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N° 1622

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

relative à la préservation du patrimoine culturel lié aux vitraux et au maintien de l’artisanat des vitraillistes menacé par la révision du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006, dit « REACH » portant sur l’interdiction du plomb,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jordan GUITTON, Bénédicte AUZANOT, Philippe BALLARD, José BEAURAIN, Pierrick BERTELOOT, Emmanuel BLAIRY, Victor CATTEAU, Sébastien CHENU, Annick COUSIN, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Jocelyn DESSIGNY, Edwige DIAZ, Sandrine DOGORSUCH, Frédéric FALCON, Grégoire de FOURNAS, Thibaut FRANÇOIS, Frank GILETTI, Yoann GILLET, José GONZALEZ, Florence GOULET, Géraldine GRANGIER, Daniel GRENON, Michel GUINIOT, Catherine JAOUEN, Alexis JOLLY, Gisèle LELOUIS, Katiana LEVAVASSEUR, Christine LOIR, Aurélien LOPEZLIGUORI, Philippe LOTTIAUX, Alexandre LOUBET, Matthieu MARCHIO, Michèle MARTINEZ, Kévin MAUVIEUX, Nicolas MEIZONNET, Serge MULLER, Kévin PFEFFER, Lisette POLLET, Angélique RANC, Julien RANCOULE, Laurence ROBERTDEHAULT, Emeric SALMON, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, JeanPhilippe TANGUY, Laurent JACOBELLI, Christophe BENTZ, Sophie BLANC, Jorys BOVET, Jérôme BUISSON, Frédéric CABROLIER, Roger CHUDEAU, Thierry FRAPPÉ, Stéphanie GALZY, Christian GIRARD, Marine HAMELET, Laure LAVALETTE, Hervé de LÉPINAU, MarieFrance LORHO, Bryan MASSON, Julien ODOUL, Stéphane RAMBAUD, Béatrice ROULLAUD, Antoine VILLEDIEU, Timothée HOUSSIN,

députés.

 

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les vitraux représentent un savoir‑faire français, un patrimoine unique par son ampleur et par sa variété. La France possède la plus grande surface de vitraux du monde, environ 90 000 mètres carrés et détient à elle seule plus de 60 % du patrimoine européen. Les premiers vitraux semblent dater du Xe siècle, et cet art se développait notamment en Champagne et en Bourgogne. Le développement du vitrail connaît ensuite un essor considérable au XIIe siècle avec la construction de nombreuses églises dans toute l’Europe.

Ce patrimoine perdure et contribue à l’attractivité de notre territoire. De la cathédrale Notre‑Dame de Paris à l’église Saint‑Leu à la Réunion, les vitraux font partie de l’histoire et du patrimoine français et européen. Ces œuvres, souvent religieuses, parfois profanes, contribuent à la renommée du territoire. Elles sont le fruit du travail millénaire d’artistes et de professionnels qui apprennent et transmettent depuis des générations un savoir‑faire exceptionnel. 

Le travail du vitrail concerne 450 ateliers indépendants en France, ateliers qui font perdurer autant de techniques ancestrales que sont les maquettes à l’aquarelle, la découpe des plaques de verre, la peinture et cuisson à 630 ° C et le sertissage des pièces qui consiste à les assembler sur des baguettes de plomb, qui sont au cœur du travail des ateliers indépendants du vitrail en France. Au fil des siècles, les artisans ont affiné leur technique ainsi que les différents procédés afin de perfectionner leur maîtrise de l’art. Les évolutions de cette technique se sont faites dans un souci d’amélioration, avec une constante : le plomb. Il est utilisé depuis le Moyen‑Âge pour la réalisation de vitraux grâce à ses propriétés uniques.

Ce matériau, par sa malléabilité et sa ductilité, est indispensable à la fabrication des vitraux afin de maintenir ensemble les différents fragments de verre. Il offre ainsi une grande liberté de création. Des recherches de nouvelles techniques pour remplacer cet élément essentiel ont été faites, mais aucune n’a permis de trouver le substitut parfaitement adéquat. L’ensemble de la profession est unanime sur ce point.

La potentielle nocivité du plomb lors de la fabrication des vitraux n’est pas contestée par les artisans, mais bien prise en compte. En effet, des protocoles stricts encadrent l’utilisation de cette substance et les risques ont été intégrés dans les ateliers. 

