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N° 1616

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 septembre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à enrayer la tardiveté de la diffusion
des programmes audiovisuels de première partie de soirée,

présentée par Mesdames et Messieurs

Thomas MÉNAGÉ, Franck ALLISIO, José BEAURAIN, Pierrick BERTELOOT, Bruno BILDE, Sophie BLANC, Frédéric BOCCALETTI, Pascale BORDES, Jorys BOVET, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Edwige DIAZ, Nicolas DRAGON, Frédéric FALCON, Thibaut FRANÇOIS, Thierry FRAPPÉ, Frank GILETTI, Christian GIRARD, José GONZALEZ, Géraldine GRANGIER, Daniel GRENON, Jordan GUITTON, Timothée HOUSSIN, Alexis JOLLY, Hélène LAPORTE, Laure LAVALETTE, Katiana LEVAVASSEUR, Gisèle LELOUIS, Christine LOIR, Alexandre LOUBET, Matthieu MARCHIO, Michèle MARTINEZ, Nicolas MEIZONNET, Pierre MEURIN, Serge MULLER, Caroline PARMENTIER, Kévin PFEFFER, Lisette POLLET, Stéphane RAMBAUD, Angélique RANC, Julien RANCOULE, Laurence ROBERTDEHAULT, Alexandre SABATOU, Emeric SALMON, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, JeanPhilippe TANGUY, Antoine VILLEDIEU,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Selon les données fournies par Médiamétrie, entre 2009 et 2022, l’heure moyenne de lancement du primetime a été décalée de 29 minutes. En 2009, les grands programmes commençaient en moyenne à 20h39, contre 21h08 en 2022.

Ces résultats globaux dissimulent des disparités qui demeurent entre les différentes chaînes télévisuelles avec des prime‑time atteignant en 2019 presque 21 h 20 pour TMC, 21 h 15 pour C8 ou encore 21 h 10 pour TF1 ; mais aussi sur le service public avec un horaire moyen de début de 21 H 08 pour France 2.

Ce glissement est un des effets de la diversification et des multiples transformations qu’a connu la télévision française depuis la fin de l’ORTF. L’apparition et l’essor des chaînes privées dans les années 80, avec Canal + en 1984, puis la privatisation de TF1 en 1987, l’horaire s’est successivement décalé, pour passer à 20 h 40, puis à 20 h 45 et 21 heures voire 21 h 30. Pourtant, ce phénomène touche également les chaînes publiques, lesquelles sont amenées à transposer une partie du modèle et des méthodes qu’implique la finalité commerciale des chaînes du secteur privé.

Ainsi, le temps paraît bien loin où les familles s’installaient en début de soirée, pour visionner le désormais révolu « film du soir » à 20 h 35, avant d’aller dormir pour reprendre le travail ou l’école le lendemain. 

Pourtant, cette évolution de l’heure de diffusion des programmes audiovisuels ne s’est pas doublée d’une modification des horaires de travail et d’école au sein de la société.

Avec ces multiples reports poursuivis sans discontinuer depuis quarante ans, les Français se sont donc détournés de plus en plus des films et émissions en famille pour préférer la flexibilité qu’offrent les plateformes privées et le streaming, par l’effet d’une concurrence difficilement égalable. 

Ces nouveaux horaires de diffusion expliquent en partie la forte diminution du temps de sommeil des Français, désormais inférieur à sept heures par nuit, en incluant les jours de repos, selon le baromètre de Santé publique France (SPF) publié dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) en mars 2019.

Cette réduction du temps de sommeil a des conséquences sérieuses sur la santé, notamment des jeunes, comme le souligne le directeur général de Santé publique France qui évoque « un risque plus élevé d’obésité, de diabète de type 2, d’hypertension, de pathologies cardiaques et d’accidents ».

Au‑delà de ces considérations, le décalage des films du soir a également des conséquences sociales, empêchant certains publics de visionner, notamment en famille, l’intégralité d’un programme dont l’heure de fin peut désormais dépasser minuit, y compris en semaine.

Le CSA (devenu l’Arcom) a plusieurs fois alerté sur la tardiveté des horaires de diffusion ainsi que sur le décalage fréquent entre l’horaire annoncé et celui de diffusion réelle.

Une concertation a d’ailleurs été organisée en mai 2019 avec les responsables de différents groupes, mais celle‑ci n’a abouti à aucune évolution favorable.

Aussi, le mouvement continu de décalage de l’horaire des programmes de la soirée poursuit sa lancée sans que les responsables télévisuels ne prennent en considération les plaintes et les doléances du public. Dans un souci de rentabilité financière et de lucrativité, les programmateurs exploitent les plages horaires du soir, qui sont des heures de grandes expositions, et diffusent de nombreux panneaux publicitaires avant d’amorcer le programme du soir. 

Durant ces heures, les coûts de diffusion des spots publicitaires enregistrent un haut niveau de rentabilité pour les sociétés vendeuses d’annonces, en raison du nombre important de téléspectateurs. 

Aujourd’hui, il n’existe pas de cadre juridique dans le domaine audiovisuel définissant un horaire de début de soirée, et il relève de la liberté éditoriale. 

Partant, si la liberté éditoriale et l’autonomie organisationnelle sont des éléments nécessaires et fondamentaux de la télévision publique comme privée, il est cependant à relever, sans qu’il soit fait grief à cette liberté, que la protection de la santé publique constitue un objectif à valeur constitutionnelle que le législateur doit poursuivre et concilier avec la liberté d’entreprendre.

C’est pourquoi la présente proposition ne vise pas à nuire aux responsables de programme et à leur liberté d’action, mais entend protéger les téléspectateurs face aux dérives des logiques commerciales néfastes à la santé de tous.

Elle vise à la réunion, sous l’égide de l’Arcom, d’une conférence intersectorielle destinée à réfléchir sur les mesures à prendre en vue d’enrayer la tardiveté de la diffusion des programmes du soir, et de garantir des horaires raisonnables par l’engagement des responsables télévisuels.

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que la protection de la santé publique constitue un objectif à valeur constitutionnelle dont le législateur doit poursuivre la réalisation ;

Considérant que la garantie du respect d’horaires de diffusion raisonnables des programmes audiovisuels de première partie de soirée participe de la réalisation de cet objectif pour les usagers de l’audiovisuel ;

Considérant l’impérieuse nécessité pour l’audiovisuel français de survivre à la concurrence des grandes plateformes de streaming nord-américaines ;

Considérant que la réglementation de l’audiovisuel public et privé ne nuit pas à la liberté éditoriale des responsables de programme mais contribue à la stabilité de l’offre télévisée ;

Invite l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à réunir avant la fin de l’année 2023 une conférence intersectorielle destinée à enrayer la tardiveté de la diffusion des programmes du soir, et à garantir aux usagers télévisuels le respect des horaires préalablement annoncés par l’adoption de directives à portée normative et contraignante.