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N° 2212

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 février 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Invitant le Gouvernement à mesurer le périmètre et la profondeur d’infiltration de l’écriture dite « inclusive » au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche,

 

présentée par

M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Philippe BALLARD, M. Christophe BARTHÈS, M. José BEAURAIN, M. Pierrick BERTELOOT, Mme Véronique BESSE, Mme Sophie BLANC, M. Frédéric BOCCALETTI, M. Frédéric CABROLIER, M. Victor CATTEAU, M. Sébastien CHENU, M. Roger CHUDEAU, Mme Caroline COLOMBIER, Mme Annick COUSIN, Mme Edwige DIAZ, M. Nicolas DRAGON, M. Nicolas DUPONT-AIGNAN, M. Grégoire DE FOURNAS, M. Thierry FRAPPÉ, Mme Stéphanie GALZY, M. Frank GILETTI, M. Christian GIRARD, M. José GONZALEZ, Mme Florence GOULET, M. Michel GUINIOT, M. Jordan GUITTON, Mme Marine HAMELET, Mme Catherine JAOUEN, M. Alexis JOLLY, Mme Hélène LAPORTE, Mme Laure LAVALETTE, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Gisèle LELOUIS, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Katiana LEVAVASSEUR, Mme Marie-France LORHO, M. Philippe LOTTIAUX, M. Alexandre LOUBET, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Alexandra MASSON, M. Bryan MASSON, Mme Joëlle MÉLIN, Mme Yaël MENACHE, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Pierre MEURIN, M. Serge MULLER, M. Julien ODOUL, Mme Caroline PARMENTIER, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Angélique RANC, M. Julien RANCOULE, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Béatrice ROULLAUD, M. Alexandre SABATOU, M. Emeric SALMON, M. Lionel TIVOLI, M. Antoine VILLEDIEU,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« L’éducation est l’arme la plus puissante que vous puissiez utiliser pour changer le monde. »

Nelson Mandela

Un long chemin vers la liberté, 1994, éditions Fayard, 1995

« Le déracinement est de loin la plus dangereuse maladie des sociétés humaines, car il se multiplie luimême. Des êtres vraiment déracinés n’ont guère que deux comportements possibles : ou ils tombent dans une inertie de l’âme presque équivalente à la mort, comme la plupart des esclaves au temps de l’Empire romain, ou ils se jettent dans une activité tendant toujours à déraciner, souvent par les méthodes les plus violentes, ceux qui ne le sont pas encore ou qui ne le sont qu’en partie. (…) Qui est déraciné déracine. Qui est enraciné ne déracine pas. »

Simone Weil

L’enracinement, 1943, éditions Gallimard, 1949

La langue française est l’un des trois piliers de la Nation française, avec son peuple et son territoire. Son usage unifié dans l’ensemble du pays a permis les progrès de l’administration et de la justice royales en France. L’ordonnance de Villers‑Cotterêts, signée par François Ier en août 1539, fit du français, la langue administrative et juridique à la place du latin.

La vie publique du pays est indissociablement liée à l’emploi scrupuleux, afin de ne laisser « aucune ambiguïté ou incertitude » du « langage maternel français » (Ordonnance de VillersCotterêts, 25 août 1539, articles 110 et 111).

Le cardinal de Richelieu, ministre de Louis XIII, a créé l’Académie française en 1635, dans le but d’établir une langue qui symbolise et consolide l’unité du royaume, par une assemblée indépendante. Le pouvoir politique ne pouvant pas intervenir directement sur la langue, sans commettre d’abus.

Le français n’est pas qu’un moyen de communication. Il fait partie de notre patrimoine culturel, celui de la francophonie dans le monde, partagé par plus de 300 millions de locuteurs (750 millions d’ici 2070).

Aujourd’hui, nous constatons qu’une idéologie attaque la langue française et cherche à la détruire. Au comble de l’orgueil, elle prétend la réécrire, au mépris de l’histoire de France, selon des considérations visant à exacerber les singularités individuelles pour en faire une myriade de communautés atomisées, en lieu et place de la communauté nationale, une et indivisible.

Attaquer une langue, c’est attaquer les générations qui l’ont construite, et ceux qui la parlent aujourd’hui. C’est donc clairement une démarche de destruction qu’il convient d’empêcher au nom de la cohésion de la Nation et de tous les francophones dans le monde.

La langue française est précise et difficile. Le foisonnement de sa grammaire et de sa syntaxe permet d’élaborer une pensée construite. Ajouter de la confusion dans une langue, c’est éradiquer la complexité d’une pensée et, faire advenir une façon de penser pauvre.

En pratique, l’emploi de l’écriture dite « inclusive » serait tellement impossible qu’il contraindrait celui qui chercherait à l’employer, à apposer les mots les uns à côté des autres, en atrophiant la structure de sa phrase, donc, de sa pensée.

Ce mode d’écriture fait partie du programme de l’idéologie « woke » ou « wokiste ». Les thuriféraires de cette mouvance refusent le principe de dénominateur commun autour duquel s’agrège une société, celui de sentiment national, et lui préfère une exacerbation des singularités de chacun élevées au rang de règle générale devant s’imposer arbitrairement à tous.

Dès lors, chacun est fondé à revendiquer des droits subjectifs au nom de sa « minorité » ou « communauté », au sein de la communauté nationale, la France. Pour prendre en compte ces minorités infinies, l’écriture dite « inclusive » entend déformer la langue française, à l’aide d’une graphie dénuée de signification.

Cette pratique rédactionnelle poursuit comme objectif, la mort de la pensée française et la mort de la pensée en français.

