– 1 –

N° 2123

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 janvier 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à appeler la France à mettre en œuvre les mesures conservatoires décidées par la Cour internationale de justice dans le contentieux introduit par l’Afrique du Sud à l’encontre de l’État d’Israël sur la situation à Gaza au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948,

 

présentée par

Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Alexis CORBIÈRE, M. Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, M. Hendrik DAVI, M. Sébastien DELOGU, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, Mme Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mme Raquel GARRIDO, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Mathilde HIGNET, Mme Rachel KEKE, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, Mme Pascale MARTIN, M. William MARTINET, M. Frédéric MATHIEU, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Adrien QUATENNENS, M. Jean-Hugues RATENON, M. Sébastien ROME, M. François RUFFIN, M. Aurélien SAINTOUL, M. Michel SALA, Mme Danielle SIMONNET, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, M. Léo WALTER,

députées et députés.

 


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le 11 octobre 2023, Israël mène l’opération « Épée de fer », menée en réponse à l’opération « Déluge d’alAqsa », massacre injustifiable perpétré par la branche armée du Hamas quatre jours plus tôt.

Dès le lancement de cette opération, de nombreuses personnalités en Europe et dans le monde, juristes internationaux, acteurs humanitaires, spécialistes de l’histoire d’Israël ou du conflit israélo‑palestinien, hauts‑responsables des Nations Unies, chefs d’États ou de gouvernements, responsables politiques, se sont alarmés face au risque d’actions de l’armée israélienne pouvant conduire à des crimes de guerre, à des actes de nettoyage ethnique ou encore à un génocide de la population palestinienne de Gaza.

Comme nous étions nombreux à le craindre, l’opération « Épée de fer », qui visait soi‑disant à « éradiquer le Hamas », s’est rapidement transformée en un massacre indifférencié de la population de Gaza. En témoignent certaines déclarations de responsables israéliens, tels que Yoav Gallant, ministre de la défense, qui, alors qu’il « {ordonnait} le siège total de Gaza » le 9 octobre, déclarait « nous combattons des animaux humains, nous agissons en conséquence ». En témoignent encore les déclarations de Bezalel Smotrich, celui‑là même qui déclarait en mars 2023 qu’ » il n’y {avait} pas de Palestiniens, car il n’y a pas de peuple palestinien » et réclamait le départ des Palestiniens de Gaza, tout comme son collègue Itamar Ben Gvir, qui souhaite « encourager l’émigration de centaines de milliers de personnes de Gaza permettra aux résidents (israéliens) de rentrer chez eux (à la lisière de Gaza) (…) ». En témoigne le siège de Gaza, l’arrêt de la fourniture d’eau et d’électricité, l’interdiction complète pour toute aide humanitaire de pénétrer sur le territoire gazaouie pendant près de deux semaines et sa stricte limitation depuis à un seuil largement insuffisant, le pilonnage incessant de cette bande de 365 kilomètres carré, les dizaines de milliers de bombes déversées sur ce territoire en à peine deux mois, notamment sur les hôpitaux et infrastructures essentielles les centaines de milliers de déplacés et les 25 700 morts, dont 70 % de femmes et d’enfants.

C’est dans ce contexte que la République d’Afrique du Sud décidait le 29 décembre d’introduire devant la Cour internationale de justice (CIJ) une instance contre l’État d’Israël au sujet de manquements supposés aux obligations qui lui incombent au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en ce qui concerne les Palestiniens dans la bande de Gaza. Alors que l’Afrique du Sud priait la CIJ d’indiquer des mesures conservatoires préventives, la Cour, après avoir entendu les deux parties les 11 et 12 janvier dernier, a rendu sa décision le 26 janvier dernier.

Dans sa décision, la CIJ reconnait le peuple palestinien de Gaza comme un groupe protégé au sens de l’article II de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (CPRCG) et soulève le « risque génocidaire » induit par les actions militaires d’Israël dans la Bande de Gaza.

À ce titre, la Cour indique à Israël de « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention (…) », de « veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun des actes visés (…) », de « prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence », de « prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes entrant dans le champ d’application des articles II et III de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide commis contre les membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza » et de « soumettre à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour donner effet à la présente ordonnance dans un délai d’un mois à compter de la date de celleci ».

Cette décision, de portée historique, envoie un signal clair à l’État d’Israël et à la communauté internationale : la réponse d’Israël aux attaques barbares du 7 octobre 2023 présente un risque de génocide et la population de Gaza doit être protégée.

