N° 2043

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 décembre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur le trafic des armes à feu en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à la Réunion et à Mayotte,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Marcellin NADEAU, Mme Soumya BOUROUAHA, M. André CHASSAIGNE, M. Pierre DHARRÉVILLE, Mme Elsa FAUCILLON, M. Sébastien JUMEL, Mme Karine LEBON, M. Jean-Paul LECOQ, M. Yannick MONNET, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Davy RIMANE, M. Stéphane PEU, M. Fabien ROUSSEL, M. Nicolas SANSU, M. Jean-Marc TELLIER,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les armes à feu pullulent en Martinique et en Guadeloupe et la banalisation de leur usage amène de plus en plus de jeunes et d’adolescents à tuer d’autres jeunes et adolescents.

La circulation d’armes en Martinique et en Guadeloupe représente un grave fléau. Plus de 600 armes saisies en Martinique en 2023, une vingtaine de meutres, plus de 150 agressions par armes à feu en 2022… Il est plus que jamais urgent de mener une étude précise et approfondie de ce phénomène grandissant et préoccupant, d’autant qu’il touche des tranches de plus en plus jeunes de la population.

Une mobilisation générale des acteurs est impérative et doit se fonder sur une véritable analyse objective des sources et des causes de ce phénomène, de ses conséquences ainsi que des moyens de lutte. Les réponses des pouvoirs publics doivent désormais être à la hauteur de ce fléau contemporain de violence armée.

Cette violence tend à gangrener nos territoires ainsi qu’en témoigne la multiplication de faits divers tragiques traduisant une insécurité individuelle et collective s’installant dans le quotidien.

Les armes à feu, souvent fabriquées aux États‑Unis, sont exportées en toute illégalité vers la Caraïbe et l’Océan indien où les autorités sont débordées par la violence. Le Mexique a porté plainte contre les fabricants d’armes américains, soutenu par plusieurs pays de la Région. Aux États‑Unis, des élus demandent l’adoption d’une stratégie pour stopper ce flux illégal d’armes à feu qui déstabilise tout le bassin caraïbéen notamment.

Dans la Caraïbe, les armes à feu, fabriquées aux États‑Unis, sont cause de 70 % des homicides. En Haïti, les armes utilisées par les gangs sont trafiquées depuis la Floride, ou volées dans les armurereries des forces de l’ordre. Elles sont ensuite acheminées d’Haïti vers la République dominicaine, Porto‑Rico, la Jamaïque, Sainte‑Lucie pour finalement arriver en Martinique, en Guyane et en Guadeloupe.

À Sainte‑Lucie, une trentaine d’homicides ont déjà été répertoriés en 2023. En Martinique, en Guadeloupe, il ne se passe plus de semaines sans que des règlements de compte enregistrent de nouvelles violences et victimes.

Rien que pour le premier semestre, le constat en Martinique est accablant.

Depuis le début de l’année 2023, on dénombre plus de 600 armes saisies en Martiniqu, de toutes catégories, et de nombreux homicides parfois en pleine rue et plein jour !

En Guadeloupe, la situation est tout aussi préoccupante.

Les pouvoirs publics ont pris la mesure du phénomène et il faut saluer le travail des forces de l’ordre et des fonctionnaires de justice. Pourtant ce dévouement n’est pas suffisant pour enrayer le phénomène et le cycle des violences s’accentue. Notamment car il dépasse nos frontières. Les collectivités locales, la société civile et les familles sont engagées dans ce combat, mais elles attendent des réponses fortes de l’État

Il est urgent qu’une réflexion soit engagée dans les meilleurs délais sur les conditions d’importation, de détention et d’usage des armes à feu pour enrayer ce trafic illicite. Les dispositifs mis en place par la préfecture et les services de l’État, certes utiles, sont encore nettement insuffisants dans cette lutte difficile mais vitale contre la délinquance et la criminalité.

Les signataires de cette proposition de résolution demandent donc qu’une commission d’enquête parlementaire, ayant pour mission de faire un état de cette question, soit créée en application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée Nationale.

Pour rappel, les propositions n° 1406 de création d’une commission d’enquête sur la détention, l’usage et le trafic des armes à feu en Martinique et en Guadeloupe du 8 octobre 2013 et 2194 du 25 juillet 2019 sont paradoxalement restées sans suite alors même que la situation n’a cessé de se détériorer.

Il est temps de se saisir d’une situation qui devient désormais explosive.

Cette enquête pourrait ainsi s’appuyer sur l’expertise des sociologues, enseignants, éducateurs, travailleurs sociaux, experts judiciaires, gendarmes, policiers et autres professionnels de la sécurité aux Antilles afin de fédérer un panel suffisamment large pour traiter ce problème qui gangrène nos sociétés.

 


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proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres, ayant pour objet de déterminer les conditions de provenance, de circulation, de trafic, de détention et d’usage des armes à feu en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte.