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N° 1945

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête visant à identifier les origines de la crise du logement en France et à établir les responsabilités des politiques publiques,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Frédéric FALCON, M. Franck ALLISIO, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Philippe BALLARD, M. Christophe BARTHÈS, M. José BEAURAIN, M. Christophe BENTZ, M. Pierrick BERTELOOT, M. Bruno BILDE, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Sophie BLANC, M. Frédéric BOCCALETTI, Mme Pascale BORDES, M. Jérôme BUISSON, M. Frédéric CABROLIER, M. Victor CATTEAU, M. Sébastien CHENU, M. Roger CHUDEAU, Mme Caroline COLOMBIER, Mme Annick COUSIN, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Edwige DIAZ, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Nicolas DRAGON, Mme Christine ENGRAND, M. Grégoire DE FOURNAS, M. Thibaut FRANÇOIS, M. Thierry FRAPPÉ, Mme Stéphanie GALZY, M. Yoann GILLET, M. Christian GIRARD, M. José GONZALEZ, Mme Florence GOULET, Mme Géraldine GRANGIER, M. Michel GUINIOT, M. Jordan GUITTON, Mme Marine HAMELET, Mme Catherine JAOUEN, M. Alexis JOLLY, Mme Laure LAVALETTE, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Gisèle LELOUIS, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Katiana LEVAVASSEUR, Mme Christine LOIR, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, Mme Marie-France LORHO, M. Philippe LOTTIAUX, M. Alexandre LOUBET, M. Matthieu MARCHIO, Mme Michèle MARTINEZ, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Joëlle MÉLIN, Mme Yaël MENACHE, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Pierre MEURIN, M. Serge MULLER, M. Julien ODOUL, Mme Mathilde PARIS, Mme Caroline PARMENTIER, M. Kévin PFEFFER, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Angélique RANC, M. Julien RANCOULE, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Béatrice ROULLAUD, Mme Anaïs SABATINI, M. Alexandre SABATOU, M. Emeric SALMON, M. Michaël TAVERNE, M. Lionel TIVOLI, M. Antoine VILLEDIEU,

députés.

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les Français n’ont jamais éprouvé autant de difficultés à se loger ; la construction de logements neufs s’effondre, l’offre reste inférieure à la demande dans les zones tendues, la liste des demandeurs d’un logement social s’allonge, l’accession à la propriété s’éloigne peu à peu pour la majorité des primo‑accédants.

Les chiffres sont éloquents :

– chute du pouvoir d’achat immobilier avec la perte de 18 mètres carrés depuis 2022 dans le cadre d’une acquisition ;

– plus de 2 400 000 ménages sont dans l’attente d’un logement social ;

– 3 millions de logements sont aujourd’hui vacants ;

– 12 millions de Français sont touchés par le mal‑logement ;

– le logement reste le premier poste de dépense pour les foyers les plus modestes ;

– le loyer dépasse 40 % du revenu des locataires dans certaines métropoles ;

– la livraison de logements neufs devrait s’effondrer à 250 000 en 2024 contre 450 000 requis ;

– le nombre de sans‑abris a doublé en 10 ans et dépasse les 330 000 personnes ;

– 300 000 emplois sont menacés dans le secteur de l’immobilier.

Contrairement aux déclarations du Gouvernement, la crise du logement que nous traversons n’a pas pour seule origine les contraintes conjoncturelles que sont la remontée des taux d’intérêt ou l’inflation des énergies et matériaux qui impactent la construction neuve. La vision idéologique du Président de la République, Emmanuel Macron, porte une lourde responsabilité dans la situation que subissent les Français.

Depuis 2017, le Président de la République s’emploie à détourner les Français de l’investissement immobilier pour les réorienter vers les valeurs mobilières. Cette politique désincitative, illustrée par le remplacement de l’impôt sur la fortune (ISF) par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), est l’émanation d’une philosophie mondialiste à laquelle l’immobilier fait obstacle. Les disciples de la mondialisation libérale se représentent la propriété immobilière comme un actif en sommeil, peu liquide et vecteur d’enracinement, qui, selon eux, demeure un véritable frein à l’accélération des échanges, des flux financiers, et à l’interchangeabilité des Hommes.

La présidence d’Emmanuel Macron porte un coup dur à la politique du logement. Elle est marquée par :

1) Des coupes budgétaires 

Depuis 2017, ce sont plus de 15 milliards d’euros qui ont été rabotés entraînant la baisse des aides personnalisées au logement (APL), la quasi‑suppression des APL accession, une restriction du prêt à taux zéro (PTZ) ou le maintien d’un dispositif d’investissement dans le neuf sans grande ambition (Pinel+).

