N° 2325

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 mars 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à assurer notre résilience en matière de ressources minières et reconquérir ainsi notre souveraineté minérale,

 

présentée par

M. Francis DUBOIS, M. Thibault BAZIN, M. Jean-Yves BONY, M. Ian BOUCARD, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Hubert BRIGAND, M. Éric CIOTTI, M. Pierre CORDIER, Mme Josiane CORNELOUP, M. Vincent DESCOEUR, M. Fabien DI FILIPPO, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Nicolas FORISSIER, Mme Justine GRUET, M. Patrick HETZEL, M. Mansour KAMARDINE, Mme Véronique LOUWAGIE, Mme Frédérique MEUNIER, M. Yannick NEUDER, Mme Christelle PETEX, M. Nicolas RAY, M. Vincent ROLLAND, M. Raphaël SCHELLENBERGER, Mme Michèle TABAROT, M. Jean-Pierre TAITE, Mme Isabelle VALENTIN, M. Pierre VATIN, M. Philippe GOSSELIN, M. Stéphane VIRY, M. Olivier MARLEIX, M. Victor HABERT-DASSAULT, M. Philippe JUVIN,

députés et députées.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France dont les conclusions ont été rendues en avril 2023 a entre autres permis d’établir que la France avait totalement perdu sa souveraineté minérale ; les activités extractives et les premières transformations ayant été transférées vers des pays à bas coût de main d’œuvre et moins regardantes en termes de normes environnementales.

Cette forte dépendance vis‑à‑vis de l’Asie, de l’Amérique centrale ou de l’Afrique nous affaiblit grandement puisqu’elle a un impact direct sur la pérennité des compétences et sur le tissu industriel liés à ces ressources minérales. Et l’absence d’industrie extractive en métropole a même changé le regard de notre société sur cette industrie, la pensant dépassée et non respectueuse de l’environnement.

Or, de très nombreux métaux seront pourtant nécessaires pour répondre à nos besoins en termes d’énergies décarbonées et numériques notamment pour la fabrication des batteries électriques ou des éoliennes.

D’ici 2050, il est acté qu’il faudra produire plus de ressources minérales que depuis le début de l’humanité. Dans le cadre de la transition écologique dans laquelle notre pays est désormais engagé, il est donc aujourd’hui indispensable pour sécuriser les approvisionnements en métaux dont nous aurons besoin dans les années à venir, de (re)développer une industrie minière française.

Et ce, d’autant plus que les ressources sont là : la France est dotée, en effet, de sols riches en métaux (lithium, tungstène, zinc, gallium, nickel, cobalt…), avec notamment un fort potentiel dans le Massif central ou en Bretagne. Les gisements d’intérêts économiques sont nombreux sur notre territoire. Rien que pour le lithium par exemple, la France disposerait de capacités identifiées suffisantes pour équiper plus de 700 000 à 950 000 voitures de batteries électriques par an pendant plusieurs décennies.

Nous devons donc investiguer à nouveau notre sous‑sol, relocaliser en assumant les besoins en ressources minérales nécessaires aux choix de notre société et ainsi reconquérir une souveraineté minérale.

Plutôt que de transférer cette activité à l’autre bout du monde, dans des conditions difficilement maîtrisables en termes d’atteinte à l’environnement, il est sans doute plus judicieux de développer cette industrie minière sur notre territoire, en minimisant autant que possible son impact environnemental par le respect des standards applicables aux mines responsables.

À l’instar de ce que font aujourd’hui l’Espagne ou les pays scandinaves, il est important de rappeler qu’il est tout à fait possible, de concilier le développement de l’industrie minière avec celui des énergies vertes : ces deux trajectoires ne sont pas antinomiques. Des entreprises spécialisées dans ce domaine développent aujourd’hui des projets d’exploitation « propres » très prometteurs conciliant extraction des ressources et diminution de l’empreinte environnementale.

