquate des professionnels de santé, de l’éducation et du social sont nécessaires pour améliorer la prise en charge globale de l’autisme.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu « l’amendement Creton » à l’article 22 de la loi du 13 janvier 1989 qui permet le maintien de jeunes adultes dans leur structure médico‑sociale au‑delà de 20 ans dans l’attente de l’intervention d’une solution adaptée ;

Considérant les plans « autisme » successifs qui ont créé une prise en charge des personnes autistes et de leur famille, en améliorant l’accès aux soins, à l’éducation et à l’emploi ;

Considérant, malgré l’ambition croissante des plans Autisme, leurs effets limités ;

Considérant l’hétérogénéité des cas de personnes concernées par un trouble du spectre autistique et la difficulté d’une réponse unifiée et la nécessité d’une approche sur‑mesure ;

Considérant que le précédent plan (2018‑2022) arrive s’achève et que les défis demeurent ;

1. Invite le ministère de la santé et des solidarités à accroître les efforts en matière de prévention et d’information autour des troubles du spectre autistique pour changer le paradigme de stigmatisation et favoriser des diagnostics précoces, en s’appuyant sur le maillage des centres de ressources autisme ;

2. Invite le Gouvernement à améliorer l’accessibilité géographique des centres de ressources autisme à travers la création de relais de proximité infra‑départementaux ;

3. Souhaite que le Gouvernement agisse en vue de pallier la pénurie de structures spécialisées et de places en établissements médico‑sociaux pour accueillir et accompagner les personnes autistes ;

4. Invite le Gouvernement à augmenter les fonds alloués à la recherche afin de favoriser des avancées scientifiques en vue de mieux comprendre les troubles du spectre autistique, dans l’objectif d’accompagnements adaptés, mais aussi à la formation et à l’accueil, pour accroître effectivement les capacités d’accueil et d’accompagnement ;

5. Invite le Gouvernement à élargir les mesures de remboursement aux soins spécialisés que requiert l’accompagnement des personnes autistes ;

6. Invite le Gouvernement à entamer une réflexion pour une évolution structurelle de la gestion de l’autisme en France ;

7. Souhaite qu’une réflexion soit menée sur la mise en place de solutions adaptées pour les jeunes adultes et les adultes présentant des troubles du spectre autistique, afin de désengorger les instituts existants ;

8. Invite le Gouvernement à mettre en place des indicateurs portant sur l’efficacité du parcours de diagnostic, afin d’avoir des indices pertinents de mesure de l’efficacité des politiques menées ;

9. Invite le Gouvernement à conduire sous l’égide des agences régionales de santé une intégration de l’offre de services sanitaires, sociaux et médico‑sociaux intervenant dans le diagnostic et la prise en charge de l’autisme ;

10. Suggère au Gouvernement la mise en route d’un nouveau plan « autisme » plus ambitieux pour les quatre années à venir, dans le cadre d’une projection de long‑terme.