Certes, la politique du logement coûte près de 37 milliards mais elle stimule un secteur qui rapporte plus de 80 milliards d’euros de rentrées fiscales.

2) De nouvelles normes affectant la construction de logements neufs

À ces rabots successifs, s’additionne une multiplication des normes environnementales qui participe à la raréfaction du foncier avec l’instauration du Zéro Artificialisation Nette (ZAN) et à l’augmentation des coûts de construction avec la Règlementation Énergétique 2020 (RE 2020).

L’exclusion de la maison individuelle du PTZ+, qui voit en plus son zonage restreint, symbolise à lui seul l’orientation idéologique du gouvernement, en opposition aux aspirations des Français.

La suppression de la taxe d’habitation achève de décourager les maires bâtisseurs, qui redoutent d’accueillir de nouveaux habitants sur leur commune, dans un contexte budgétaire contraint. Dans ce climat hautement défavorable, la livraison de logements neufs s’effondre pour atteindre selon les projections 250 000 en 2024, la construction de logements sociaux est à l’arrêt malgré 2,4 millions de dossiers en attente.

3) De nouvelles normes affectant le parc ancien 

Après avoir sinistré le marché du neuf, locomotive du secteur immobilier, le gouvernement a élargi les hostilités au parc ancien en interdisant progressivement, depuis le 1er janvier 2023, la location de logements présentant une note de DPE dégradée, qualifiés de « passoires thermiques ».

Les Français, qui n’ont pas vu venir cette disposition de la loi dite Climat et Résilience votée en pleine crise sanitaire, font face à une atteinte inédite de leur droit de propriété, la valeur de leurs biens étant désormais suspendue au verdict d’un DPE mesuré par des sociétés privées peu contrôlées, dont la fiabilité porte à caution. S’il n’a pas les moyens de réaliser les travaux, ou même si ces derniers sont contrariés par des règles de copropriété ou des autorisations d’urbanisme strictes, le propriétaire se trouve alors dans une situation kafkaïenne et économiquement intenable. Il lui reste alors deux alternatives : la vacance du logement ou la vente à prix décoté de son bien.

L’INSEE estime que sans travaux, près d’un logement sur deux ne sera plus louable en Île-de-France dans les années à venir. Face à une telle dépossession organisée, une révolte sourde se lève dans les villes exposées à une forte pression foncière, notamment à Paris où toute isolation par l’extérieur reste prohibée afin de protéger les façades haussmanniennes.

4) Une absence de vision en matière d’aménagement du territoire

La métropolisation est un phénomène d’organisation territoriale visant à concentrer dans les métropoles les activités économiques, les flux financiers, les richesses, les fonctions décisionnelles et la population. Encouragée par la mondialisation libérale, selon laquelle cette concentration stimule la croissance économique, elle se déploie au détriment des territoires ruraux.

Cette concentration de l’emploi a des conséquences directes sur le marché du logement dans les grands centres urbains. L’accroissement de la demande crée une inflation continue du prix de l’immobilier, excluant dans un premier temps les Français les plus modestes puis les classes moyennes des grandes métropoles, qui ne sont plus en capacité de se loger dans les principaux bassins d’emploi. Cette relégation les pousse à s’éloigner des centres‑villes vers les espaces péri‑urbains, les exposant à des temps de trajet ne cessant de s’allonger et à un coût des transports en constante progression (hausse du prix des carburants et des voitures).

Le mouvement des Gilets Jaunes fut l’expression d’une réaction face aux conséquences sociales négatives de la métropolisation.

Poussée à son paroxysme, la métropolisation devient un frein à la croissance économique. Les étudiants renoncent à leurs études, les jeunes diplômés, les saisonniers et de nombreux actifs refusent aujourd’hui un emploi en raison de leur incapacité à trouver un logement.

Depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, aucune politique d’aménagement du territoire visant à réduire la pression foncière s’exerçant dans les grandes métropoles n’a été entreprise.

Cette résolution vise à identifier les origines de la crise du logement, accentuée par des choix idéologiques néfastes pour les Français. Elle est un préalable à la construction d’une politique, capable de surmonter la crise sociale qui ne manquera pas de se produire à court terme.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête composée de 30 députés.

Cette commission sera chargée d’analyser les causes et les origines de la crise du logement.

Elle permettra de connaître l’effet des politiques publiques sur cette crise, de mesurer l’impact des choix idéologiques du gouvernement sur le déclin économique du secteur immobilier et de ses conséquences sur l’ensemble des Français.