N° 2140

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à améliorer les conditions de travail et de vie de nos agriculteurs,

 

présentée par

M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER, M. Olivier SERVA, Mme Martine FROGER, Mme Béatrice DESCAMPS, M. Laurent PANIFOUS, Mme Josiane CORNELOUP, M. Francis DUBOIS, Mme Véronique BESSE, M. Pierrick BERTELOOT, M. Victor CATTEAU, Mme Danielle BRULEBOIS, Mme Estelle YOUSSOUFFA, M. Guy BRICOUT, M. Stéphane LENORMAND, Mme Marie-France LORHO, Mme Stéphanie GALZY, M. Bertrand PANCHER, M. Michel CASTELLANI, M. Christophe PLASSARD, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Hubert BRIGAND, Mme Emmanuelle ANTHOINE,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les récentes vagues de manifestations d’agriculteurs en France et en Europe mettent en lumière les préoccupations majeures du monde agricole. Sont en cause notamment : la politique de l’Union européenne en matière agricole et les mesures prises pour assurer les transitions écologique et énergétique au niveau national.

Les représentants des agriculteurs français, dont la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) et les Jeunes Agriculteurs (JA), dénoncent leurs conditions de travail et de vie difficiles, en particulier :

– les contraintes de la transition écologique et énergétique sur l’activité agricole ;

– la généralisation de la concurrence déloyale avec des Etats-tiers ;

– la limitation du recours aux pesticides ;

– la hausse des coûts de production agricole ;

– la démultiplication des normes s’appliquant au monde agricole ;

– la négociation difficile avec les industriels.

Ces revendications fortes convergent vers une conclusion commune : nos agriculteurs peinent à vivre de leur métier.

Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), sur la période de 2010 à 2020, le nombre d’exploitations en France a largement baissé, passant de 490 milliers d’exploitation à 390. Les subventions à l’agriculture française, s’élevant à 9,5 milliards d’euros en 2023, enregistrent une diminution de 1,2 milliers d’euros par rapport à 2021, influant directement la vie des agriculteurs.

L’impact de ces chiffres est factuel. Au-delà de l’inflation générale, nos agriculteurs doivent faire face aux contraintes économiques et financières nationales et européennes, couplées d’un manque de valorisation de la production en raison de la concurrence internationale.

Les politiques publiques menées depuis les années 2010, tant à l’échelle européenne qu’à l’échelle nationale ont tenté d’apporter des améliorations aux filières agricoles, mais certaines limites subsistent. Les réformes de la Politique agricole commune (PAC), du « Bilan de Santé » de 2009, ainsi que les lois françaises EGalim I, II et III, ont introduit des mesures visant à rééquilibrer les rapports de force en faveur des producteurs et à promouvoir des pratiques respectueuses de l'environnement.

Cependant, ces réformes suscitent des inquiétudes et des revendications légitimes. La proposition de résolution souligne les retombées concrètes de ces politiques sur les agriculteurs, confrontés à des contraintes économiques et financières, nationales et européennes, ainsi qu'à une concurrence internationale grandissante. La déconnexion et l’absence de consensus entre les aspirations environnementales et la réalité économique des exploitations agricoles reste une problématique centrale.

La PAC et les lois nationales ont certes apporté des avancées indéniables, mais des questions subsistent sur la baisse d’exploitation des terres agricoles, le besoin de valorisation salariale et professionnelle des filières agricoles et le mépris grandissant envers le métier des agriculteurs.

Face à ces nombreuses problématiques, plusieurs leviers d’action sont envisageables pour élaborer des solutions concrètes tant sur le plan national en agissant sur la gestion de l’eau, les coûts de production agricole, la protection des producteurs face aux grands distributeurs, que sur le plan européen en lien avec l’autorisation des produits phytosanitaires chimiques, la prédation et le renforcement des aides dans le cadre de la PAC pour la France.

Compte tenu de ces éléments, cette proposition de résolution appelle à une réflexion approfondie commune et invite à améliorer l’accompagnement de nos agriculteurs dans cette période de transition et de défis multiples.

