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N° 2515

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 avril 2024.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

invitant le Gouvernement à agir au niveau européen et international
pour renouveler son soutien au processus de paix et de réconciliation entamée par l’accord de paix pour l’Irlande du Nord,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanPaul LECOQ, Édouard BÉNARD, Soumya BOUROUAHA, JeanVictor CASTOR, Steve CHAILLOUX, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Karine LEBON, Tematai LE GAYIC, Frédéric MAILLOT, Yannick MONNET, Marcellin NADEAU, Mereana REIDARBELOT, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Nicolas SANSU, JeanMarc TELLIER,

députés et députées.

 

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 31 mai 2023 a été déposée au Sénat une proposition de résolution européenne « invitant le Gouvernement à agir au niveau européen et international pour appuyer la relance du processus de paix et de réconciliation entamée par l’accord de paix pour l’Irlande du Nord », cosignée par les membres du groupe Communiste républicain citoyens écologistes, au premier rang desquels les sénateurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées Pierre Laurent et Michèle Gréaume, afin de mettre en lumière les difficultés du processus de paix depuis le Brexit au sein de l’île d’Irlande.

Cette proposition de résolution a été débattue en commission des affaires européennes du Sénat le 28 juin 2023 et amendée par les rapporteurs Didier Marie et Colette Mélot.

Fort de ces débats et des amendements proposés par les co‑rapporteurs au Sénat, la présente proposition de résolution européenne a pour vocation d’enrichir et de mettre à jour ces débats au regard de l’actualité, et de permettre à l’Assemblée nationale d’endosser le sujet en appelant notre gouvernement à agir plus fortement au sein de l’Union européenne comme s’y engage le Conseil européen depuis avril 2017 et le Parlement européen pour soutenir l’accord du Vendredi Saint et de toutes ses dispositions, conclu en 1998.

L’accord du Vendredi Saint a rencontré des difficultés d’application depuis le référendum sur la sortie du Royaume‑Uni de l’Union européenne, organisé en juin 2016.

La population nord‑irlandaise, qui a voté à près de 56 % pour rester dans l’Union européenne, s’est retrouvée marginalisée par le choix électoral majoritaire des Anglais et des Gallois qui consistait à sortir de l’Union européenne.

Dès ce référendum, la question du statut de l’île d’Irlande, d’une éventuelle frontière terrestre s’est posée, bouleversant les fragiles équilibres politiques issus de la paix de 1998.

Quatre ans après le référendum sur le Brexit, en janvier 2020, était signé le « protocole nord‑irlandais » règlementant la circulation des marchandises entre le reste du Royaume‑Uni et l’Irlande du Nord, et entrant en vigueur au 1er janvier 2021. Ce dernier est parvenu à éviter l’instauration d’une frontière physique entre la République d’Irlande, toujours membre de l’union européenne, et l’Irlande du Nord, qui aurait fragilisé les accords de paix du Vendredi Saint.

Le compromis semblait acceptable pour la majorité. Toutefois les Unionistes nord‑irlandais, partisans de l’union avec le Royaume‑Uni, ont vécu la mise en œuvre de ce protocole comme une trahison de Londres.

Le principal parti unioniste nord‑irlandais, le Democratic Unionist Party (DUP) a lutté jusqu’au bout contre ce protocole et a boycotté pendant deux années la mise en place des institutions de l’accord du Vendredi Saint.

Le 4 mars 2021, peu après la mise en œuvre du « protocole nord‑irlandais », plusieurs groupes dits de « paramilitaires loyalistes », attachés eux aussi à Londres, ont même déclaré ne plus apporter leur soutien aux accords de paix de 1998, alors qu’ils en étaient signataires.

Le 5 mai 2022, la crise s’est amplifiée à la suite des élections nord‑irlandaises qui ont vu pour la première fois depuis 1921 le parti républicain irlandais Sinn Féin remporter les élections, et donc obtenir le poste de Premier ministre.

Depuis cette date, et conformément à l’accord de paix de 1998 sur le partage du pouvoir, un vice‑premier ministre de l’opposition issu du principal parti unioniste doit être nommé

Pour tenter de trouver une solution, une nouvelle session de négociations entre Bruxelles et Londres sur le « protocole nord‑irlandais » de 2020 a permis de trouver un nouveau compromis, appelé « cadre de Windsor » et validé le 22 mars 2023.

Depuis février 2024, les institutions de l’accord du « Vendredi Saint » sont opérationnelles. Le Sinn Féin est le plus grand parti politique dans les deux juridictions de l’ile d’Irlande. Michelle O’Neill, vice‑présidente du Sinn Féin, est aujourd’hui Première ministre de l’Assemblée du Nord, et le Sinn Féin détient les trois ministères économiques les plus puissants, à savoir l’économie, les finances et les infrastructures, conformément à l’accord de partage du pouvoir.

Cependant, une « loi relative aux troubles en Irlande du Nord (héritage et réconciliation) » (« The Northern Ireland Troubles – Legacy and Reconciliation – Act »), publiée en mai 2022 et promulgué le 18 septembre 2023 ayant pour objectif d’empêcher les poursuites judiciaires relatives au conflit nord‑irlandais pour les soldats britanniques et les paramilitaires qui décideront de coopérer avec les autorités britanniques contribue à la résurgence des tensions en Irlande en rouvre des plaies à peine refermées, notamment pour les familles des quelque 1200 personnes assassinées qui font encore l’objet d’une enquête.

