N° 2401

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mars 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à lutter contre la crise du logement et à favoriser l’accès au logement pour tous,

 

présentée par

M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre pays connait depuis plusieurs décennies, une crise du logement sans précédent. En effet, les secteurs du logement, de l’immobilier et du bâtiment se retrouvent en grande difficulté, notamment financière, renforcés par des politiques publiques déconnectées de la réalité et des mutations sociales de notre société.

Pourtant, la Cour des Comptes estimait le besoin en logement à 370 000 nouvelles constructions par an, alors que seulement 300 000 seront construits durant l’année 2023.

Sur cette même année, nous comptons 2,6 millions de ménages en attente d’un logement social, selon l’Union social pour l’habitat (USH). Ce nombre représente une demande en hausse de l’ordre de 7,5 % par an, quand le taux de production de logements est historiquement bas. Plus de 600 communes ne respectent pas les objectifs posés par la loi « SRU » sur environ 1 100 concernées.

La crise du logement social suit celle de la construction neuve. Selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le nombre de réservation auprès des promoteurs s’établit à 16 201 au troisième trimestre 2023, soit une chute de l’ordre de 39 % par rapport à la même période sur l’année 2022.

Le nombre de permis de construire est tombé à 23,7 %, soit 373 100 autorisations délivrées contre 489 000 pour l’année 2022. Le nombre des mises en chantier a chuté de 22 % comparativement à l’année précédente.

À ce déclin s’ajoute la menace qui pèse sur les emplois liés directement aux secteurs, comme celui du bâtiment, qui anticipe ainsi la suppression de 150 000 emplois d’ici 2025 et une baisse d’activité pour 2023 de l’ordre de 7,8 %.

La période d’inflation connue à partir de l’année 2023 n’a fait qu’accentuer la crise, augmentant les taux d’emprunt pour les ménages et de surcroit, diminuant le pouvoir d’achat des français.

De manière plus globale, plusieurs facteurs sont en cause ; l’absence de volonté politique de l’État mais aussi et parfois des élus locaux, le manque de foncier rendant impossible les opérations, la faiblesse du financement, la hausse des coûts de production due à l’inflation, une fiscalité non avantageuse.

De plus, les enjeux environnementaux fixés ne doivent pas être oubliés. Néanmoins, ceux‑ci doivent pouvoir s’adapter aux besoins de notre société et de notre population. La rénovation et la réhabilitation énergétique doit pouvoir s’opérer, tout en laissant la possibilité aux propriétaires de louer leurs biens sur le long terme.

Depuis le début du premier mandat de M. Emmanuel Macron, aucune politique publique du logement et de l’aménagement du territoire n’a été mise en œuvre, quand bien même le secteur rapporte près de 80 milliards d’euros par an, pour seulement 3 milliards d’euros de dépenses.

Compte tenu de ces éléments, cette proposition de résolution vise à trouver des solutions afin de résoudre la crise du logement actuelle, sur le moyen et long terme.

En conséquence,

 

 

 


– 1 –

proposition de DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, et notamment le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l’article 34‑1,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière,

Vu la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière et portant modification de la loi du 23 décembre 1986,

Vu la loi n° 2000‑1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain,

Vu la loi n° 2014‑366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové,

Vu la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique,

Vu le rapport de la commission d’enquête du Sénat en date du 29 juin 2023 portant sur la rénovation énergétique des logements,

Vu le rapport de la mission d’information commune sur la rénovation énergétique des bâtiments,

Considérant que le nombre de logements construits par année ne répond pas à la demande de notre population ;

Considérant que la récente hausse des taux d’emprunt est venue s’ajouter à la baisse du pouvoir d’achat ;

Considérant le besoin d’adaptation des logements en matière de réhabilitation et de rénovation aux enjeux climatiques ;

Considérant le manque de construction des logements sociaux et le nombre de ménages en attente de ceux‑ci ;

Considérant que les collectivités territoriales représentent des piliers en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire ;

Considérant que le secteur de l’immobilier enregistre une baisse de 7,8 % pour les constructions neuves en 2023 et une diminution de l’emploi estimée à 150 000 postes ;

Considérant la défaillance du parc locatif privé ;

Considérant que la crise du logement touche le secteur du bâtiment par une baisse des chiffres d’affaires, par la suppression d’emplois, par la baisse des activités ;

Invite le Gouvernement à renforcer les pouvoirs du maire dans les politiques d’attribution et de pilotage de la gestion et de la production de logements sociaux ;

Incite le Gouvernement à décentraliser les zonages des politiques de logement ;

Demande au Gouvernement de lutter contre les logements vacants en s’appuyant sur la fiscalité locale ;

Souhaite que le Gouvernement donne aux maires les outils nécessaires à la réglementation des meublés de tourisme et équilibrer l’offre locative ;

Suggère au Gouvernement de garantir un financement pérenne des agences et des établissements publics qui accompagnent les communes et intercommunalités dans le portage des projets de logement, en réhabilitation et en construction neuve ;

