N° 2420 rectifié

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

ayant pour objet de demander au Gouvernement le retour de Mirabeau au Panthéon,

 

présentée par

M. Philippe JUVIN, M. Éric CIOTTI, M. Jean-Yves BONY, M. Ian BOUCARD, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Nicolas FORISSIER, M. Jean-Jacques GAULTIER, M. Mansour KAMARDINE, Mme Véronique LOUWAGIE, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Stéphane VIRY, M. Benjamin HADDAD,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors qu’Honoré‑Gabriel Riquetti, plus connu sous le nom du Comte de Mirabeau, s’est éteint il y a 233 ans, il reste identifié par la société française comme un personnage clé de la Révolution française.

Lorsque Louis XVI convoque les États Généraux en juin 1789, Mirabeau y participe comme député du tiers‑état, après son élection en Provence, et se distingue immédiatement comme le plus brillant des orateurs de la Révolution française. Il est présent lorsque les députés du tiers‑état se constituent Assemblée nationale le 17 juin 1789.

Le 23 juin 1789, devant le marquis de Dreux‑Brézé envoyé par Louis XVI qui ordonne la dissolution de l’Assemblée nationale, il prononce ces mots entrés dans la postérité : « Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple, et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes ». Le bronze d’Aimé‑Jules Dalou, installé dans le salon Casimir Périer au cœur de l’Assemblée nationale depuis 1889, immortalise cette scène de l’Histoire de France.

Le 26 août 1789, il est un des principaux artisans de l’adoption de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen par l’Assemblée Constituante. Cette déclaration inspirera d’autres pays à travers le monde, et contribuera à l’élaboration de nombreuses Constitutions, dont celle de notre Ve République en 1958.

Devant l’état des finances publiques, Mirabeau fait voter un nouvel impôt : la contribution patriotique du quart des revenus. Il est également, avec Charles Maurice de Talleyrand, à l’origine de la nationalisation des biens du clergé. Le 30 janvier 1791, il devient Président de l’Assemblée Constituante et sa popularité grandit auprès du peuple de France.

À sa mort brutale le 2 avril 1791, Mirabeau laisse un vide dans le paysage politique révolutionnaire. L’Assemblée Constituante décide dès le 3 avril de transformer l’église Sainte‑Geneviève à Paris pour la consacrer à la sépulture des grands Hommes et lui rendre l’hommage qu’il mérite. Mirabeau est le premier à entrer au Panthéon le 4 avril 1791.

Michelet (livre 2, chapitre X) décrit la panthéonisation de Mirabeau comme « la pompe funèbre la plus vaste, la plus populaire qu’il y ait eu au monde, avant celle de Napoléon, au 15 décembre 1840. Le peuple seul fit la police et la fit admirablement. Nul accident dans cette foule de trois ou quatre cent mille hommes. Les rues, les boulevards, les fenêtres, les toits, les arbres, étaient chargés de spectateurs. […] Ce convoi immense ne put arriver qu’à huit heures à l’église SaintEustache. Cérutti prononça l’éloge. Vingt mille gardes nationaux déchargeant à la fois leurs armes, toutes les vitres se brisèrent ; on crut un moment que l’église s’écroulait sur le cercueil. »

Mirabeau était un modéré qui s’opposait aux excès de la Révolution. Il se voyait comme le trait d’union entre les révolutionnaires, la Cour et Louis XVI. Entre 1789 et 1791, il ne faisait pas figure d’exception. À cette époque, beaucoup croyaient encore à l’instauration d’une monarchie constitutionnelle.

La révélation de ses correspondances avec le roi en novembre 1792 provoque un sentiment de trahison dans une France qui a perdu totalement confiance en Louis XVI depuis Varennes (20 et 21 juin 1791). Sa dépouille est expulsée du Panthéon le 21 septembre 1794, sur décision de la Convention.

La présente résolution ne vise pas à réécrire l’Histoire de France, ni à nier les évidentes complexités de la période révolutionnaire. Elle a pour objet de permettre aux Français de se rassembler plus facilement derrière une des plus grandes figures de la Révolution, en reconnaissant que sa présence au Panthéon est légitime et que sa contribution à l’Histoire de France est considérable.

La présente résolution invite le Gouvernement à procéder au retour symbolique de Mirabeau au Panthéon.

 


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proposition de DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant qu’Honoré‑Gabriel Riquetti, plus connu sous le nom du Comte de Mirabeau, est un personnage clé de la Révolution française et que certains de ses combats, notamment la Déclaration de l’Homme et du Citoyen, sont entrés dans la postérité ;

Considérant qu’il était communément admis en France de défendre le régime de la monarchie constitutionnelle entre 1789 et 1791, tout en embrassant les causes révolutionnaires ;

Considérant que le Panthéon est un lieu important, qui permet aux Français de se rassembler autour de leur Histoire ;

Invite le Gouvernement à procéder au retour symbolique de Mirabeau au Panthéon.