Cette loi a fait l’objet d’une procédure de vérification au sein du Conseil de l’Europe et a été vivement critiquée par plusieurs experts des Nations‑Unies, au premier rang desquels M. Volker Türk, l’actuel Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, pour lequel l’introduction d’une immunité conditionnelle et serait « probablement en contradiction avec les obligations du Royaume‑Uni en vertu du droit international des droits de l’homme ». Cela est désormais prouvé.

En mars 2024, devant la Haute Cour de justice d’Irlande du Nord, le juge Colton a indiqué que la « loi relative aux troubles en Irlande du Nord (héritage et réconciliation) » bafouait la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Dans le point 187 de son jugement, ce dernier indique être « convaincu que les dispositions relatives aux poursuites en vertu de l’article 19 et les dispositions connexes en vertu des articles 7(3), 12, 19, 20, 21, 22, 39, 42(1) de la loi de 2023 constituent une violation des droits du requérant principal en vertu de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Je suis également convaincu qu’elles sont contraires à l’article 3 de la CEDH. »

Il est donc urgent que le processus de paix de 1998 retrouve une dynamique forte et que la France et l’Union européenne y prennent une part active, en tant que voisin, amis et alliés du Royaume‑Uni et de la République d’Irlande en maintenant sa vigilance quant au plein respect de l’Accord du Vendredi Saint et du cadre de Windsor, et en soutenant les efforts du Royaume‑Uni et de l’Irlande.

Par conséquent, cette proposition de résolution vise à mobiliser diplomatiquement la France, en tant que plus proche voisin de la République d’Irlande au sein de l’Union européenne, et l’Union européenne elle‑même en faveur de l’application pleine et entière de ces accords de aix, et du plein respect de l’accord « sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique » du 17 octobre 2019.

Elle vise également à exprimer notre solidarité et à demander à notre gouvernement de se montrer ambitieux dans le cadre de la gestion des accords douaniers sur l’ile d’Irlande, et, in fine, sur les accords de paix.

 

 


proposition de résolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 48 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’accord de paix pour l’Irlande du Nord du 10 avril 1998, signé par le Royaume‑Uni, la République d’Irlande, les principaux partis, dont le Sinn Féin et les unionistes (accord dit « du Vendredi Saint »), sous l’égide des États‑Unis,

Vu l’accord sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique du 17 octobre 2019 (2019/C 384 I/01),

Vu le protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord signé entre le Royaume‑Uni et l’Union européenne annexé à l’accord de retrait,

Vu l’accord dénommé « cadre de Windsor » du 27 février 2023 signé entre le Royaume‑Uni et l’Union européenne,

Vu la résolution no 157 adoptée le 9 mai 2023 par le Sénat des États‑Unis d’Amérique renouvelant son soutien à une application pleine et entière de l’accord du Vendredi Saint,

Vu les implications de l’arrêt de la Haute Cour de Justice de M. Colton de mars 2024 sur les articles 2 et 4 de l’accord « sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique » du 17 octobre 2019,

Considérant la force des liens historiques entre la France et l’Irlande, leur proximité géographique et culturelle et l’intensification de leurs relations depuis le retrait du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne ;

Considérant le soutien de la France et de l’Union européenne en faveur de la signature des accords de paix de l’Irlande du Nord et de leur application pleine et entière ;

Considérant l’attachement des Irlandais et Nord‑Irlandais au respect de l’accord du Vendredi Saint, qu’ils ont approuvé, à une large majorité, par référendum ;

Considérant que le juge Colton a statué que « conformément à l’article 7A de la loi de 2018 sur le retrait de l’Union européenne, toute violation de l’article 2, paragraphe 1, du cadre de Windsor devrait entrainer l’inapplication des dispositions pertinentes, de sorte qu’elles n’ont aucune force ni aucun effet. »

Considérant que conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de l’accord « sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (2019/C 384 I/01) », que « le Royaume‑Uni assure le respect du paragraphe 1, y compris en ce qui concerne la capacité dont doivent disposer ses autorités judiciaires et administratives d’écarter l’application de dispositions contradictoires ou incompatibles, au moyen du droit primaire national »

Considérant la difficulté à convenir du statut de la frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, dans le cadre de la négociation et de la mise en œuvre de l’accord de retrait du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne ;

Considérant que le 4 mars 2021, des groupes « paramilitaires loyalistes » ont déclaré ne plus apporter leur soutien aux accords de paix conclus en 1998 alors qu’ils en sont signataires ;

Considérant que le processus de paix nécessite une constante vigilante et un constant soutien international ;

Considérant que la France, qui est désormais le plus proche voisin de l’Irlande dans l’Union européenne, doit, au sein de celle‑ci et avec l’ensemble des États membres, accorder une attention particulière à la situation sur l’ile d’Irlande ;

Invite le Gouvernement et l’Union européenne à maintenir leur vigilance quant au plein respect de l’accord du Vendredi Saint et de l’accord de retrait du Royaume‑Uni de l’Union européenne et du cadre de Windsor ;

Appelle le Gouvernement et l’Union européenne à soutenir le Royaume‑Uni et l’Irlande, qui sont conjointement responsables de la mise en œuvre complète de l’accord du Vendredi Saint et de toutes ses dispositions, à respecter toutes les conditions de cet accord de paix, afin d’assurer une paix durable sur l’île d’Irlande.