Bien évidemment, la minimisation de l’impact environnemental a forcément un coût mais compte tenu des retombées en matière économique et énergétique, il paraît opportun de prendre en charge ces coûts et d’assumer le risque financier s’y attachant. Il faudra également envisager des processus de concertation avec les populations locales pour faire accepter ces nouveaux projets, les associer et faire preuve de pédagogie afin de construire en lien avec ces populations.

Pour favoriser l’émergence d’une nouvelle industrie minière en France, le Bureau de recherche géologique et minières (BRGM) doit dans un premier temps procéder à un nouvel « inventaire minier », c’est‑à‑dire un référencement des ressources disponibles dans le sous‑sol français puisque le dernier inventaire dont nous disposons est aujourd’hui incomplet, datant d’une cinquantaine d’années et réalisé avec les moyens technologiques de l’époque, donc des moyens limités. Il fournit le détail des ressources jusqu’à une profondeur de 300 mètres seulement, alors qu’il est désormais possible d’extraire des minerais jusqu’à 1000 mètres de profondeur. Et comme le précise le BRGM, les informations récoltées permettraient aussi, par effet domino, de mieux connaître notre sous‑sol et pourraient ainsi bénéficier à des secteurs bien plus vastes que ceux couverts par le seul inventaire minier. Nous pourrions ainsi progresser dans la connaissance des ressources en eau, des risques naturels, ou encore l’aménagement du territoire.

Même s’il est certain que le sous‑sol français ne pourra pas assurer à lui seul la fourniture de toutes les ressources dont nous aurons besoin et que des importations resteront nécessaires, nous avons sous nos pieds un trésor minier qu’il serait dommage de ne pas exploiter.

C’est donc toute une filière à démarrer et les entreprises françaises spécialisées sont prêtes à participer à cet effort de réindustrialisation et de développement de la filière énergétique minière afin de reconquérir notre souveraineté minérale.

Mais pour se faire, il faut une véritable volonté politique à relancer et financer cette filière. Les annonces faites sur ce sujet par le Président de la République en septembre 2023 semblent rester sans suite. C’est pourquoi il est indispensable que le Gouvernement s’engage pleinement et dès maintenant dans cette voie alors même que nous attendons encore la nouvelle loi de programmation énergétique et climatique pour 2024‑2028.

Tel est l’objet de cette proposition de résolution.

 


– 1 –

proposition de DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les travaux et les conclusions de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France,

Considérant que le dernier inventaire minier dont nous disposons date des années 70 et a été réalisé avec les moyens technologiques de l’époque, à savoir des moyens limités compte tenu des progrès technologiques réalisés depuis ;

Considérant qu’aujourd’hui, il est désormais possible d’extraire de façon « propre » des ressources minérales jusqu’à 1000 mètres de profondeur ;

Considérant que le sous‑sol français regorge de richesses minérales (lithium, tungstène, zinc, gallium, nickel, cobalt, terres rares…), avec un fort potentiel dans le Massif central ou en Bretagne ;

Considérant que la transition énergétique dans laquelle notre pays s’est lancé et l’électrification toujours plus importante à venir reposent en grande partie sur ces ressources minérales ;

Considérant qu’il n’est pas possible de dépendre entièrement des importations de ressources minérales ;

Considérant l’importance de sécuriser l’accès à des matières premières critiques compte tenu des tensions internationales liées aux différents conflits armés et aux relations commerciales parfois difficiles avec certains États ;

Considérant enfin le potentiel en termes d’emplois que représente la relance de cette filière ;

Déclare nécessaire la relance d’une industrie minière sur notre territoire national compatible avec le développement des industries vertes pour parvenir à notre souveraineté en matière minérale ;

Demande au Gouvernement de procéder dans les plus brefs délais, et dans le sillage des premières annonces faites en ce sens en septembre 2023, à un nouvel inventaire minier, afin de faire état de la richesse du sous‑sol français en minerais critiques stratégiques utiles à la transition énergétique ;

Invite le Gouvernement à relancer la filière minière afin d’assurer notre souveraineté minérale et d’armer financièrement cette relance et les projets s’y attachant ;

Encourage le Gouvernement à adopter « une politique minière ambitieuse » afin de réduire la dépendance de la France en matière de minerais critiques et stratégiques.