 


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proposition de loi

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la loi n° 2023‑1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la mission d’information sur la gestion de l’eau pour les activités économiques présentées par MM. Patrice Perrot et René Pilato en juillet 2023,

Vu l’article 74 du Règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural ;

Considérant que l’accompagnement des agriculteurs pourrait encore être amélioré par un meilleur ciblages des aides au bénéfice des agriculteurs tant dans le cadre de la politique agricole commune que dans le cadre des lois EGALIM ;

Considérant que, d’ici 2034, 48 % des chefs d’exploitations agricoles auront atteint l’âge légal de départ à la retraite, le renforcement du métier est indispensable afin d’apporter un remplacement de la génération précédente d’agriculteurs ;

Considérant l’urgence de donner davantage de moyens à un secteur en grande souffrance par la revalorisation du métier qui peine à en vivre ;

Considérant que toutes les filières agricoles doivent pouvoir vivre de leur métier dans des conditions confortables et avec l’accompagnement adéquat ;

1. Invite le Gouvernement à réévaluer la cartographie de l’état des masses d’eau en phase avec les réalités du terrain, en lien avec les élus locaux, afin de favoriser un meilleur maillage territorial destinées à l’irrigation ;

2. Suggère au Gouvernement de mener un travail sur l’élaboration d’une série de mesures compensatoires à destination des agriculteurs, impactés par la hausse des coûts de production, en particulier par la hausse de la taxation sur le gazole non‑routier ;

3. Invite le Gouvernement à entamer une réflexion pour une évolution d’accompagnement de la viticulture en France ;

4. Invite le Gouvernement à tout mettre en œuvre pour mettre en place une politique globale sur la formation, l’installation et la transmission ambitieuse, apportant à la jeunesse agricole une vision du métier sur le long terme ;

5. Invite le Gouvernement à entreprendre une réflexion commune avec les compagnies d’assurance afin de permettre à la profession agricole de répondre aux enjeux de l’adaptation au changement climatique ;

6. Suggère au Gouvernement d’encourager la contractualisation, de sanctionner les comportements abusifs des grands distributeurs et des concurrents internationaux envers les agriculteurs français ;

7. Suggère au Gouvernement d’augmenter les fonds alloués à la mise en œuvre efficace du contrôle de l’application des lois EGALIM ;

8. Invite le Gouvernement à soutenir davantage l’origine France, le savoir‑faire français tout en rendant obligatoire la mention de l’origine nationale à tous les produits alimentaires bruts comme transformés, et ce dans tous circuits de distribution confondus ;

9. Invite le Gouvernement à respecter le calendrier annoncé de la future loi d’orientation agricole afin de déployer des moyens sans précédent pour contribuer aux travaux sur l’avenir de l’agriculture française ;

10. Invite le Gouvernement à défendre les intérêts nationaux agricoles à l’échelle européenne à la fois sur le recours aux produits phytosanitaires chimiques, la réglementation de la prédation des loups et des prairies sensibles et la révision de la cartographie des zones sensibles dans le cadre du dispositif Natura 2000 ;

11. Suggère au Gouvernement de ne pas adopter de mesures plus contraignantes que les autres États membres de l’Union européenne afin d’éviter toute distorsion de concurrence ;

12. Invite le Gouvernement à entreprendre les travaux et la recherche d’alternatives efficientes et économiquement viables au glyphosate ;

13. Invite le Gouvernement à ne pas interdire les produits phytosanitaires chimiques dans les zones sensibles afin de maintenir les moyens de production de la profession agricole et de favoriser le renouvellement des générations ;

14. Suggère au Gouvernement d’intégrer un volet spécifiquement dédié aux prairies sensibles dans le cadre des mesures futures sur le retournement des prairies ;

15. Invite le Gouvernement à soutenir le déclassement du loup comme espèce protégée dans la convention de Berne ;

16. Suggère au Gouvernement de revoir les périmètres imposés des prairies sensibles arrêtés dans le cadre de la politique agricole commune en avril 2023, plus spécifiquement de la bonne condition agricole et environnementale 9 en concertation avec les agriculteurs et surtout en milieu rural ;

17. Invite le Gouvernement à identifier les zones humides en concertation avec les acteurs du territoire et à cibler les zones humides avec un enjeu stockage de carbone ;

18. Invite le Gouvernement à garantir le versement de la totalité des paiements de la politique agricole commune 2023 à l’ensemble des exploitations françaises concernées.

19. Invite le Gouvernement à générer un choc de simplification des normes et à supprimer toute transposition ;

20. Invite le Gouvernement à rémunérer à juste valeur les agriculteurs ;

21. Suggère au Gouvernement de mettre en place un plan d’aide aux secteurs agricoles les plus en crise ;

22. Suggère au Gouvernement de faire de l’élevage une cause nationale ;

23. Invite le Gouvernement à déroger aux réglementations sur la jachère ;

24. Invite le Gouvernement à sortir des règles du libre‑échange ;

25. Invite le Gouvernement à alléger les contrôles sur les agriculteurs ;

26. Suggère au Gouvernement de prendre en compte le suicide dans le monde agricole ;

27. Inviter le Gouvernement à indemniser à juste titre les agriculteurs des aléas sanitaires et climatiques ;

28. Suggère au Gouvernement de revaloriser les pensions de retraites des agriculteurs ;

29. Invite le Gouvernement à soutenir davantage à la mutualité sociale agricole.