Demande au Gouvernement d’accélérer les procédures de récupération foncière, tels que les biens sans maître, biens en l’état d’abandon ;

Appelle le Gouvernement à simplifier l’évolution des documents d’urbanisme au regard des nouveaux enjeux et élargir, pour toutes les communes, les pouvoirs de dérogation du maire prévus pour les zones tendues dans le code de l’urbanisme ;

Invite le Gouvernement à revoir la taxation des plus‑values sur la cession des terrains nus rendus constructibles ;

Demande au Gouvernement de réinstaurer et simplifier le versement pour sous‑densité b ;

Souhaite que le Gouvernement revoit la taxe d’aménagement afin de l’adapter au dispositif « Zéro artificialisation nette » ;

Suggère au Gouvernement d’adapter l’objectif Zéro artificialisation nette avec les objectifs de construction ;

Appelle le Gouvernement à réformer la fiscalité des droits de mutation ;

Recommande au Gouvernement de développer des observatoires à l’échelle nationale et locale afin d’analyser l’évolution du coût du foncier et ajuster les outils financiers et fiscaux ;

Appelle le Gouvernement à établir une sécurisation juridique des clauses et outils visant à lutter contre la spéculation à destination des maires et présidents d’intercommunalités ;

Invite le Gouvernement à relancer la mise à disposition avec décote du foncier public de l’État et de ses opérateurs pour des opérations visant à créer des logements ;

Propose au Gouvernement de mettre en place un mécanisme de régulation des prix du foncier sur la base du volontariat des communes et intercommunalités ;

Demande au Gouvernement d’imposer une pause législative et réglementaire à titre conservatoire, sur de nouvelles mesures contraignant la production ;

Incite le Gouvernement à réhabiliter l’acte de construire dans le discours et soutenir concrètement les communes qui participent à l’effort de production de logements abordable : compensation totale des exonérations de taxes sur les résidences, incitation fiscale à l’investissement locatif et à l’accession à la propriété, aide aux maires bâtisseurs, aides à l’ingénierie, etc. ;

Appelle le Gouvernement à maintenir le dispositif prêt à taux zéro dans les mêmes conditions qu’à sa mise en œuvre ;

Souhaite que le Gouvernement maintienne les dispositions prévues par la loi Pinel dans les mêmes conditions qu’à sa mise en application ;

Propose au Gouvernement de mettre en œuvre une loi de programmation pour le logement pour donner de la visibilité sur l’engagement de l’État et ses objectifs en matière de production, de rénovation et d’adaptation des logements ;

Demande au Gouvernement de veiller au respect de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain et du taux de logements sociaux imposé aux communes de plus de 3 500 habitants ;

Invite le Gouvernement à préserver la participation des employeurs à l’effort de construction et garantir sa juste utilisation ;

Appelle le Gouvernement à exclure de façon uniforme les passoires thermiques de l’offre de logements disponibles à la location ; supprimer l’interdiction des mises en location de logements classés F et G d’ici à 2028 ;

Suggère au Gouvernement la mise en place d’un crédit d’impôt carbone pour aider à la rénovation thermique des logements ;

Demande au Gouvernement de préciser rapidement les financements venant de l’État sur un plan quinquennal d’accompagnement des propriétaires et bailleurs à la rénovation des passoires énergétiques et créer un véritable service public de rénovation énergétique de l’habitat avec un haut niveau d’ambition ;

Propose au Gouvernement de faciliter l’émergence des terrains constructibles avec des leviers fiscaux, comme la baisse de la TVA dont le taux sur le foncier pour la construction neuve privée est actuellement de 19,6 % ;

Appelle le Gouvernement à instaurer un crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt pour l’achat de la résidence principale afin d’aider les Français à devenir propriétaire ;

Invite le Gouvernement à attribuer aux communes une part des recettes de taxe sur la valeur ajoutée collectée sur la construction des logements ;

Demande au Gouvernement de créer un statut de bailleur privé pour donner la possibilité aux investisseurs dans le logement locatif d’amortir leurs acquisitions et leurs travaux ;

Souhaite que le Gouvernement allège la fiscalité des bailleurs privés, qui pratiquent des prix inférieurs au marché ;

Suggère au Gouvernement le renforcement à caractère coercitif de la lutte contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées ;

Appelle le Gouvernement à relancer un plan massif de production à destination des jeunes actifs et des étudiants ;

Demande au Gouvernement d’assouplir la réglementation des marchés publics sur la construction ;

Propose au Gouvernement de garantir les effectifs dans les services déconcentrés, chargés de la gestion de compétences relevant de la solidarité nationale, exercées par l’État concernant les politiques de logement telles que l’hébergement des sans‑abris, le relogement des ménages bénéficiaires du droit au logement opposable et des occupants de squats, la lutte contre l’insalubrité et les marchands de sommeil.