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N° 1707

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à engager un plan d’urgence de prévention
et de lutte contre les punaises de lit et à créer un service public
de la désinsectisation,

présentée par Mesdames et Messieurs

Mathilde PANOT, François PIQUEMAL, Danielle SIMONNET, Sébastien DELOGU, Rachel KEKE, Éric COQUEREL, Nadège ABOMANGOLI, Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, Rodrigo ARENAS, Clémentine AUTAIN, Christian BAPTISTE, MarieNoëlle BATTISTEL, Julien BAYOU, Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Mickaël BOULOUX, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Philippe BRUN, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Steve CHAILLOUX, Florian CHAUCHE, Sophia CHIKIROU, Hadrien CLOUET, Alexis CORBIÈRE, Jean‑François COULOMME, Catherine COUTURIER, Hendrik DAVI, Arthur DELAPORTE, Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, Elsa FAUCILLON, Olivier FAURE, Emmanuel FERNANDES, Sylvie FERRER, Caroline FIAT, Charles FOURNIER, Perceval GAILLARD, MarieCharlotte GARIN, Raquel GARRIDO, Jérôme GUEDJ, Clémence GUETTÉ, David GUIRAUD, Johnny HAJJAR, Mathilde HIGNET, Chantal JOURDAN, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Sébastien JUMEL, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Julie LAERNOES, Maxime LAISNEY, Antoine LÉAUMENT, Arnaud LE GALL, Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, Jérôme LEGAVRE, Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Benjamin LUCAS, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, Jean Philippe NILOR, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Francesca PASQUINI, Stéphane PEU, Sébastien PEYTAVIE, René PILATO, Marie POCHON, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Valérie RABAULT, JeanHugues RATENON, Sandra REGOL, Sébastien ROME, Sandrine ROUSSEAU, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Isabelle SANTIAGO, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACHTERRENOIR, Aurélien TACHÉ, Andrée TAURINYA, Matthias TAVEL, Aurélie TROUVÉ, Cécile UNTERMAIER, Boris VALLAUD, Paul VANNIER, Léo WALTER, Jiovanny WILLIAM,

Député‑e‑s.


 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Héberger des punaises de lit est un calvaire, elles empêchent de dormir, elles mordent douloureusement, elles épuisent, elles usent les nerfs à devenir fou. Un matin, j’ai trouvé des traînées de sang, sur mon haut de pyjama. Les punaises se nourrissent de sang. Pour les contenir, j’ai prévenu ma famille, mon entourage et n’ai plus reçu d’amis chez moi, ni ne me suis rendue chez eux ».

Une inaction gouvernementale dangereuse

Depuis 2019 et le premier dépôt d’une proposition de résolution par les députés insoumis appelant le gouvernement à considérer les punaises de lit comme un enjeu national de santé publique, aucune mesure significative n’a été prise par les pouvoirs publics permettant d’endiguer la propagation de ce fléau. En février 2020, un numéro vert national a été créé ainsi qu’un site Internet dédié stop‑punaises.gouv.fr ([1]), site qui n’existe plus et renvoie vers une page sur le site du ministère de la Transition écologique. En 2022, un plan interministériel est lancé, centré autour de la sensibilisation et sans aucunes mesures contraignantes. Le plan prévoyait la création d’un observatoire national en septembre 2022. Cet observatoire destiné à collecter des données n’a jamais vu le jour.

Le gouvernement n’a donc jamais agi à la hauteur des alertes portées par les associations, les syndicats de locataires, les scientifiques ou encore les citoyens. En juillet 2019, Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire insoumis lançait une campagne sur l’enjeu national de santé que représentent les punaises de lit, en lien avec l’association Droit au logement (DAL), la Confédération nationale du logement (CNL), l’Association nationale de défense des consommateurs (CLCV) et le collectif La Cabucelle de Marseille. Le 22 novembre 2019, une résolution exhortait le gouvernement à agir à la suite d’auditions et d’actions de désinsectisation, portant plusieurs propositions ([2]). En février 2020, Mathilde Panot posait une question au gouvernement. Toute cette campagne menée par les insoumis n’a recueilli que moqueries et indifférence. Depuis les punaises de lit prolifèrent. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ([3]), entre 2017 et 2022, plus d’un foyer sur 10 a été confronté aux punaises de lit. On les retrouve dans les hôpitaux, les hôtels, les bibliothèques, les écoles, les résidences universitaires, les foyers de travailleurs, les maisons de retraite, les prisons, les trains ou même les salles de cinéma, laissant craindre une explosion des infestations si aucune mesure politique nationale n’est prise.

