N° 2044

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 décembre 2023.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à mettre en œuvre une politique d’immigration et d’intégration professionnelle et étudiante pour aider à l’attractivité économique et intellectuelle,

 

présentée par

M. Marcellin NADEAU,

député.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À l’heure où la question de l’« Immigration » occupe tous les esprits, il semble nécessaire de se doter en la matière d’une vision globale, notamment concernant l’immigration qualifiée. 

En effet, la multiplication de dizaine de textes depuis trente ans sur le sujet de l’immigration, souligne dangereusement l’absence de doctrine claire en l’espèce.

L’empilage d’un ensemble de mesures disparates et souvent contradictoires envoie un signal fort sur la manière dont est perçue l’immigration, à savoir davantage comme une menace que comme une opportunité. Et s’il est évidemment indispensable que l’État soit en mesure de contrôler efficacement qui entre et sort de son territoire, ce serait une erreur que d’en oublier de penser une politique de valorisation de l’immigration qualifiée étudiante et professionnelle.

En la matière, force est de constater l’absence de stratégie d’ensemble alors qu’il est indispensable d’appréhender l’immigration positivement, à l’aune de l’enjeu de la compétitivité et de l’attractivité françaises.

Si tantôt les textes valorisent l’idée d’intégration, d’autres dispositions montrent au contraire un renfermement contestable. Pourtant la relance de l’attractivité de la France pour les étrangers les plus qualifiés est un enjeu vital.

Cela ne serait pas si dramatique si cette prise de position n’attentait pas aux intérêts économiques mêmes de la France, car les voisins européens et américains, pour ne citer qu’eux, eux, ne s’y trompént pas :

– Les États‑Unis ont une stratégie claire d’attraction des talents étrangers qui porte ses fruits : l’immigration professionnelle y dépasse actuellement le niveau atteint juste avant l’épidémie de Covid. Le ratio immigration professionnelle/immigration globale est de 23 %, atteignant le niveau le plus élevé depuis plusieurs années. En comparaison, l’immigration professionnelle en France ne représente que 11 % de l’immigration globale sur l’année 2022.

– L’Allemagne a également légiféré pour favoriser l’immigration professionnelle. La loi du 23 juin 2023 a ainsi allégé les conditions d’entrée au profit des travailleurs qualifiés pour pallier la pénurie de main‑d’œuvre affectant plusieurs secteurs économiques comme le bâtiment et le service à la personne, l’objectif affiché étant d’attirer 400 000 talents étrangers par an.

La Cour des comptes, qui avait d’ailleurs bien identifié cette lacune dans un rapport d’avril 2020, n’a semble‑t‑il pas été entendue.

Les débats très médiatisés ces derniers mois portant sur les métiers en tension, soulignent une irresponsabilité dommageable de la politique française en la matière. Pourtant, loin de rejeter cette nécessité, en l’état, une simple modification de la circulaire Valls, du 28 décembre 2012, pourrait suffir à encadrer ce domaine. En effet, ce texte prévoit d’ores et déjà que la régularisation, pour motif professionnel, peut être réalisée à la discrétion du préfet (sans être d’ailleurs limité aux métiers en tension).

En effet, de nombreux secteurs d’activités et zones géographiques accusent des problèmes de recrutement. C’est le cas en France hexagonale mais cela l’est aussi dans les dits Outre‑mer.

L’étude d’impact du projet de loi Immigration de novembre 2023 a rappelé (sur la base des statistiques Pôle emploi) que « plus d’un recrutement sur deux est désormais jugé « difficile » par les employeurs (58 %) », et ce essentiellement en raison « du manque de candidats (86 %) ou de l’inadéquation de leur profil (71 %) ».

C’est également le constat des organisations patronales qui considèrent que « malgré un taux de chômage supérieur à 7 % et 2,3 millions de personnes sans emploi, de nombreuses offres d’emplois ne trouvent aujourd’hui pas preneurs ». Et rappellent que « 53 % des dirigeants interrogés cherchaient actuellement à recruter et que 91 % d’entre eux évoquaient des difficultés pour le faire ».

La priorité serait donc, sur ce sujet, de réunir patronat et syndicat pour déterminer, par zone géographique et par domaines d’activité, les besoins spécifiques en termes d’emplois.

Pour rappel, introduite en 2008, la liste des métiers en tension n’a été révisée qu’une seule fois, le 1er avril 2021, la rendant en grande partie inadaptée aux besoins des différents acteurs.

Il serait intéressant d’introduire une disposition obligeant à réviser cette liste, a minima chaque année, après consultation de l’ensemble des parties prenantes.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que le sujet des métiers en tension ne constitue pas l’alpha et l’oméga d’une politique visant à promouvoir l’immigration qualifiée.

À ce titre, il est par exemple nécessaire d’aller plus loin dans la simplification amorcée du régime des passeports talents qui concernent, par définition, les étrangers les plus qualifiés susceptibles de contribuer activement au rayonnement économique de notre pays. À défaut, ces derniers mettront leurs compétences au bénéfice d’autres États.

En amont, il est essentiel d’adopter une politique permettant d’attirer les étudiants les plus brillants. Sur cette question, aucun volontarisme ne transparait de la part du gouvernement. Pire encore, de nouveaux obstacles à l’accueil des étudiants étrangers, déjà soumis à des démarches, sont introduits par celui‑ci, avec pour conséquence de nuire à l’attractivité et au rayonnement de notre territoire pour ces profils qualifiés.

À l’inverse, il s’agirait d’organiser la simplification de l’insertion sur le marché du travail de ces jeunes, dès lors qu’ils auraient accompli leurs études avec succès et qu’une entreprise souhaiterait les embaucher : en exonérant notamment ces dernières, quand cela leur est demandé, d’avoir à fournir une autorisation de travail.

 


– 1 –

proposition de loi

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789,

Vu le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration et son étude d’impact,

Vu l’avis sur un projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, du 1er février 2023,

Vu l’avis 23‑02 du 23 février 2023 relatif au projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration du 23 février 2023,

Vu le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution de la « Mission Immigration, Asile et Intégration » d’avril 2021,

Considérant la nécessité de se doter d’une stratégie claire d’attraction des talents étrangers pour pallier la pénurie de main‑d’œuvre affectant de nombreux secteurs économiques comme le bâtiment et le service à la personne ;

Considérant la nécessité d’attirer des étudiants étrangers de haute qualification en France ;

Considérant la nécessité pour les Outre‑mer d’attirer les intelligences de leurs zones par un renforcement de la coopération régionale ;

Invite le Gouvernement à réunir patronat et syndicat pour déterminer, par zone géographique et par domaines d’activité, les besoins spécifiques en termes d’emplois, et notamment à moderniser chaque année la liste des métiers en tension ;

Invite le Gouvernement à une simplification déjà amorcée du régime des passeports talents qui concernent les étrangers les plus qualifiés susceptibles de contribuer activement au rayonnement économique de notre pays et à adopter une politique permettant d’attirer les étudiants les plus brillants ;

Invite le Gouvernement à organiser la simplification de l’insertion sur le marché du travail de ces jeunes, dès lors qu’ils auraient accompli leurs études avec succès et qu’une entreprise souhaiterait les embaucher, notamment en exonérant les entreprises, quand cela leur est demandé, d’avoir à fournir une autorisation de travail ;

Invite le Gouvernement à mettre en place une expérimentation, au sens de l’article 37‑1 de la Constitution, tendant à organiser l’immigration professionnelle autour de cibles quantitatives pluriannuelles fondées sur les niveaux de qualification et les secteurs professionnels, adossées à un dispositif de sélection individuelle.