La révision du règlement européen n° 1907/2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, dit « REACH » qui pourrait ajouter le plomb à la liste des substances interdites engendrerait une incapacité de rénover d’anciens vitraux et d’en créer de nouveaux.

La France a le privilège et la charge de conserver des vitraux qui sont, pour nombre d’entre eux, antérieurs à la Révolution française. C’est un cas singulier par rapport aux autres pays du monde. À cela s’ajoutent tous les vitraux posés au XIXe et XXe, qui complètent ce patrimoine immense. Ajouter le plomb à la liste des substances interdites dans le cadre de la révision en cours du règlement européen serait porter un coup mortel au patrimoine et à l’histoire française et européenne. 

Cette interdiction entraînerait un désastre économique et culturel. D’un point de vue économique, cela signifierait la fermeture de 1 200 entreprises du secteur en France et la disparition de nombreux emplois en France et en Europe. D’un point de vue culturel, cette interdiction entraînerait la fin d’un savoir‑faire artisanal unique et la disparition progressive de l’ensemble du patrimoine du vitrail français.

Pour ces raisons, il paraît nécessaire que la représentation nationale apporte un soutien politique fort à ce secteur directement menacé par la révision du règlement « REACH ». Il est indispensable que l’Assemblée nationale tienne une position ferme contre l’interdiction du plomb pour le vitrail, et que les autorités européennes tiennent compte de cette position qui rejoint les revendications des acteurs de la filière. 

Cette proposition de résolution européenne vise donc à enjoindre les responsables politiques à préserver l’utilisation du plomb pour l’activité des vitraillistes afin de sauvegarder le patrimoine français et européen et de poursuivre la création de cet art millénaire et unique. 


proposition de résolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), en particulier ses articles 114, 167 et 169, 

Vu le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission, 

Vu la stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques publiée par la Commission européenne le 14 octobre 2020, 

Vu l’étude d’impact publiée le 5 mai 2021 sur la révision du règlement « REACH »,

Vu le règlement (UE) 2023/923 de la commission du 3 mai 2023 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le plomb et ses composés dans le PVC,

Considérant l’importance et la singularité des vitraux dans le patrimoine européen et français ; 

Considérant que l’unicité de ce patrimoine se reflète dans l’architecture des édifices religieux et participe à une histoire européenne commune ;

Considérant que la France détient la plus grande surface de vitraux du monde ;

Considérant que les vitraux participent au rayonnement de notre culture dans le monde et à l’attractivité touristique de nos territoires ;

Considérant le rôle essentiel du plomb dans la réalisation et la rénovation des vitraux et son caractère indispensable étant donné l’absence de substitut adéquat ;

Considérant les nombreuses recherches et efforts accomplis par les professionnels du vitrail pour améliorer leur savoir‑faire, élaborer de nouvelles techniques et tenter de trouver une alternative au plomb ; 

Considérant que les artisans et entreprises, acteurs de cette filière, intègrent les risques de nocivité du plomb dans leurs ateliers, notamment grâce à l’information et à la prévention des travailleurs, aux équipements de protection, et à des protocoles stricts qui encadrent l’utilisation de cette substance ;

Considérant que l’interdiction totale et sans alternative de l’usage du plomb envisagée par la révision du règlement européen « REACH » ne permet pas la poursuite de l’activité des vitraillistes et signifie la fin de la transmission d’un savoir‑faire millénaire et unique en France ; 

Considérant que la révision du règlement telle qu’elle est envisagée entraînerait la délocalisation des ateliers et entreprises de création et de rénovation de vitraux en dehors de l’Union européenne ;

Demande qu’une concertation des acteurs de la filière du vitrail ait lieu avant toute évolution du droit communautaire les concernant et menaçant directement leur activité et que leurs revendications légitimes soient prises en compte dans la révision du règlement « REACH » ;

Exige que le règlement « REACH » prévoie une exception à l’interdiction du plomb pour la filière du vitrail étant donné la nécessité du matériau pour la survie de la filière et pour la préservation du patrimoine européen ;

Exige une exemption de droit et sans contrepartie financière afin de permettre aux acteurs du secteur de poursuivre leur activité essentielle ;

Invite le Gouvernement à préserver le patrimoine culturel en protégeant l’activité vitrailliste aux prochaines réunions du Conseil de l’Union européenne.