Cette résolution a pour objectif d’interpeller de nouveau le gouvernement sur cette problématique afin qu’il prenne cette fois les mesures qui s’imposent et à même d’endiguer le phénomène.

Les punaises de lit, un problème de santé publique

Les punaises de lit, aussi appelées cimex lectularius, rendent la vie impossible à plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens. Hématophages, ces insectes hétéroptères se nourrissent exclusivement de sang. Elles se reproduisent extrêmement vite : une femelle peut pondre jusqu’à 500 œufs au cours d’une vie, à raison de 5 à 15 par jour. En outre, les punaises de lit adultes peuvent survivre entre 12 et 18 mois sans nourriture.

Comme les punaises de lit ne transmettent pas de maladies infectieuses, elles ont souvent été considérées comme une simple nuisance et les personnes infestées sont ainsi laissées seules dans leur calvaire. Or les punaises de lit provoquent de fortes démangeaisons, parfois des allergies voire des anémies chez les personnes âgées. Par ailleurs, elles sont toujours un enjeu de santé mentale : elles engendrent des crises d’angoisse, un état d’hypervigilance, des insomnies, de la paranoïa. La vie sociale, familiale et professionnelle en pâtit, parfois les enfants sont envoyés ailleurs, des familles entières dorment par terre, des personnes en viennent à prendre des somnifères ou des antidépresseurs. Beaucoup des personnes infestées évoquent « un traumatisme ».

Dans son rapport de juillet 2023 l’ANSES a confirmé que les punaises de lit représentaient un risque pour la santé publique – et pas uniquement pour la salubrité publique.

Une prolifération inquiétante des punaises de lit

En France, des études et expertises sont progressivement publiées afin de poser des chiffres sur les infestations de punaises de lit. En 2016 et 2017, la Chambre syndicale de désinfection, désinsectisation et dératisation (CS3D) reportait 200 000 sites infestés. En 2018, au moins 400 000 sites infestés étaient recensés dont 100 000 en Île‑de‑France, soit une augmentation de 100 % en deux ans. En 2019, toujours selon la CS3D, 540 000 lieux infestés avaient fait l’objet d’intervention pour punaises de lit. En 2020 ce sont 950 000 interventions pour des domiciles infestés que la CS3D a reporté. Soit une augmentation de 76 % des interventions en 2020 par rapport à 2019.

Le plus préoccupant est que ces chiffres sont sans aucun doute en deçà de la réalité, puisqu’ils ne répertorient pas toutes les interventions des professionnels de désinsectisation ainsi que toutes les personnes qui tentent de se débarrasser des punaises de lit par leurs propres moyens. Mais ces chiffres permettent de comprendre l’explosion du problème et l’impérieuse nécessité pour les pouvoirs publics de s’en saisir de toute urgence.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la prolifération des punaises de lit. D’abord, le tourisme de masse dans la première destination touristique au monde ainsi que le développement de systèmes comme « airbnb » nous exposent particulièrement aux punaises de lit. Ensuite, la réduction des espèces prédatrices du fait de la perte massive de biodiversité, est de nature à permettre la prolifération des punaises : la même situation est rencontrée dans le cas des tiques. Sont également identifiés comme facteurs favorisant leur dissémination la résistance croissante développée par les populations de punaises aux insecticides et la progression des achats de seconde main dans les habitudes de consommation. Enfin, les perspectives d’avenir sont préoccupantes, avec des étés rendus plus longs et plus chauds par le changement climatique. Les températures élevées permettent en effet un cycle de développement plus court des punaises de lit, accélérant le rythme déjà rapide de leur reproduction. Certains professionnels de la désinsectisation constate même avec les hivers qui s’adoucissent la fin de la saisonnalité de la punaise de lit.

Dans ce contexte, l’absence de coordination de mesures d’ampleur à l’échelle du pays pour lutter contre ce phénomène est particulièrement préoccupant. Il est impératif que les pouvoirs publics réagissent avant que la situation ne devienne incontrôlable.

Les citoyens livrés à euxmêmes et au privé

Les punaises de lit sont un tabou. Les personnes touchées n’osent bien souvent pas en parler, de peur d’être perçues comme « sales ». Or les punaises de lit n’ont rien à voir avec l’hygiène d’où la nécessité de briser ce tabou. L’ANSES le confirme « Contrairement à une idée reçue, leur présence ne traduit pas un manque de propreté : tout le monde peut être victime d’une infestation à son domicile ». En outre, les punaises de lit n’ont pas de classe sociale. Elles touchent les foyers indistinctement du niveau de revenu contrairement là aussi à une idée reçue bien ancrée.