La langue française n’est pas d’un apprentissage facile. La complexifier davantage avec une forme d’écriture aussi barbare que celle dite « inclusive » a pour finalité d’exclure tous ceux qui ne maîtriseraient pas cette graphie, c’est‑à‑dire, à peu près tout le monde. D’abord, le peuple français et la communauté francophone qui seraient incapables de se servir de ce langage inverti, et parmi eux, les personnes affectées d’un handicap cognitif telles que la dyslexie ou la dysphasie, mais aussi, nos ainés comme nos enfants, ainsi que les étrangers désirant apprendre le français. Si l’emballage présente le produit graphique comme « inclusif », sa réalité est celle de l’exclusion de tous les locuteurs francophones d’une nouvelle écriture en quête de sens.

Cette graphie incompréhensible cultive l’entre‑soi d’une élite qui s’exclut du réel et tente d’imposer son programme destructeur à l’ensemble des Français et des francophones.

Enfin, en rendant l’usage oral de la langue française impossible, l’écriture dite « inclusive » aurait pour effet de renforcer l’anglais comme langue véhiculaire.

L’Académie française s’en alarme : « devant cette aberration « inclusive », la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd’hui comptable devant les générations futures. »

Les domaines de l’Enseignement supérieur et la Recherche font partie des intérêts stratégiques de notre Nation. Tout comme l’enseignement public dans son ensemble, ils constituent le lieu d’éducation des créateurs, des penseurs, des chercheurs, des scientifiques de demain. S’attaquer à la recherche française c’est manifestement s’attaquer à l’avenir de la France.

Les témoignages d’étudiants comme les investigations journalistiques aujourd’hui s’agrègent et révèlent que l’usage de l’écriture dite « inclusive » a fait son entrée dans les établissements publics d’enseignement supérieur. Certaines administrations universitaires comme certains enseignants, non seulement utilisent cette graphie mais incitent les étudiants à en faire autant ; à commencer par la page d’accueil des sites internet ou les livrets d’accueil des étudiants, puis les revues académiques publiées par ces universités françaises. À tel point que, dans certains établissements, ne pas suivre cet usage devient une singularisation par la négative pour les étudiants, qui sont alors frappés d’ostracisme, tant qu’ils ne se plient pas à l’idéologie du moment.

Cet usage est ensuite absorbé par le phénomène de reproduction sociale, inhérent à tout système.

Ainsi, selon les différentes enquêtes qui ont eu lieu à ce jour, il semblerait qu’un tiers des universités françaises en France métropole et en outre‑mer fait usage de l’écriture dite « inclusive ».

À l’aune du danger que représente ce phénomène pour les intérêts stratégiques de la Nation française, il serait sage que le gouvernement s’en saisisse, en enquêtant lui‑même, grâce à l’excellence de ses services, sur l’ampleur de cette menace au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche en France.

En tant qu’ils forment les cerveaux et la science, les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche constituent une forteresse, dont la neutralité axiologique doit être préservée de tout assaut idéologique. Les cerveaux sont l’avenir d’une nation. L’État cohérent avec ses intérêts vitaux doit leur garantir la sécurité et la protection dont ils ont besoin pour se former.

Raison pour laquelle les auteurs de cette proposition de résolution prient le gouvernement de se saisir de la menace d’effraction d’une idéologie par sa graphie, au cœur même de la pensée et de la science française.

La langue française, qui permet de structurer et diffuser la pensée au sein du territoire national et du monde francophone, doit rester protégée de toute tentative de manipulation. Veiller sur notre langue, c’est veiller sur notre civilisation. Porter atteinte à l’une, c’est porter atteinte à l’autre.

Cette proposition de résolution invite le gouvernement à mesurer avec précision le périmètre et la profondeur d’infiltration de l’écriture dite « inclusive » au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche.

 


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proposition de loi

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 111 de l’ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539,

Vu la loi n°94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française,

Vu le deuxième alinéa de l’article L. 21-3 du code de l’éducation,

Vu la décision n° 417128 du Conseil d’État, 2e et 7e chambres réunies du 28 février 2019,

Vu la circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiée au Journal officiel de la République française,

Vu la circulaire du 5 mai 2021 relative aux règles de féminisation dans les actes administratifs du ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports et les pratiques d'enseignement,

Vu la déclaration de l’Académie française du 26 octobre 2017 contre l’écriture dite « inclusive »,

Vu la lettre ouverte de l’Académie française du 7 mai 2021 contre l’écriture dite « inclusive »,

Considérant que la langue française est l’un des trois fondements de la Nation française ;

Considérant que la langue française constitue le patrimoine sacré et inviolable de la Nation française et de la francophonie ;

Considérant que l’Académie française est la seule institution habilitée à décider de la bonne pratique de la langue française ;

Considérant que l’enseignement supérieur et la recherche constitue un intérêt stratégique de la France ;

1. Invite le Gouvernement à envisager un travail ministériel afin de mesurer le périmètre et la profondeur d’infiltration de l’écriture dite « inclusive » au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

2. Invite le Gouvernement à solliciter des corps d’inspection pour évaluer l’usage de l’écriture dite « inclusive » au sein des administrations universitaires et d’enseignement supérieur, et des laboratoires de recherche dans leurs enseignements et dans leurs publications et, de tous les organismes sous la tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

3.Invite le Gouvernement à demander à l’Académie française un rapport exhaustif sur l’infiltration de l’écriture dite « inclusive » au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

4.Souhaite que le Gouvernement engage une réflexion sur l’interdiction législative de l’usage de l’écriture dite « inclusive » dans tous les organismes relevant du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.