Cette décision, qui s’apparente comme une victoire pour le droit international, seule base sur laquelle une paix durable est possible, oblige l’État d’Israël, signataire de la CPRCG de 1948 et de la Charte des Nations Unies de 1945. Cette dernière stipule en son article 94 que « chaque Membre des Nations Unies s’engage à se conformer à la décision de la Cour internationale de Justice dans tout litige auquel il est parti », et pour lequel la Cour s’est reconnue compétente. Elle oblige la communauté internationale et les États membres de l’ONU à œuvrer pour la mise en œuvre des mesures prises par la CIJ. Mais surtout, elle oblige la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, à œuvrer au respect de cette décision par la CIJ. Et ce tout particulièrement alors que celle‑ci préside le Conseil de sécurité jusqu’au 31 janvier.

La France est une grande nation. Membre fondatrice des Nations Unies, organisation multilatérale de pacification des relations entre États la plus aboutie qu’ait connu le monde depuis les traités de Westphalie en 1648, membre du Conseil de sécurité de l’ONU, ayant vécu les horreurs de la guerre. Il lui incombe la responsabilité de mettre en œuvre les mesures conservatoires requises par la Cour internationale de justice.

En œuvrant pour la mise en œuvre de cette résolution, la France prouvera son attachement au système des Nations Unies, au droit international, et à la justice pour les peuples. Elle prouvera que le droit international et le système des Nations Unies ne sont pas qu’un instrument de l’impérialisme à géométrie variable qui protège les plus puissants et condamne les opprimés.

Enfin, nous le rappelons, nous appelons la France à exiger un cessez‑le‑feu immédiat à Gaza et une résolution politique du conflit, seule voie vers la sécurité et la coexistence pacifique aux peuples israéliens et palestiniens.

 


– 1 –

proposition de loi

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789,

Vu la Charte des Nations Unies de 1945, et tout particulièrement son préambule et ses chapitres I, V et XIV,

Vu la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,

Vu le pacte international de 1966 relatif aux droits civiques et politiques,

Vu la décision de la Cour internationale de justice du 26 janvier 2024 en l’affaire relative à l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël),

Considérant que le peuple palestinien de Gaza est reconnu comme un groupe protégé au sens de l’article II de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ;

Considérant le risque génocidaire reconnu par la Cour internationale de justice dans son arrêt 26 janvier 2024 en l’affaire relative l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël) ;

Considérant les mesures conservatoires prononcées par la Cour internationale de justice à l’encontre d’Israël dans son arrêt du 26 janvier 2024 dans le cadre de l’affaire relative à l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël), et tout particulièrement l’obligation pour Israël de : veiller à ce que son armée ne commette aucun acte constitutif d’un crime de génocide au titre de l’article II de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des Palestiniens de la bande de Gaza, permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, et soumettre un rapport sur l’ensemble des mesures prises pour donner effet à l’ordonnance de la Cour internationale de justice dans un délai d’un mois ;

Considérant le caractère obligatoire des décisions prises par la Cour internationale de justice, en vertu de l’article 94 de la Charte des Nations Unies ;

Considérant la responsabilité qui incombe à la France, en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, d’agir pour faire respecter les mesures conservatoires décidées par la Cour internationale de justice dans son arrêt du 26 janvier 2024 dans le cadre de l’affaire relative à l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël), et ce tout particulièrement alors qu’elle préside ledit Conseil jusqu’au 31 janvier 2024 ;

1. Appelle le Gouvernement français à entériner la décision de la Cour internationale de justice du 26 janvier 2024 en l’affaire relative à l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël) ;

2. Appelle le Gouvernement français à prendre d’urgence les mesures nécessaires pour veiller à l’application par Israël des mesures conservatoires décidées par la Cour internationale de Justice dans son arrêt du 26 janvier 2024 dans le cadre de l’affaire relative à l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël) ;

3. Demande au Gouvernement français et à ses représentants aux Nations Unies de réunir de toute urgence le Conseil de sécurité des Nations Unies pour discuter des mesures qu’il peut prendre, au titre du chapitre VI de la Charte des Nations Unies, pour contraindre Israël à mettre en œuvre la décision de la Cour internationale de justice du 26 janvier 2024 en l’affaire relative à l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël) ;

4. Invite le Gouvernement français à user de tous les moyens pacifiques, au sein des Nations Unies, pour veiller à la mise en œuvre de la décision de la Cour internationale de justice du 26 janvier 2024 dans le cadre de l’affaire relative à l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël) ;

5. Rappelle la nécessité d’exiger en urgence à un cessez-le-feu immédiat ;

6. Rappelle la nécessité d’une résolution politique du conflit opposant Israël au Hamas, sur la base du droit international et des résolutions de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, de manière à permettre sécurité et coexistence pacifique aux peuples israéliens et palestiniens.