Il faut déculpabiliser les citoyens quant à la présence de punaises de lit chez eux. Tout le monde peut être infesté, seulement une inégalité financière extrêmement forte demeure. Pour une désinsectisation, il faut compter une dépense moyenne de 866 euros par an par ménage infesté sans prendre en compte les frais de lavage de l’ensemble des tissus, voire parfois le changement du mobilier. Une étude Ipsos de 2021 comptait même en moyenne 1249 euros de budget pour en venir à bout : 620 euros pour les traitements des professionnels, 400 euros de dommages collatéraux (meubles jetés, objets abîmés), 145 euros de « services complémentaires » comme le traitement des vêtements ou la détection canine, et le reste en « traitements maison ». C’est considérable et beaucoup de personnes n’ont pas d’autres choix que de renoncer à faire appel à des professionnels. L’explosion des punaises de lit et l’inflation font craindre que nos concitoyens tentent de plus en plus de s’en débarrasser seuls, souvent avec des risques forts pour leur santé. D’autant que dans les quartiers les plus pauvres, les personnes finissent par jeter leurs affaires infestées de punaises, qui sont ensuite récupérées dans la rue. Ce phénomène renforce la prolifération et la dissémination des punaises de lit.

Pire, les punaises de lit ont développé une résistance aux insecticides et les produits chimiques utilisés continuent à sélectionner les souches de punaises les plus résistantes. Le docteur Arezki Izri, chef de service en parasitologiemycologie à l’hôpital Avicenne, spécialiste des punaises de lit a ainsi prouvé que 90 % des punaises de lit sont désormais insensibles à ces produits. L’un des problèmes les plus considérables lié à l’usage de ces produits est qu’ils sont néfastes pour l’environnement et la santé des usagers. Un plan d’État d’éradication des punaises de lit devrait donc privilégier l’usage de la chaleur sèche, moyen efficace et sans dommages pour la santé de nos concitoyens.

L’urgence d’un service public de désinsectisation

L’ANSES a estimé que le coût pour les ménages français pour se débarrasser des punaises de lit était de 1,4 milliards entre 2017 et 2022, soit 230 millions d’euros par an en moyenne. De plus le coût sanitaire imputable à l’infestation des punaises de lit en France est estimé à environ 83,5 millions d’euros pour l’année 2019. L’ANSES pointe aussi que pour les logements étudiants gérés par le CROUS, le coût a été de 700 000 euros en 2021.

230 millions d’euros, cela représente un coût énorme à porter pour les ménages touchés, mais c’est pour l’État une dépense raisonnable, d’autant plus quand on sait qu’elle permettrait de faire économiser 83,5 millions au moins de dépenses de santé et autant d’impacts pour la santé mentale de nos concitoyens.

Créer un service public de désinsectisation gratuit, garantissant des méthodes efficaces et respectant l’environnement et la santé des habitants est la seule proposition à la hauteur du fléau des punaises de lit et de l’impératif de le combattre.

L’urgence est à une action politique coordonnée et à l’élaboration d’un plan public d’ampleur pour faire face à ce problème qui, si l’inaction prime, ne fera que s’aggraver.

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Invite le Gouvernement à veiller à prendre la mesure du phénomène de la prolifération des espèces punaises de lit et à dégager des pistes de réflexion visant à engager un plan de prévention, d’action et de lutte contre les punaises de lit qui pourrait contenir les mesures suivantes :

– la reconnaissance des punaises de lit comme un problème de santé publique ;

 

– un fonds d’urgence pour l’endiguement des punaises de lit ainsi qu’un plan national d’éradication des punaises de lit ;

– un plan national de prévention quant aux risques liés aux punaises de lit ;

– une interdiction pour les entreprises privées d’employer des insecticides, inefficaces et nocifs pour la santé et l’environnement ;

– un encadrement tarifaire des interventions des entreprises privées immédiatement ;

–  La création de services publics de désinsectisation équipés de matériels de chaleur sèche ;

– la mise en place d’un fonds d’indemnisation en faveur des personnes les plus démunies ayant dû jeter leur mobilier ;

– la mise en place d’un service de ramassage des meubles infestés ;

– l’inscription des punaises de lit dans le Plan national santé environnement 4 de 2021-2025.


([1])  stop-punaises.gouv.fr.

([2])  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2438_proposition-resolution.

([3])  Les punaises de lit : impacts, prévention et lutte, Avis de l’Anses Rapport d’expertise collective,

Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (ANSES), juillet 2023. (https://www.anses.fr/fr/system/files/BIOCIDES2021SA0147Ra.pdf).